Gisèle Freund

02 janvier 1992
02m 45s
Réf. 00190

Notice

Résumé :

A l'occasion de l'exposition que le Centre Georges Pompidou consacre à son oeuvre, entretien avec la photographe Gisèle Freund, chez elle. Elle évoque sa carrière en montrant ses plus célèbres photos d'écrivains.

Type de média :
Date de diffusion :
02 janvier 1992
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )
Thèmes :

Éclairage

Gisèle Freund naît, en 1908, à Schöneberg près de Berlin. Adolescente, son père lui offre un appareil photographique Leica qui ne la quittera plus. Elle étudie la sociologie à l'Université de Francfort, mais devant la montée du nazisme, elle fuit l'Allemagne et termine ses études à Paris, où elle prend la nationalité française et soutient une thèse sur La Photographie en France au XIXe siècle, qu'elle éditera, grâce à Adrienne Monnier en 1936.

C'est par celle-ci qu'elle rencontre et côtoie de nombreux écrivains, alors peu connus, dont elle fait des portraits qui la rendront célèbre, à commencer par celui de Malraux. Dès 1938, elle est la première femme à réaliser des portraits en couleurs, en utilisant des pellicules Agfacolor. Elle immortalisera ainsi Michaux, Yourcenar, Cocteau, Beckett, Gide, Woolf et bien d'autres personnalités dont Mitterrand.

Fuyant la France pendant la guerre, elle part réaliser des reportages en Amérique Latine, puis devient la première femme photographe chez Magnum en 1948.

Elle est invitée à exposer ses oeuvres par le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, en 1968, et en 1991, une grande rétrospective lui est consacrée par le Centre Pompidou. Reconnue comme une des plus grandes photographes-portraitistes du XXe siècle dans le monde entier, elle décède à Paris en 2000, après avoir reçu de nombreuses récompenses et donné à l'Etat plus de 300 photographies.

Emmanuel Zbinden

Transcription

Henri Sannier
A Beaubourg, à Paris, grande rétrospective pour une grande dame de la photo. Gisèle Freund, elle a 83 ans. C'est la portraitiste officielle de François Mitterrand, le Président de la république. C'est aussi l'amie des plus grands écrivains de ce siècle. Elle a côtoyé Malraux, Cocteau, André Gide, une pléiade de vedettes moins connues mais qui ont beaucoup de talent, n'est-ce pas, monsieur le Président ? Gisèle Freund qui est restée modeste déclare volontiers : « Je n'ai jamais cru que la photographie soit un art ». Reportage de Monique Atlan et Jacques Gérard.
Monique Atlan
La plupart de ces photos, nous les connaissons, nous les reconnaissons, souvent sans savoir que c'est à elle qu'on les doit. Agée aujourd'hui de 83 ans, Gisèle Freund, née à Berlin, réfugiée à Paris dès la montée du nazisme, a, toute sa vie, collectionné les visages des plus grands artistes de ce siècle.
Gisèle Freund
Voilà Paul Valéry dans son bureau, le peintre Bonnard devant sa maison au Le Cannet, une photo de... comment s'appelle-t-elle ? On en parle tellement.
Monique Atlan
Duras ?
Gisèle Freund
Duras, voilà.
Monique Atlan
Mais en réalité, mais pour Gisèle Freund, la photo n'était pas une vocation, plutôt un moyen de vivre, une façon de satisfaire sa curiosité du monde et sa passion totale pour la littérature.
Gisèle Freund
Je voulais écrire moi-même et je ne pouvais pas le faire : j'étais à cheval sur plusieurs langues. Mais j'adore la littérature et je n'ai photographié que ceux qui m'intéressaient, dont je connaissais les livres.
Monique Atlan
Modeste, trop modeste, Gisèle Freund refuse le nom d'artiste. Elle se veut simple traducteur du réel et de ces visages que l'on cache généralement derrière un masque.
Gisèle Freund
Je crois que la meilleure que j'ai faite, c'est celle de Virginia Wolf, le portrait d'elle, à un moment où elle ne s'est pas rendu compte que je la photographiais. Tous ses problèmes sortaient vraiment de cette tête, de ces yeux, de cette bouche. Instinctivement, je pense, je ne sais pas ce qui, en moi, déclenchait à chaque fois de photographier quelqu'un quand je trouvais que c'était quelque chose de l'intérieur de la personne, en réalité.
Monique Atlan
Mais la photographe se définit aussi par ses refus. Question de morale.
Gisèle Freund
Il y a beaucoup de choses que je ne voulais pas photographier. On m'a reproché que je ne suis pas allée photographier une guerre, parce que j'ai dit non. J'ai toujours cru, et c'est pour ça que j'étais intéressée dans la photo, que grâce à la connaissance du monde à travers la photo, les gens ne se tueraient plus. Si je connais quelqu'un très bien, pourquoi je vais le tuer ? Mais je me suis trompée. J'ai compris, un jour, que ce n'est pas vrai, que les gens se tuent quand même.
Monique Atlan
Pourtant, au-delà de cette désillusion, l'oeuvre de Gisèle Freund porte plus que jamais témoignage de cette flamme, de cet espoir entrevu dans les écrits ou les regards de ceux qu'elle a croisés.
Henri Sannier
La suite, donc, c'est...