Reportage chez le peintre Roman Opalka

24 avril 1994
03m 06s
Réf. 00216

Notice

Résumé :

Reportage chez le peintre Roman Opalka en train de peindre sa série Détails : portrait et interview de l'artiste sur son travail.

Type de média :
Date de diffusion :
24 avril 1994
Source :
France 3 (Collection: Rapptout )
Personnalité(s) :
Lieux :

Éclairage

Roman Opalka ne peint pas le temps, il le matérialise depuis 1965 par une oeuvre monomaniaque, Les Détails, qui repose sur trois éléments : des toiles couvertes inlassablement de suites arithmétiques, qu'il énumère en polonais et accompagne de son autoportrait photographié jour après jour, avec le même cadrage, la même chemise blanche, la même expression. Les chiffres grandissent vertigineusement sur ses tableaux de plus en plus blancs, tandis que le temps fait son office sur sa voix devenue râpeuse et son visage parcheminé aux cheveux raréfiés. Mise en scène implacable pour une oeuvre philosophique qui rappelle l'homme à sa condition mortelle, contre toutes les vanités. Cette utilisation de son propre corps le rapproche du body art, mais son travail n'a pas la violence des performances d'Orlan, plasticienne française qui dénonce les diktats de la beauté en transformant son corps et son visage par de multiples opérations.

Né en France en 1931 de parents polonais, Opalka et les siens sont expulsés en 1940 dans leur pays d'origine. S'il n'est pas directement victime de l'Holocauste, le peintre est fortement marqué par ces évènements. À la fin de la guerre, il retourne en France, avant d'être rapatrié de nouveau en Pologne l'année suivante. Il quitte définitivement le pays en 1977 pour vivre et travailler en France.

Cécile Olive

Transcription

(Musique)
Journaliste
Tout a commencé en 1965, à Varsovie, lorsque Roman Opalka a peint en haut à gauche de sa toile, le chiffe « 1 ». Et puis le « 2 » et puis le « 3 », jusqu'à la recouvrir entièrement. Aujourd'hui, 180 toiles plus tard, il a dépassé les 5.959.000 et continue de consacrer exclusivement sa vie d'artiste à numéroter son temps.
Roman Opalka
J'ai pris mon corps, ma durée, mon existence comme souvent je l'ai dit, comme une sorte de sacrifice pictural et l'essence, la mise en corps de cette démarche, fait une oeuvre comme nous tous faisons une oeuvre de notre vie. Chaque fois, quand j'ajoute un nombre, tout change. C'est une sorte de promenade, si vous voulez, où les pas sont conscients chaque fois, chaque pas ajoute une, le poids de la durée de tous les pas que vous avez vécus. J'utilise même la mort comme instrument d'une oeuvre. Pour finir, pour achever une oeuvre, je prends la mort comme outil.
Journaliste
En 1972, Roman Opalka décide d'ajouter au fond gris de chaque nouvelle toile 1% de blanc en plus, pour l'éclaircir progressivement.
Roman Opalka
Si tout va aller bien pour moi, je serai environ après une dizaine d'années dans le blanc absolu. C'est-à-dire, il y a une exaltation pendant une existence d'un peintre qui va, tous les jours, vers ce blanc là. Pour avoir transformé des blancs picturals en blanc moral.
Journaliste
L'oeuvre de Roma Opalka n'a qu'un seul titre : Opalka 1965, de 1 à l'infini. Chaque toile est appelé un détail, chaque photo qu'il prend de lui quotidiennement, un extrême détail.
Roman Opalka
Il y a naturellement une performance, il y a un sacrifice dans cette démarche, mais c'est aussi vrai qu'il y a un bonheur ; ça n'a rien à voir, cette démarche, avec une sorte de sinistrose : tout va mal. Au contraire, c'est une émotion d'une existence qui se manifeste, c'est pas la tristesse.