Evgen Bavcar, photographe et aveugle

21 octobre 1996
02m 03s
Réf. 00238

Notice

Résumé :

Portrait d'Evgen Bavcar, photographe, qui a perdu la vue à l'âge de 12 ans. Ses photos en noir et blanc parlent du temps qui passe, ou qui reste suspendu.

Type de média :
Date de diffusion :
21 octobre 1996
Source :
FR3 (Collection: Paris 6 )
Personnalité(s) :
Thèmes :

Éclairage

Evgen Bavcar est né en Slovénie en 1946. Il perd accidentellement la vue peu avant ses douze ans. Il étudie d'abord à l'Institut des jeunes aveugles de Ljubljana. Plus tard, il s'installe à Paris où il étudie la philosophie et l'esthétique et soutient une thèse de doctorat sur Art et société dans les esthétiques françaises contemporaines.

A partir de 1976, il rejoint l'Institut d'esthétique des arts contemporains où il conduit des travaux sur le statut de l'image. Il prend la nationalité française en 1981.

Le paradoxe n'est qu'apparent car, dit-il : "il faut distinguer le visuel, ce que voient nos yeux, du visible, ce que voit notre esprit." C'est à l'âge de seize ans qu'il utilise pour la première fois un appareil pour photographier la fille qu'il aime. Il découvre la possibilité d'appréhender ainsi le réel. Depuis, il ne cesse de poursuivre son travail photographique, à l'aide d'un appareil à mise au point automatique. Les descriptions, par ses amis, de ses prises de vues lui permettent d'évaluer ses résultats. Cette activité donne lieu à de nombreuses expositions et publications dans toute l'Europe, ainsi qu'aux États-Unis, au Brésil et au Mexique.

Emmanuel Zbinden

Transcription

Journaliste
Evgen Bavcar est photographe. Photographe et aveugle, les deux. Paradoxal et provocateur.
Evgen Bavcar
Le berceau de la photographie, c'est l'obscurité, c'est la chambre obscure. Comme je vis dans cette obscurité, n'est-ce pas, c'est tout à fait normal que je m'occupe de la photo. Je prends la photo très au sérieux. Je la prends à l'état zéro.
Journaliste
L'état zéro, c'est le noir. Une chambre ou la nuit. Le photographe y compose ses images, ensuite il les balaie d'un pinceau de lumière.
Assistante
Ça veut dire que vous avez composé la photo d'abord dans la tête avant de la faire.
Evgen Bavcar
Oui oui, c'est ça bien sûr, bien sûr.
Assistante
Si vous regardez les photos qui sont tellement mystérieuses, qui racontent des histoires complètes, qui sont mystiques aussi, d'une grande esthétique, je crois que les photos parlent pour elles-mêmes. Disons Evgen ne serait pas aveugle, je le montrerai quand même.
Journaliste
Ces photos parlent du temps. Le temps abattu, le temps qui s'est arrêté à douze ans, quand Evgen Bavcar perd son deuxième oeil. Son miroir magique se brise et se fige sur ces images.
Evgen Bavcar
Ce sont mes images intérieures, mes icones, à travers lesquelles je souhaite communiquer avec les autres, avec les regards des autres, avec le regard des autres, et mes photos existent d'autant plus pour moi dans la mesure qu'elles existent aussi pour les autres. C'est pour ça que je les expose ici.
Assistante
Pas trop Evgen ?
Evgen Bavcar
D'accord.
Assistante
Alors là, il y a la photo du pissenlit.
Evgen Bavcar
Oui.
Assistante
Attendez.
Journaliste
Evgen Bavcar depuis trente ans, adresse ses photos au monde entier comme des cartes postales en provenance de sa chambre noire intime.
Assistante
Il expose pour un mois à Paris dans la jeune et blanche galerie du XVe, Falgar 36.
Evgen Bavcar
C'est un regard, c'est mon regard.