Il y a 20 ans, l'idée d'un festival à Cannes naissait.

02 mai 1958
03m 03s
Réf. 00043

Notice

Résumé :

Entretien avec Philippe Erlanger, le créateur du festival de Cannes, qui revient sur les événements qui ont entouré la naissance du Festival.

Type de média :
Date de diffusion :
02 mai 1958
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Transcription

François Chalais
Ce festival, c'est vous, Philippe Alanger, qui en avez eu l'idée, il y a exactement vingt ans.
Philippe Erlanger
Il y a vingt ans, en effet, j'hésitais presque à le croire tellement je revois avec netteté ce wagon-lit où, revenant du festival de Venise, je n'arrivais pas à trouver le sommeil et où cette idée m'a visitée pour la première fois. Je ne me doutais pas que tant de choses allaient en ressortir.
François Chalais
Vous ne trouviez pas le sommeil parce que le wagon-lit était dur ?
Philippe Erlanger
Non. D'abord, il y avait des raisons d'ordre très général, nous étions à la veille de Munich. Et puis, je me remémorais ce qu'il venait de se passer au festival de Venise, qui s'était terminé dans le tumulte, parce que la politique avait complètement changé les décisions du jury. Et de nombreux pays, notamment les pays anglo-saxons avaient décidé de ne pas y retourner.
François Chalais
C'est en pensant à tout cela que vous vous êtes dit : " Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas faire cela en France ? " ?
Philippe Erlanger
Effectivement.
François Chalais
"Puisque les étrangers ne veulent plus venir à Venise ? ". Le festival de Venise durait déjà depuis plusieurs années, en sommes.
Philippe Erlanger
Depuis 1932.
François Chalais
Vous y étiez, vous, en qualité de...
Philippe Erlanger
J'étais, à cette époque-là, au ministère des Beaux-arts, et j'étais déjà délégué de la France, à ce festival, où nous avions eu de grandes récompenses dans le passé. Mais nous en avions été frustrés par les interventions que j'ai dites.
François Chalais
Mais avoir une idée dans un wagon-lit ailleurs, et la faire réaliser, je pense qu'il y a un certain chemin qu'il faut parcourir ?
Philippe Erlanger
Oui. Ca a été un chemin, d'ailleurs, vraiment pittoresque. Dès mon arrivée, j'en ai parlé à une de mes collègues des Affaires étrangères, qui s'appelait mademoiselle Borel, et qui s'appelle, maintenant, madame George Bideau. Et c'est ensemble que nous avons fait le rapport qui a été soumis au gouvernement et adopté peu après. Le festival devait avoir lieu le 1er septembre 1939.
François Chalais
Est-ce que ce festival devait avoir lieu à Cannes, déjà ?
Philippe Erlanger
D'abord, on avait pensé le mettre à Biarritz. Puis, des interventions cannoises se sont produites. Je suis venu ici. Je me rappelle encore ce voyage aussi. Et le choix, finalement, s'est porté sur cette ville qui est, en effet, la plus propice pour une pareille rencontre.
François Chalais
Mais alors, tout était prêt, en somme, le 1er septembre ?
Philippe Erlanger
Tout était prêt. Hollywood avait déjà envoyé des constellations de vedettes. Je me rappelle Laurna Sheller, George Raft, Tyran Power, combien d'autres, et Louis Lumière qui avait reçu la présidence d'honneur du festival. Les fêtes avaient commencé, d'ailleurs, un mois avant. Pour vous donner une idée de la splendeur de ce qu'on préparait, la seule fête américaine devait coûter 100 000 dollars.
François Chalais
Et en somme, ce festival aurait été un festival extraordinaire ?
Philippe Erlanger
Ca aurait été un festival extraordinaire. Aussi un détail : les américains devaient présenter une des nombreuses versions qu'ils ont faites de Notre Dame de Paris, d'après Victor Hugo, et ils entreprenaient de reconstruire une Notre Dame, en carton pâte, sur le sable.
François Chalais
Je regrette de ne pas avoir vu ça. Alors, finalement, tout le monde était là, tout le monde était prêt. Quand on se trouve à Cannes, on ne pense plus à autre chose, d'ailleurs. Et je pense que la plupart des gens ont dû être presque surpris par l'annonce de la guerre. Ils on trouvé que c'était injuste, que c'était une attaque de Venise ?
Philippe Erlanger
Oui, c'était un mauvais tour qu'on nous jouait.
François Chalais
Et il a fallu, après, attendre de nombreuses années puisque le premier festival, en somme, n'a eu lieu qu'en 1946. Et là, encore une fois, vous avez pris un autre wagon-lit et vous êtes venu. Et cette fois, c'est pour la bonne.