Festival de Cannes

05 mai 1960
07m 40s
Réf. 00061

Transcription

François Chalais
Tout monde le sait, désormais. L'histoire du cinéma débute par l'arrivée d'un train en gare. Un festival ne saurait faire exception à la règle. Dans celui-ci, Silvana Mangano et Alberto Sordi. Cent drapeaux agités devant la Croisette le rappelleront peut-être ceux de leur dernier film, "La Grande Guerre". Mais notre guerre, à nous, est plus pacifique, et notre bataille de Cannes, avec Simone Renant, membre du jury, connaît des arbitres moins dangereux pour des conflits plus agréables. Première grande vedette : Machiko Kyo, japonaise et admirable interprète de "Rashômon", venue présenter son film "Etrange Obsession". Etrange, en effet, puisqu'il s'agit... Mais taisons-nous, les enfants ne sont pas couchés. Janice Rule, américaine de la nouvelle vague est venue goûter sur la croisette la griserie de pouvoir y déambuler sans danger d'être reconnue puisque personne, encore, ne la connaît. Mais on vous assure que cette lacune sera vite comblée. Quant à Franca Bettoia, la France l'apprécie depuis un film de Léo Joannon et un autre de Gérard Oury. C'est plus qu'une silhouette, bien douce au regard. C'est un caractère. Donc, le festival est commencé. Celui-ci porte le numéro 13. Etes-vous superstitieux ? Monsieur Bernard Cornut-Genbtille, maire de Cannes, ne semble pas l'être, en tout cas. Ecoutez-le.
Bernard Cornut-Gentille
Il n'est plus nécessaire de présenter le festival de Cannes aux téléspectateurs et téléspectatrices car grâce à sa renommée, grâce à la presse et grâce à la télévision, les Françaises et les Français en savent déjà fort long. Il n'est donc pas nécessaire que je présente ce treizième festival du film. Et je voudrais seulement vous dire, téléspectateurs et téléspectatrices qui m'écoutez, que je voudrais que vous soyez ici, aujourd'hui, à Cannes, avec le soleil, dans ce cadre unique, et avec cette population qui s'amine joyeusement pour recevoir ses hôtes. Tout cela, vous l'imaginez aisément et vous allez le voir dans les images qui vont vous être présentées. Je voudrais seulement ajouter un mot concernant une innovation que nous avons cette année, puisque nous doublons le festival de floralies. Nous rassemblons, cette année, en dehors des clients du festival, la présentation des plus belles fleurs du monde dans un cadre qui est celui de la caisse de l'aumônerie municipale, entourée avec les oiseaux et les bijoux. Il n'est pas besoin de le développer. Cela vous parle aux yeux et aux oreilles. Ce que je voudrais peut-être ajouter, dont on a si rarement parlé, c'est l'intérêt que ce festival peut présenter pour les Cannois, les Français et le monde. Sur le plan cannois, le festival, c'est, évidemment, l'événement de l'année. Sur le plan national, c'est une occasion de venir dans une ville où vous êtes déjà venu, ou si vous n'êtes pas encore venu, vous viendrez, j'en suis sûr. Mais c'est aussi le moment de savoir que le festival international du cinéma est un événement national non seulement par toutes les personnes qui s'y rendent mais par l'avantage matériel qu'il représente pour la France au point de vue des recettes et de la publicité que ça fait à la France dans le monde. C'est le dernier caractère du festival : son caractère international. Et je crois que non seulement il est agréable d'être à Cannes, il est heureux d'y voir tous ceux qui y viennent, les vedettes, toutes les affaires qui se font autour film du point de vue international. Et je le répète, en conclusion, que c'est bien un événement local, national et international.
François Chalais
Et tout de suite, chaque habitué a pu faire une remarque. Ce festival semble plus calme que les précédents. Est-ce le doux symbole généreusement dispensé sur les marches du palais ? Ou le service d'ordre assuré par la sûreté et par les CRS de Nice se s'est-il montré particulièrement efficace ? Aucune bagarre (fait remarquable) entre photographes français et photographes italiens. Aucune dénonciation de la liberté de la presse menacée. On vieillit, quoi. C'est pourtant avec un sourire d'Annette Vadim, le symbole même de la jeunesse qui éclaire d'abord cette soirée d'inauguration. Voici maintenant que la suivent Anabelle et son mari Bernard Buffet, notre amie Machiko Kyo, Janice Rule, que les chasseurs d'image on désormais repérée pour La Vie, Van Jonhson débarqué sans crier gare alors que personne ne l'attendait, le jeune commando italien composé de Cristina Gaioni, Franca Bettoia, et l'adorable (n'ayons pas peur des mots) Georgia Moll. Charles Aznavour et Maria Vincent, Micheline Presel, Marie Lafôret, Michel Auclair et le future Candide, Jean Pierre Cassel, Silvana Mangano et Alberto Sordi que nous vous présenterons bientôt plus longuement, Pierrette Pradier, encore toute étonnée que l'on s'intéresse à elle (pourvu que cela dure), la jolie polonaise de "La Millième Fenêtre", Barbara Kwiatkowska, la Bégum Aga Khan, toujours fidèle aux meilleures traditions du festival, Wiliam Wyler, évidement, puisque ce soir, c'était un peu lui, d'abord, que l'on fêtait, André Malraux, rapide, précis, direct comme une page de ses livres. Un grand remous : Grace Kelly fait son apparition aux côtés de Rainier de Monaco. Et peut-être, ce soir-là, Grace Kelly s'est-elle souvenue plus que d'habitude de ce temps pas si lointain où les photographes l'appelaient Grace, quand elle était vedette des mêmes productions Metro auxquelles, ce soir, on doit Ben Hur. Et cette autre princesse, d'un soir, celle-là, israélienne, Haya Harareet. Haya Harareet, vedette de "Ben Hur", que nous avions rencontrée ce matin-même sur le port où l'entraînaient les devoirs de sa charge, sa gentillesse et aussi quelques frénésies photographiques qui n'amusent pas particulièrement, d'ailleurs, le goût incontestable qu'elle a pour la discrétion. Voilà. L'euphorie règne. Tout est dit, ici, jusqu'à présent, avec des fleurs. Même par nous. Celles-ci sont parmi les plus belles du monde. Cannes les a réunies dans des floralies de bon augure. Souhaitons qu'elle vivent ces quinze jours comme nous vous les offrons : harmonieuses, parfumées et sans épine. Et ne nous faites pas dire que cela est trop beau pour durer.
(Silence)