Le marché du cinéma au Festival 1976

25 mai 1976
02m 54s
Réf. 00171

Transcription

Journaliste
A 3 jours de la clôture, le festival de Cannes entretient le suspense. Les critiques réservent leurs pronostics si quelques noms sont avancés pour les prix d'interprétation, personne encore ne se risque à parier sur le film qui remportera le grand prix. Bien sûr, un certain nombre d'oeuvre ont marqué ce 30ème festival : "Taxi Driver", un autre film américain intitulé "Prochain arrêt: Greenwich Village", et le film "1900" de Bertolucci. Mais d'une manière générale, le choix se révèle très difficile car le cru 1976 semble bon. C'est d'ailleurs ce que confirme notre envoyé spécial à Cannes, Alain Beverini.
Alain Beverini
Il est certainement trop tôt pour faire un bilan du festival de Cannes 1976. Mais on peut déjà dire que pour son 30ème anniversaire, Cannes aura été gâté. On refuse des spectateurs à chaque projection, on s'est battu dès le premier jour pour assister à "Hollywood... Hollywood!" Gene Kelly et Fred Astaire ont failli être étouffés, quant à Marcello Mastroianni, il y a laissé ses boutons de manchettes. Il faut donc faire la queue pour tout. Pour boire un café, pour un coin de plage ou pour une place au cinéma. Certains regrettent même le métro aux heures de pointe. Les commerçants de Cannes, eux, ne regrettent rien bien sûr. A Cannes, pendant 15 jours, plus de 400 films sont projetés et malgré 50 programmes différents par jour, le festival avec sa compétition, reste le pôle d'intérêt primordial. Une chose est certaine, cette année, c'est qu'on ne pourra pas reprocher au festival une démarche diplomatique. Cette année, seuls les films seront jugés et non les pays, le chauvinisme n'a plus court à Cannes. Qu'on en juge, Jean Rouch et Eric Rohmer, tous deux de nationalité française, ont réalisé leurs films, l'un au Sénégal, l'autre en Allemagne. Qu'on ne vienne plus maintenant reprocher à Losey et Polanski d'avoir fait le leur en France. Là où le bât blesse cependant au niveau toujours de la compétition, c'est le pas pris par l'industrie sur l'art. Les producteurs veulent de moins en moins courir le risque et concourir pour la palme d'or les effraye. Alors, quand leur film est important, ils le présentent hors compétition, comme "1900" de Bertolucci, où s'abstiennent comme "Buffalo Bill" de Robert Altman. C'est tout de même dommage, d'autant que le festival, avec sa compétition, n'est que la vitrine de cette foire du film et que le marché, avec ses 400 films, est de loin pour les professionnels le véritable centre d'intérêt. C'est à Cannes pendant 15 jours que les producteurs rencontrent les distributeurs, les acheteurs, les vendeurs et les affaires se traitent au cours des repas et dans les bureaux cossus des palaces de la Croisette. Plusieurs milliards de francs changent ainsi de main en deux semaines. Aussi, devons-nous avoir une pensée émue pour les producteurs pessimistes qui se plaignent de la crise économique tout en secouant leur havane au-dessus de leur coupe de champagne. Non, le cinéma n'est pas mort et n'est pas près de l'être. Cannes en est la preuve avec toutes ses manifestations, avec son aspect fort du film, avec son snobisme, ses chapelles et son folklore. Cannes depuis 30 ans se bat pour le cinéma. Le cinéma dont nous avons tous besoin pour rêver, réfléchir ou nous distraire.