Les attaques de fermes européennes dans la région du Kef

03 juin 1954
35s
Réf. 00037

Notice

Résumé :

Alors que la guérilla se développe sur le territoire tunisien, cinq colons sont assassinés par des « fellaghas » dans la région du Kef.

Date de diffusion :
03 juin 1954
Source :
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Éclairage

Depuis 1952, une véritable guérilla se développe sur le territoire tunisien. Parti du sud, le mouvement s'étend progressivement aux campagnes du nord : embuscades, coups de main, sabotages et attentats se multiplient. Le Néo-Destour n'a qu'une influence médiocre sur ces combattants qui agissent de manière largement spontanée. Si le remplacement du résident général Jean de Hauteclocque par Pierre Voizard (septembre 1953) introduit une certaine détente dans les relations franco-tunisiennes, la crise politique est loin d'être résolue et les actions des groupes armés s'intensifient. Ces derniers trouvent un refuge naturel dans les zones montagneuses, comme celle du Kef dans le nord-ouest du pays où opère un chef prestigieux, Sassi Lassoued.

Les Actualités françaises reviennent ici sur une attaque brutale dans la région d'Ebba-Ksour, qui a suscité un vif émoi dans la communauté européenne. Le 26 mai 1954, deux fermes étaient prises d'assaut : les frères Bessède sont exécutés devant leur famille ; à quelques kilomètres de là, trois hommes de la famille Palombieri périssent également aux mains des combattants tunisiens. Sortis de leur contexte dans le reportage, ces meurtres s'inscrivent en réalité dans un cycle de violences qui frappe alors la Tunisie : le 24 mai, Ali et Tahar Haffouz sont assassinés, probablement par la Main Rouge ; le 29 mai, le Premier ministre Mohamed Salah Mzali échappe à un attentat. Les fermes européennes constituent une cible privilégiée pour ceux que les Français appellent les « fellaghas ». Certes, les colons agricoles sont proportionnellement peu nombreux et les attaques de fermes accélèrent encore leur départ vers les villes. Ils ne constituent pas moins un symbole de l'occupation française – comme en témoigne d'ailleurs leur représentation disproportionnée dans les différentes instances de consultation et de décision. Davantage que les fonctionnaires circulant dans les villes coloniales, ils sont en contact quotidien avec les Tunisiens, ce qui favorise aussi bien les relations amicales que de farouches inimitiés. Isolés dans les zones rurales, ils sont évidemment des proies faciles, malgré la présence renforcée de l'armée.

Le reportage est caractéristique de la manière dont les Actualités françaises traitent les meurtres de colons : les journalistes jouent sur l'émotion (la photographie du couple Bessède près d'une image religieuse, l'impact des balles dans le mur de la maison, l'exode des colons), sans jamais mettre les événements en contexte. On ne s'appesantit donc pas sur la contestation politique tunisienne. Un voile tout aussi pudique est jeté sur les dissensions au sein de la colonie européenne, car il importe de donner l'image d'une communauté unie. La tragédie du 26 mai provoque pourtant la colère des Français de Tunisie qui reprochent à la résidence générale de ne pas assurer leur sécurité. Ainsi, Pierre Voizard est accueilli par les huées de ses compatriotes à son retour de France, le 29 mai.

Morgan Corriou

Transcription

Journaliste
En Tunisie, dans la région du Kef, une bande de fellagas a incendié deux fermes et massacré les habitants. L’assassinat des deux frères de la ferme Bessede se lit encore sur le mur au pied duquel ils ont été abattus.
(Musique)
Journaliste
Et les survivants ne purent qu’emporter les meubles épargnés par les flammes.
(Musique)