Elections législatives à Brazzaville [muet]

15 juin 1959
58s
Réf. 00084

Notice

Résumé :

[Document muet] Après avoir neutralisé ses opposants au lendemain des émeutes de février 1959, Fulbert Youlou dissout l'assemblée et organise de nouvelles élections législatives qui se déroulent le 14 juin 1959.

Date de diffusion :
15 juin 1959
Source :
ORTF (Collection: JT NUIT )

Éclairage

Le Congo-Brazzaville s'est prononcé en faveur du « oui » lors du référendum de 1958 et est devenu un État membre de la Communauté française. La rapidité du calendrier pour la constitution des États africains de la Communauté à la fin de l'année 1958 conduit à une lutte acharnée entre les leaders politiques pour accéder au siège suprême. L'Union démocratique de défense des intérêts africains (UDDIA), le parti de Fulbert Youlou, maire de Brazzaville depuis 1956, se trouve ainsi en légère minorité à l'assemblée territoriale élue en 1957, par rapport à la coalition menée par le Mouvement Socialiste Africain (MSA) de son opposant, Jacques Opangault. L'abbé Youlou réalise un « coup d'État » le 28 novembre 1958, en faisant adopter par les seuls élus de l'UDDIA les lois constitutionnelles de la nouvelle République du Congo. Il est nommé Premier ministre le 8 décembre, à la suite du ralliement d'élus de la coalition à l'UDDIA. Opangault dénonce cette usurpation de pouvoir et réclame de nouvelles élections législatives, conformément aux accords conclus, mais Fulbert Youlou s'y oppose. Ce conflit politique dégénère en émeutes qui prennent l'allure de rivalités ethniques et ensanglantent Brazzaville en février. L'abbé affirme son autorité lors de ces évènements, en en faisant porter la responsabilité à son opposant. Comme dans d'autres États membres de la Communauté française, l'année 1959 marque alors la présidentialisation du pouvoir au Congo-Brazzaville, sous la direction de Youlou et avec le soutien de Paris qui envoie des conseillers spéciaux pour la sécurisation du nouvel État. Après avoir neutralisé son opposition et soigneusement redécoupé les circonscriptions électorales, le Premier ministre congolais organise de nouvelles élections législatives prévues le 14 juin 1959.

Le reportage réalisé à l'occasion de ces élections pour le journal télévisé français présente principalement les affiches de campagne du parti de Youlou, l'UDDIA, avec son emblème du caïman, animal puissant dans la mythologie Kongo et revêtant une dimension mystique et magique. Certaines affiches présentent d'ailleurs cet emblème du caïman en y associant entre les mâchoires de l'animal les symboles des partis opposants : le coq du MSA de Jacques Opangault et la panthère du Parti progressiste congolais (PPC) de Jean-Félix Tchicaya. L'organisation de ces élections est strictement encadrée, avec des files disciplinées séparant hommes et femmes. La caméra met en avant la figure du général de Gaulle imprimée sur les vêtements, avec un parti UDDIA qui s'inscrit dans son discours et s'est substitué au PPC de Tchicaya en tant que section locale du Rassemblement Démocratique Africain en 1958. La division entre les bureaux de vote du centre-ville européen et ceux des quartiers majoritairement africains ressort également du reportage, qui s'achève sur le vainqueur de ces élections, l'abbé Youlou que l'on voit en train de voter. L'UDDIA obtient 51 sièges contre 10 pour le MSA. La République congolaise proclame son indépendance le 15 août 1960, avec une polarisation du pouvoir autour de la personne de Fulbert Youlou. L'abbé cumule les fonctions de Premier ministre et de président, puis pratique une politique de réconciliation nationale, qui intègre au gouvernement ses opposants, ce qui permet ainsi de les subordonner. Il construit enfin une république centrée autour du palais présidentiel et associant des conseillers spéciaux français à un réseau de courtisans concurrents éloignés des réalités politiques de la société congolaise.

Bénédicte Brunet-La Ruche