La répression des émeutes berbères

30 août 1955
43s
Réf. 00166

Notice

Résumé :

Le deuxième anniversaire de la déposition de Mohammed Ben Youssef voit le soulèvement de tribus berbères. Le 20 août 1955, des Européens sont massacrés à Oued Zem. La révolte est durement réprimée par l'armée française.

Date de diffusion :
30 août 1955
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Éclairage

À son arrivée à Rabat, le résident général Gilbert Grandval tente d'initier une politique d'apaisement en bridant l'action des groupes ultras français et en reprenant le dialogue avec les nationalistes marocains. Mais l'attentat du 14 juillet 1955 et les représailles sanglantes qui s'ensuivent continuent de creuser le fossé de haine entre les communautés. Alors que le résident général peine à trouver une solution politique qui éviterait une restauration de Mohammed Ben Youssef, des violences éclatent dans les campagnes du Moyen Atlas. À l'occasion du deuxième anniversaire de la déposition du sultan, le « bon bled » berbère se soulève. Le 18 août, les cavaliers zaïanes fondent sur Khénifra. Le 20, des habitants européens sont massacrés à Oued Zem et Aït Amar. La lutte nationale prend une dimension rurale qui prend de court les autorités françaises. Celles-ci sont d'autant plus déconcertées qu'elles ont longtemps joué l'opposition entre berbérophones et arabophones, privilégiant les premiers, supposés moins islamisés, et développant dans des discours raciaux fantaisistes un véritable mythe berbère. Les représailles sont à la mesure du choc provoqué, l'armée n'hésitant pas à faire intervenir l'aviation contre les montagnards. Quatre appareils menaçant survolent d'ailleurs la scène de reddition, dans le reportage du 30 août 1955. Les Actualités françaises montrent les tribus impliquées dans les tragiques événements d'Oued Zem implorer l'amân, l'immunité contre leur soumission. Dans un français fleuri censé reproduire le style arabe, le général Franchi, commandant la région militaire de Casablanca, n'hésite pas à comparer les insurgés à « une horde de chacals puants ». Le ton paternaliste traduit bien la difficulté des autorités à voir dans les émeutes berbères autre chose qu'une jacquerie et à admettre la politisation des masses rurales. L'insistance du journaliste sur le rituel de l'amân, et notamment le sacrifice de douze jeunes taureaux, n'est pas anodine. Face au soulèvement, inattendu, la France coloniale tente encore de se rattacher à l'illusion du « conservatoire à bons sauvages » évoqué par Jacques Berque, à cette image fantasmatique d'un bled berbère fidèle et authentique, préservé dans son état de nature par des siècles de traditions. Cependant, le basculement des campagnes marocaines précipite les négociations avec les forces nationalistes. Le 22 août, s'ouvre la conférence franco-marocaine d'Aix-les-Bains.

Morgan Corriou

Transcription

(Musique)
Journaliste
Au Maroc, 10 000 hommes appartenant aux tribus impliquées dans les effroyables événements d’Oued Zem sont descendus des montagnes sur le plateau de [Sameque] ; pour implorer l’aman, le pardon. Dans le silence, seulement troublé par les avions de chasse, les rebelles ont déposé un signe de leur soumission, quelque 900 fusils ; et écoutaient la tête basse le général Francky les comparer à une horde de chacals puants. Douze jeunes taureaux seront immolés, car selon la coutume berbère, une prestation de serment n’est valable que sur le sang du sacrifice. Mais pardon ne signifie pas oubli.