Demain, l'Algérie

29 août 1961
18m 10s
Réf. 01023

Notice

Résumé :

Film sur l'aide française à la construction de l'Algérie à la veille de l'indépendance. La population algérienne dans ses diverses activités : l'école, les jeux et le sport pour les enfants ; le service santé ; l'agriculture, l'industrie, l'aménagement de nouvelles cités pour les adultes.

Type de média :
Date de diffusion :
29 août 1961
Lieux :

Éclairage

1961 est une année charnière dans le conflit algérien. L'ALN est en grande partie défaite sur le terrain, tandis que la diplomatie fait son chemin, avec des discussions de plus en plus poussées avec le FLN, entamées lors des premières négociations d'Evian (mai-juin 1961). Peu avant, lors du référendum du 8 janvier 1961, les Français ont ratifié le principe de l'autodétermination en Algérie. Dans un discours le 11 avril 1961, le général de Gaulle évoque même l'Algérie comme un Etat-nation – donc un pays indépendant, mais dans le giron de la France. Pour les militaires et les ultras d'Alger, la coupe est pleine : le 22 avril, ils fomentent un coup d'Etat sur la base de celui du 13 mai 1958 de manière à destituer celui qu'ils avaient amené au pouvoir et qu'ils considèrent comme le « bradeur » de l'Algérie française. Mais le coup d'Etat échoue : les militaires ne sont pas suivis par la troupe.

Terminé le 29 août 1961, ce film est l'un des derniers produits par le SCA (qui s'appelle désormais ECA, Etablissement cinématographique des armées) en Algérie. C'est en quelque sorte un bilan de l'action de la France, qui sonne en même temps comme une justification alors que se profile l'indépendance de l'Algérie. Le film est réalisé par l'ECA, mais il émane de la Délégation du gouvernement en Algérie et du bureau « psychologique » de l'armée en Algérie. Un courrier du chef du service psychologique indique d'ailleurs que le film « sera utilisé dans la campagne pour l'autodétermination. [...] Je me permets d'appeler votre attention sur le fait que le commentaire a été approuvé par le directeur de l'information de la Délégation Générale et ne saurait être modifié dans son esprit » (SHD, 1H2515/2, 7 août 1961). Cette note permet d'indiquer que le SCA/ECA est devenu un outil dépendant essentiellement de la DGA depuis 1959, et qu'il s'agit bien là de propagande politique pour l'autodétermination – mais une propagande semblant émaner de l'armée. Une autre note indique que ce film « destiné à la population rurale a été réalisé en vue de l'autodétermination débouchant sur l'association de l'Algérie et de la France. L'indépendance de l'Algérie y est évoquée » (SHD, 1H2515/1, s.d.). De fait, le film mise, plus qu'aucun autre auparavant, sur la monstration de la population « musulmane », les Européens n'étant pas même mentionnés. Il s'ouvre et se ferme sur un plan sur la population active des Algériens dans la rue, sur fond de musique guillerette : « 1961. Après tant de douloureuses épreuves, l'Algérie avance vers le chemin de l'indépendance et de la paix ». Le fond de la propagande n'a guère changé : le film fait toujours appel aux enfants (« ils marchent avec leurs parents sur la route d'un avenir heureux »), aux femmes libérées (« si elles ont des soucis, ce ne sont que des soucis habituels de bonnes ménagères »), aux hommes mis au travail dans l'agriculture ou l'industrie (« tous les Algériens que nous venons de voir ont du travail ; ils gagnent leur vie, celle de leur famille »), aux écoles, à l'hygiène, etc. ; par contre, ces différents éléments ne sont plus mis au service de l'Algérie française, mais de l'Algérie indépendante coopérant avec la France. Pour la première fois, on ne parle plus des « musulmans » mais des « Algériens », « artisans de l'Algérie indépendante et prospère ». Le film se termine sur « l'association que propose le général de Gaulle, dans la paix et la liberté de tous, où chacun aura sa place et dont l'Algérie indépendante tirera bonheur et prospérité », sur fond de musique évoquant l'espoir.

Sébastien Denis

Transcription

(Musique)
Journaliste
1961, après tant de douloureuses épreuves, l’Algérie avance sur le chemin de l’indépendance et de la paix. Dans la montagne dans le bled, ceux qui veulent, avec l’aide de la France, construire leur pays ont à nouveau des visages sereins et souriants. Et leurs enfants peuvent jouer comme tous les enfants du monde. Pour eux, le fantôme de la peur s’est éloigné, ils marchent avec leurs parents sur la route d’un avenir heureux.
(Musique)
Journaliste
Dans la ville, les rues sont pleines de passants détendus et les terrasses de café accueillent à nouveau de nombreux clients qui discutent tranquillement de leurs affaires ; ou bien, jouent aux dominos tout en buvant le thé à la menthe.
(Musique)
Journaliste
Pendant ce temps, leurs femmes font leurs provisions, vont au marché. Et si elles ont des soucis, ce ne sont que des soucis habituels de bonne ménagère.
(Musique)
Journaliste
Aujourd’hui, c’est l’Algérie tout entière qui doit et qui peut devenir paisible et heureuse. C’est là le désir profond de chaque Algérien. Les moyens de réaliser cette Algérie indépendante et prospère sont déjà là à la portée de chacun, si l’aide généreuse du peuple de France est acceptée par la population de l’Algérie. Cette population est parmi les plus jeunes du monde, plus de la moitié des Algériens sont âgés de moins de 20 ans. Cinq millions de très jeunes gens à éduquer, à instruire, c’est là le plus grave problème de l’Algérie d’aujourd’hui, mais c’est sa plus grande chance de demain.
(Musique)
Journaliste
Dans le bled, l’armée participe à cette immense entreprise. Elle n’a pas de très grands moyens, mais elle est riche, très riche de la générosité des jeunes soldats, instituteurs européens et musulmans ; qui préparent ainsi les places que viendront bientôt occuper les maîtres civils de l’éducation nationale.
(Musique)
Journaliste
Chaque jour dans les campagnes d’Algérie, six classes nouvelles sont ouvertes ; et six nouveaux instituteurs venus pour la plupart encore de la métropole accueillent 200 enfants avides d’apprendre. Les instituteurs sont encore en nombre insuffisant, la France aidera à les former.
(Musique)
Journaliste
Dans les villes depuis quelques années, la scolarisation a beaucoup progressé. De nombreuses enfants vont en classe, espérons que bientôt, ils pourront tous y aller.
(Musique)
Journaliste
L’apprentissage, l’enseignement technique et secondaire, les facultés sont encore bien insuffisantes. Mais dès aujourd’hui, plus d’un million et demi de jeunes Algériens vont à l’école. Ils iront tous dans 10 ans si les efforts que seule la France peut consentir sont poursuivis sans relâche.
(Musique)
Journaliste
Mais s’instruire ne suffit pas. Dans le monde moderne, on ne peut tenir sa place, utiliser toutes ses chances que si l’on sait acquérir la santé du corps et la conserver par l’hygiène.
(Musique)
Journaliste
Dès leur plus jeune âge, il faut apprendre aux enfants des notions élémentaires d’hygiène et de culture physique.
(Musique)
Journaliste
Ce jeune garçon, lui, semble persuadé de l’utilité de la gymnastique et il a bien raison. Il faut aussi pouvoir soigner ceux que la maladie frappe. Un grand effort est encore nécessaire, mais dès aujourd’hui, l’Algérie possède quatre fois plus de lits d’hôpitaux par tranche de 1 000 habitants que l’Égypte et huit fois plus que l’Inde. 2 000 médecins formés dans les facultés de médecine de métropole et d’Algérie unissent leurs efforts et obtiennent de belles victoires sur la maladie et le malheur. Il en faudra encore bien davantage pour les arrêter.
(Musique)
Journaliste
Dans le bled, la médecine itinérante soigne et soulage bien des malheureux. L’Assistance Médicale Gratuite, l’AMG est apportée aux populations rurales jusque dans les villages les moins accessibles. Tous viennent confiants chercher un réconfort auprès de ces hommes et de ces femmes en blouse blanche venues de métropole pour offrir leur dévouement ; et apprendre à de jeunes musulmans et musulmanes à porter bientôt le bonheur et la santé dans les villages de l’Algérie indépendante.
(Musique)
Journaliste
600 médecins militaires soignent aussi ces populations et des EMSI, Équipe Médico-Sociales Itinérantes vont sans cesse par monts et par vaux donner à chacun des soins et des médicaments ; et apprendre aux mamans la manière d’élever leurs enfants.
(Musique)
Journaliste
Les EMSI, jeunes filles et jeunes femmes de bonne volonté sont l’exemple même de la femme algérienne qui a compris le rôle qu’elle a à jouer dans l’Algérie indépendante.
(Musique)
Journaliste
Aujourd’hui en effet, la femme a sa place dans la vie de son pays autant que dans la vie de sa famille. C’est sur elle que l’on peut compter pour toutes les tâches, où la bonne volonté, la douceur et l’amour du prochain sont nécessaires.
(Musique)
Journaliste
Dès son plus jeune âge, la jeune fille, en même temps qu’elle développe son intelligence, doit apprendre tout ce qu’une bonne ménagère doit connaître, couture, cuisine, puériculture.
(Musique)
Journaliste
La femme peut aider à gagner l’argent du ménage par son travail, comme secrétaire, comme vendeuse dans un grand magasin. La France a élevé la femme algérienne au rang qui lui est dû, et chaque jour, celle-ci prouve qu’elle le mérite.
(Musique)
Journaliste
En Algérie, les 2/3 de la population, c’est-à-dire six millions de personnes vivent de la terre ; dont les produits ne suffiront à nourrir toute la population qu’après la véritable rénovation rurale qui est en cours.
(Musique)
Journaliste
Voici quelques exemples d’une agriculture moderne, qui sont l’image de l’agriculture de l’Algérie indépendante.
(Musique)
Journaliste
L’Algérie occupe une place importante dans la production mondiale des céréales. Mais cela suffit encore à peine à ses besoins. Et pendant les années de sécheresse, des milliers de quintaux de blés doivent venir de la métropole. Des machines ultramodernes sont conduites par des fellahs avisés. En quelques heures, des hectares d’épis sont transformés en sacs de blé, qui sont ensuite stockés dans d’immenses silos. La production des agrumes, dont plus de la moitié est exportée, représente elle aussi une source de revenus et d’emploi appréciable pour de nombreuses familles de paysans.
(Musique)
Journaliste
Les oranges sont très recherchées et leur expédition porte la réputation de l’Algérie, terre d’avenir dans tous les pays européens.
(Musique)
Journaliste
En Kabylie et dans la presqu’île de Collo, l’administration française a fait exploiter de très belles forêts de chênes-lièges comme celle de Bouhini près d’Azazga. Très demandé à l’étranger, le liège se vend jusqu’à 130 francs le kilo.
(Musique)
Journaliste
L’agriculture fait vivre deux Algériens sur trois, elle est adaptée aux nécessités du monde moderne par la rénovation rurale, mise en œuvre et financée par la France. C’est aux Algériens à continuer cette œuvre. Les sociétés agricoles de prévoyance assistent les agriculteurs pauvres, et des moniteurs agricoles sont formés aux techniques modernes. 250 000 hectares de terres arables sont distribués aux petits fellahs, et l’irrigation éloignera la peur de la sécheresse et de la misère.
(Musique)
Journaliste
L’industrie en Algérie doit, dans les prochaines années, procurer du travail et des salaires à la jeunesse algérienne. Elle est déjà l’une des plus importantes réalisations de toute l’Afrique, voici quelques exemples d’industries. Des industries utilisent les ressources du sol algérien, comme cette coopérative où sont traitées les récoltes de tabac ; avant d’être transformées en cigarette, renommées et appréciées sur tout le continent africain. Ou cette brasserie, importante industrie alimentaire où bières, sodas et jus de fruit sont produits en grande quantité grâce à un matériel perfectionné ; et des méthodes mises au point par les techniciens français et pratiquées par les cadres et employés algériens.
(Musique)
Journaliste
Tous ces flots de boissons coulent dans des bouteilles fabriquées elles aussi en Algérie. Et ainsi, chaque industrie en appelant d’autres se crée les ensembles, laissant entrevoir à l’Algérie sont indépendance économique. Les Algériens poursuivront eux-mêmes la tâche entreprise.
(Musique)
Journaliste
Ainsi, les grandes entreprises s’installent sur le sol algérien, comme le montre cette chaîne de montage de camions automobiles, qui permet à l’Algérie de produire ses propres camions ; et même de les exporter dans le Maghreb.
(Musique)
Journaliste
Tout le personnel de ces usines est spécialisé, et ces ouvriers soudeurs, mécaniciens, monteurs, peintres, carrossiers montrent qu’ils sont à la hauteur du travail qu’ils ont à faire. Comme eux, grâce aux professeurs qualifiés, formés dans les écoles d’Algérie, tout jeune Algérien est capable de devenir un spécialiste recherché et bien payé ; un artisan efficace de l’Algérie souveraine et indépendante.
(Musique)
Journaliste
De toutes ces usines sortent dès aujourd’hui les outils et les éléments qui, à leur tour, vont permettre de rendre vivant le plan de Constantine ; dont les grandes réalisations en cours d’exécution ou en projet font l’admiration de tous et soulèvent même l’envie de quelques-uns.
(Musique)
Journaliste
De nouveaux barrages se construisent, qui permettent de mieux alimenter en eau potable les villes, et d’irriguer de nouvelles terres algériennes.
(Musique)
Journaliste
Pour réaliser ces projets, l’Algérie, avec l’aide technique de la France, met en œuvre les moyens les plus grands, les méthodes les plus hardies. Ainsi, en Oranie, le barrage du Mefrouch, qui alimentera Tlemcen est édifié grâce à ces éléments préfabriqués, comme un jeu de construction, mais un jeu de 120 mètres de long. Des centrales électriques sont installées et fonctionnent grâce à l’énergie hydraulique ou grâce au gaz d'Hassi R'mel.
(Musique)
Journaliste
Ces pylônes, ces poteaux conduisent l’électricité jusque dans les plus lointains villages, dont les habitants bénéficieront demain des bienfaits qu’apporte à domicile le courant électrique.
(Musique)
Journaliste
Ce progrès s’accompagne sur le sol algérien de l’essor de la construction. Un programme de 300 000 appartements urbains et de 1 000 nouveaux villages d’ici 1963 doit donner aux ouvriers agricoles ou industriels des logements dignes du destin ; qu’ils sont en train de se forger eux-mêmes. Cet effort est rendu nécessaire par l’augmentation de la population, la migration vers les villes et la disparition des gourbis.
(Musique)
Journaliste
Pour unir les efforts de tous ceux qui sont en marche vers la paix et l’indépendance ; l’Algérie – avec ses routes, ses ponts, ses voies ferrées – possède les moyens de communication nécessaire entre les habitants du bled et des villes ; entre les ouvriers de la terre et ceux de l’industrie, tous éléments divers d’un même peuple. Mais cet équipement moderne a besoin, pour être pleinement efficace, de l’étroite solidarité entre les hommes originaires des deux côtés de la méditerranée.
(Musique)
Journaliste
Tous les Algériens que nous venons de voir ont du travail, ils gagnent leur vie, celle de leur famille.
(Musique)
Journaliste
Ils ont un logement, leurs enfants vont à l’école, ils sont des hommes conscients de leur dignité ; d’une dignité que personne ne met en doute, de leur appartenance à un pays neuf qu’il faut mettre en valeur.
(Musique)
Journaliste
Ils sont les artisans de l’Algérie indépendante et prospère. Pour construire cette Algérie, ils ont accepté l’aide de la France, car ils savent que la France ne fait pas l’aumône ; mais que généreusement, elle tend la main à ceux qui en ont besoin pour acquérir liberté et dignité. C’est en fait l’association que propose le général de Gaulle dans la paix et la liberté de tous, où chacun aura sa place, et dont l’Algérie indépendante tirera bonheur et prospérité.