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Claude Lanzmann explique « Shoah » au journal télévisé

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 21 avr. 1985

Après avoir précisé la différence entre camps de concentration et camps d'extermination, Claude Lanzmann explique sa manière de tourner et le sens de son film Shoah.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
21 avr. 1985
Production :
INA
Page publiée le :
2005
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000000506

Contexte historique

Par Carole Robert

Claude Lanzmann fut l'un des organisateurs de la Résistance au lycée Pascal de Clermont-Ferrand. Il est médaillé de la Résistance, officier de la Légion d'honneur et docteur de l'université de Jérusalem. Après sa rencontre en 1952, à Berlin, avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, il devient collaborateur de la revue Les Temps modernes, dont il fut ensuite le directeur. Jusqu'en 1970, il partage son temps entre journalisme et Les Temps modernes, rédige des textes de référence sur le conflit israëlo-palestinien, s'engage contre la colonisation et signe le manifeste des 121.

En 1970, il se consacre exclusivement au cinéma : il réalise Pourquoi Israël ? (1973), film destiné à ses camarades de lutte anticolonialiste qui s'interrogent sur la légitimité d'Israël. Le succès public et critique est considérable dans le monde entier. Claude Lanzmann commence à travailler Shoah au cours de l'été 1974 : la réalisation de ce documentaire l'occupe à plein temps pendant onze ans.

Dès sa sortie dans le monde entier à partir de 1985, le retentissement de Shoah ne cesse de croître. Des milliers d'articles, d'études, de séminaires dans les universités lui sont consacrés. De nombreuses distinctions et récompenses lui sont attribuées. Le film, considéré comme un véritable outil pédagogique, est projeté dans les collèges et est au cœur de l'enseignement de la Seconde Guerre mondiale et du génocide des Juifs. En 1994, Claude Lanzmann consacre un film (Tsahal) à l'armée de défense d'Israël, hymne au courage et à la réappropriation de la force et de la violence par les Juifs. Son quatrième film, Un vivant qui passe (1997), est réalisé à partir d'un entretien que Maurice Rossel lui a attribué en 1979 : Maurice Rossel est le seul délégué à Berlin, dès 1942, du Comité international de la Croix-Rouge à être allé à Auschwitz en 1943. Enfin, Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures (2001) est fondé sur un entretien avec Yehuda Lerner (1979), ancien acteur de la seule révolte réussie d'un camp d'extermination nazi.

Contrairement à Nuit et Brouillard (Alain Resnais, 1955), Shoah n'alterne pas images d'archives et images du présent : seule la parole des témoins – rescapés, acteurs ou témoins de l'extermination – compte. Chacun est mis face à sa parole, sa conscience, sa douleur, sa lâcheté ou sa culpabilité : Shoah est donc un film sur un événement du passé, en même temps qu'un film sur l'humanité au temps présent. La structure traditionnelle du documentaire historique est renouvelée par Claude Lanzmann.

Par sa rigueur formelle, sa cohérence stylistique et la force de ses témoignages, Shoah participe du nécessaire « devoir de mémoire » : ne pas se souvenir serait une grave insulte à l'humanité (Vladimir Jankélévitch, L'Imprescriptible, 1986).

Éclairage média

Par Carole Robert

Cet extrait est l'occasion de mettre en avant une évolution du journal télévisé, lieu d'un débat en direct avec un invité interviewé par le présentateur et, éventuellement par un journaliste spécialisé, ce qui valorise et cautionne la qualité professionnelle de l'information. La mise en place de tels débats sur le plateau renforce la proximité avec le téléspectateur en améliorant l'image de marque de la chaîne.

En effet, d'une part, les reportages sur le terrain sont déjà garants de la transparence de l'information en étant fondés sur l'idée que « l'image ne ment pas ». D'autre part, la synthèse de l'information par le présentateur se veut indépendante des pressions politiques ou économiques. Enfin, en proposant d'inviter des acteurs des événements pour les interviewer en direct au cours du journal, la télévision permet aux téléspectateurs d'accéder à une analyse des sujets sur le vif par des spécialistes, qui sont garants de la qualité des débats. Et ceci dans tous les domaines – dans ce cas présent, le cinéaste et la journaliste spécialisée.

Le présentateur est donc amené à prendre des risques et son importance comme son prestige augmentent. Il met d'ailleurs en avant l'exclusivité et la valeur de l'interview en rappelant aux téléspectateurs que Claude Lanzmann s'est échappé de la projection spécialement pour venir sur le plateau. La concurrence avec les autres chaînes se fait sentir. Le cadre fonctionne avec un champ/contre-champ sur le présentateur et la personne interviewée. Un tel dispositif nécessite la présence de plusieurs caméras et une rapidité de montage.

Dans le cas de Lanzmann, l'interview n'est d'ailleurs pas simple à mener : en effet, il semble parfois légèrement énervé par les questions qui lui paraissent mal posées (erreur de terminologie sur les camps d'extermination), déplacées ou inintéressantes (sur le titre) et il donne l'impression d'y répondre à contre-cœur, quand il ne remet pas le présentateur à sa place. À celui-ci de savoir rester neutre, calme et courtois dans ce genre de situation : c'est une des qualités indispensables à l'exercice de sa profession.

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