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Les montagnes fractales du professeur Mandelbrot

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 07 mars 1983

En 1985, Benoît Mandelbrot présente la géométrie fractale. A partir d'un paysage simulé par ordinateur, il explique que la géométrie fractale permet de décrire des formes réelles, à partir d'une mesure : le nombre fractal.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
07 mars 1983
Production :
INA
Page publiée le :
2006
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000000662

Contexte historique

Par Christelle Rabier

L'histoire des objets fractals est inséparable de celle de Benoît Mandelbrot qui en est l'inventeur : c'est lui qui a forgé le nom de l'objet mathématique particulier qu'il étudie, de " fractus ", brisé.

Benoît Mandelbrot a développé sa théorie mathématique à la marge des mathématiques dominantes. Né en Pologne, il est arrivé en France en 1936 avec sa famille qui fuit l'Allemagne nazie. Il fit des études brillantes de mathématiques qui le conduisent à être reçu d'abord à l'Ecole Normale Supérieure en 1945. Pourtant, comme il le relate, ses dispositions mathématiques l'éloignent rapidement de cette institution. Comme il l'explique dans un entretien, avec amertume, " c'étaient les débuts de l'époque où les mathématiques allaient être dominées par Nicolas Bourbaki, et je savais, par un oncle qui était professeur au Collège de France qu'il s'agissait d'un groupe de gens à l'esprit extrêmement étroit : l'idée qu'ils se faisaient des mathématiques étaient pour moi écrasante " : les mathématiques que soutient Nicolas Bourbaki reposent sur l'algèbre et non sur la géométrie, qui intéresse particulièrement Benoît Mandelbrot.

Après des études à l'Ecole polytechnique, Mandelbrot connaît une carrière rapidement partagée entre la France et les Etats-Unis, où il est soutenu par le mathématicien John von Neumann. Se trouvant rapidement isolé dans le monde universitaire français et américain, il accepte un poste dans les laboratoires IBM à partir de 1958, où il effectue une grande partie de sa carrière, avant de revenir à Harvard. En plein essor, mais encore peu connu, le fabricant d'ordinateurs a du mal à recruter des hommes déjà établis dans des domaines universitaires.

Pour faire accepter son travail, très différent des mathématiques développées à cette époque, Benoît Mandelbrot propose des modèles mathématiques pour des disciplines aussi diverses que l'économie de marché ou l'hydrologie. Dans ces domaines, il propose d'approcher certains problèmes à partir d'une description géométrique. En prenant l'exemple des cours de prix de matière première, il propose d'étudier de la même façon les variations à court et à long terme : ce sont les mêmes objets, à des échelles différentes. Autre problème qu'il a énoncé : quelle est la longueur de la côte de la Bretagne ? Celle-ci dépend évidemment de l'échelle choisie. Grâce à sa position à IBM, il commence à établir des représentations visuelles des modèles mathématiques qu'il propose, projetées sur un écran cathodique, grâce à un petit programme fabriqué dans le laboratoire.

Son travail est véritablement reconnu à partir de 1975 : il publie alors son ouvrage, Les objets fractals. Ce livre représente les résultats d'un cours qu'il a assuré au Collège de France, où il justifie la diversité des travaux par une formulation claire de la " théorie fractale ". C'est l'occasion pour lui de forger le terme "fractal", terme qui pour lui est " court, qui frappe, qui n'est ni étrange, ni compliqué et qui marche aussi bien en français qu'en anglais ". Il ajoute à son livre des images de montagne générées par ordinateur : " c'est ce qui a donné à son livre l'écho que ses conférences n'avaient jamais rencontré dans les milieux scientifiques ". Selon lui, " en faisant entrer l'oeil dans la science, on peut convaincre beaucoup de gens ".

La théorie fractale est surtout utilisée pour décrire les structures invariantes par effet d'échelle. Ces structures se caractérisent par leur " autosimilarité " : chacune de leurs parties, quelles qu'en soient les dimensions, est semblable au tout. Le monde naturel abonde en objets dont la meilleure représentation mathématique est fournie par les fractales : cristaux, surface de certains matériaux. L'étude de ces objets a conduit à distinguer les fractales parfaitement autosimilaires et les fractales dont l'autosimilarité n'est que statistique. Quantitativement, le degré de rugosité et de fragmentation d'une structure fractale se traduit à travers la notion de " dimension fractale ".

C'est dans le graphisme informatique que les fractales connaissent leur application la plus remarquée. En effet, grâce aux algorithmes fractals qu'il a mis au point, dès 1975, un ingénieur, Richard Voss (IBM) parvient à fabriquer avec Benoît Mandelbrot un petit film représentant des montagnes. Plus tard, Loren Carpenter des studios Lucasfilm a synthétisé de spectaculaires plans de planète imaginaires, dans lequel le réalisateur peut évoluer à son gré. Au fur et à mesure de son grossissement apparent, le relief observé livre de nouveaux détails, réguliers quant à leur structure, mais toujours aléatoires. La beauté des formes fractales a permis également de développer des oeuvres d'art graphiques.

Bibliographie :

" Comment j'ai découvert les fractales : entretien avec Benoît Mandelbrot ", propos recueillis par Marc Lesort, La Recherche n° 175 (1986), pp. 420-427.

Benoît Mandelbrot, Les objets fractals : forme, hasard, dimension, Paris, Flammarion, 1975.

Éclairage média

Par Christelle Rabier

L'émission " Juste une image " de Thierry Garrel utilise les ressorts classiques de l'émission de vulgarisation : le portrait en plan fixe et des animations. La particularité de la séquence est qu'elle utilise un document original de 1975 : le premier film de synthèse produit à partir de la géométrie fractale. En dépit de son caractère artisanal, ce document suscite, par son réalisme, l'adhésion ; il permet de comprendre comment Benoît Mandelbrot a fait valider ses recherches parmi les disciplines scientifiques.

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