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Edith Piaf

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 20 janv. 1961

Edith Piaf interprète le dernier grand succès de sa carrière, Non, je ne regrette rien, puis en compagnie de Charles Dumont au piano, elle chante une autre de ses chansons, Mon Dieu.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
20 janv. 1961
Production :
INA
Page publiée le :
23 sept. 2008
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001227

Contexte historique

Par Stéphane Ollivier

Par la dimension éminemment romanesque d'une vie hors du commun ; par la puissance expressive d'une voix ample et vibrante transcendée par des talents exceptionnels d'interprète ; mais surtout par un style intemporel semblant comme par magie synthétiser et résumer des siècles de chanson française, en incarnant littéralement l'âme d'un peuple - Edith Piaf est incontestablement l'une des grandes artistes du siècle.

Née le 19 décembre 1915 dans le 20e arrondissement de Paris, d'un père artiste de cirque itinérant et d'une mère chanteuse de rue, Edith Gassion vit une enfance misérable, d'abord brinqueballée entre ses grand-mères avant de finalement rejoindre son père à la fin de la guerre et de commencer avec lui une vie de saltimbanque. Elle découvre alors progressivement le pouvoir de sa voix sur le public et dès l'âge de 15 ans elle décide de tenter sa chance seule dans les rues de la capitale, interprétant de façon instinctive les grands succès des chanteuses réalistes à la mode (Fréhel, Marie Dubas). C'est là qu'elle est repérée par Louis Leplée, directeur d'un des cabarets les plus chics des Champs-Élysées, le Gerny's, qui l'engage aussitôt et dans la foulée lui permet d'enregistrer son premier 78 tours, Les mômes de la cloche. La "Môme Piaf", comme on l'appelle alors, remporte un succès immédiat. Entourée d'auteurs talentueux comme Marguerite Monnot ou Henri Contet, et sous la houlette de Raymond Asso qui prend alors en main sa carrière, la pousse à révéler toutes les potentialités de sa voix exceptionnelle et à travailler ses talents d'interprète dramatique, la petite chanteuse va en quelques mois se métamorphoser en Edith Piaf. Elle signe ses premiers grands succès (Mon Légionnaire ), triomphe à l'ABC et à Bobino, tourne ses premiers films (La Garçonne ) et devient la coqueluche du tout-Paris artistique et intellectuel (Jean Cocteau notamment saisit d'emblée ses talents innés de tragédienne et écrit spécialement pour elle la pièce Le Bel indifférent, qu'elle crée en 1940). Quand la guerre éclate, Edith Piaf est déjà la plus grande star de la chanson française - statut qui ne fera que se confirmer pendant ces années de plomb. Avec générosité et un sens aigu du talent des autres, elle commence dès cette période à repérer et aider de jeunes artistes en devenir - Joseph Kosma, Yves Montand, Francis Lemarque ou encore les Compagnons de la chanson, qu'elle emmène avec elle pour sa première grande tournée américaine en 1947. Adoptée par le public américain, Edith Piaf fait lors de ce séjour la rencontre du boxeur Marcel Cerdan pour qui elle écrit l'un de ses grands chef-d'œuvres L'hymne à l'amour. Leur idylle largement diffusée par la presse est malheureusement de courte durée, Cerdan disparaissant tragiquement en octobre 1949 dans un accident d'avion.

Dévastée, Piaf plonge dans une grave dépression dont elle ne sortira jamais vraiment. Elle continue néanmoins de travailler, épaulée par un jeune auteur compositeur, Charles Aznavour, qui en plus de lui servir d'homme à tout faire, lui offre quelques chansons inoubliables (Jézébel, Plus bleu que tes yeux ). Si artistiquement Piaf est à son sommet, accumulant tournées triomphale et disques à succès (La vie en rose, Padam, Padam, Johnny tu n'es pas un ange, L'Accordéoniste ), minée par la morphine et l'alcool, sa vie personnelle tourne au désastre et sa santé se détériore inexorablement. En 1955 elle "fait" son premier Olympia et l'année suivante devient la première artiste de variété à chanter au Carnegie Hall de New York, haut lieu de la musique classique internationale. Toujours en quête de nouvelles chansons qu'elle choisit avec un goût très sûr, elle met à son répertoire La foule en 1957, Mon manège à moi en 1958, ainsi que Milord (1959) et Non, je ne regrette rien, qu'elle crée sur la scène de l'Olympia début 1961. En juin de cette même année, elle reçoit le grand prix du disque de l'Académie Charles Cros pour l'ensemble de sa carrière. Elle décède, après de longs mois de coma, le 11 octobre 1963 - le même jour que son ami Jean Cocteau.

Éclairage média

Par Stéphane Ollivier

C'est un moment très particulier de la carrière d'Edith Piaf dont témoigne ce document en tout point exceptionnel. Accablée de désespoir depuis la disparition de Marcel Cerdan, épuisée physiquement par la maladie, d'innombrables opérations chirurgicales et une dépendance chronique à la morphine, Piaf au tournant des années 60 est dans un état de délabrement tel que nombreux sont ceux qui ne la pensent plus capable de remonter un jour sur scène. C'est alors que Bruno Coquatrix, propriétaire et directeur de l'Olympia, en proie à de graves problèmes financiers, lui demande de l'aider à sauver la salle de la faillite en assurant une série exceptionnelle de représentations. Contre l'avis de tous, Piaf accepte. Par amitié et fidélité. Mais aussi parce qu'un jeune auteur du nom de Charles Dumont vient tout juste de lui offrir une chanson qui correspond tellement à ce qu'elle ressent au plus profond d'elle-même de sa soif inextinguible de vie, qu'elle ne peut envisager de mourir sans l'avoir chanté une fois sur scène.

Piaf en janvier 1961 investit donc de nouveau la scène mythique de l'Olympia et, pouvant à peine bouger, minée par la polyarthrite, crée, l'espace de quelques récitals aussi triomphaux que dramatiques, Non je ne regrette rien, chanson testamentaire parmi les plus belles de son répertoire, pourtant riche en chef-d'œuvres. C'est en marge de cet événement qu'Edith Piaf enregistre le même mois pour la télévision une version bouleversante d'intensité de la chanson. Filmée de face et en légère contre-plongée sur un fond noir où s'affiche son portrait et son nom en grandes lettres blanches stylisées, elle apparaît, petite femme en noir vieillie prématurément, dans toute sa déchéance physique - apparence pathétique contrastant singulièrement avec la tonalité d'un texte résolument ouvert sur l'avenir.

La suite du document est d'ailleurs constituée d'une interview au cours de laquelle la chanteuse insiste sur le regain d'énergie et d'inspiration que lui a donné sa collaboration avec Dumont. Mais l'interprétation doloriste qu'elle offre ensuite, en compagnie du compositeur au piano, de sa chanson Mon Dieu, est plutôt celle d'une artiste en "fin de partie" qu'en en pleine renaissance artistique. Cette séquence prévue pour être diffusée dans le cadre de l'émissions "Discorama" restera finalement dans les tiroirs. C'est aujourd'hui l'un des plus beaux et émouvants documents qu'il nous reste des derniers moments de la chanteuse.

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