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La décharge de déchets d'équipements informatiques de Guiyu, en Chine

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 23 oct. 2007

Dans la ville chinoise de Guiyu, des millions de déchets d'équipements informatiques sont entassés dans une gigantesque décharge. Provenant du port de Hong Kong, ils sont triés et recyclés à main nue, sans protection, par des ouvriers. Les résidus non recyclés sont ensuite rejetés dans la rivière.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
23 oct. 2007
Production :
INA
Page publiée le :
31 mai 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001333

Contexte historique

Par Christophe Gracieux

Les équipements électriques et électroniques n'ont cessé de croître depuis les années 1990. Ordinateurs, télévisions, téléphones portables, réfrigérateurs ou appareils photographiques se sont répandus dans le quotidien des pays occidentaux. De la sorte, les déchets d'équipements électriques et électroniques, les « DEEE », ont eux aussi connu une forte croissance. Quelque 40 millions de tonnes de DEEE sont ainsi produits chaque année dans le monde selon un rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) paru en 2010. Les équipements électriques et électroniques sont essentiellement mis au rebut en raison de leur obsolescence : les innovations technologiques incitent à leur renouvellement rapide.

Les DEEE font l'objet d'une réglementation européenne spécifique. Deux directives adoptées en 2002 imposent aux fabricants et aux importateurs d'équipements électroniques et électriques la prise en charge de leurs coûts de ramassage et de traitement. La France s'y est par exemple conformée en 2005. Cependant, selon la Commission européenne, seul un tiers des DEEE produits dans l'Union européenne est recyclé conformément à ces directives. La situation est encore pire aux États-Unis, où seulement 14 % des 3 millions de tonnes de DEEE produits chaque année sont confiés à des recycleurs, le reste étant incinéré ou enfoui.

En raison du coût élevé de leur traitement, une grande partie des DEEE des pays occidentaux sont en fait exportés vers les pays en développement. Trois quarts des DEEE collectés aux États-Unis seraient ainsi envoyés dans les pays du Sud. Dans le cas américain, ces exportations sont légales : les États-Unis n'ont pas ratifié la convention de Bâle entrée en vigueur en 1992 sur les exportations de déchets dangereux. Dans le cas de l'Europe qui l'a ratifiée, les exportations sont illégales. Elles sont le plus souvent organisées par des réseaux mafieux qui falsifient les documents d'identification des marchandises contenues dans les conteneurs.

Les DEEE exportés d'Europe ou des États-Unis sont traités à Dehli (Inde), à Karachi (Pakistan), à Lagos (Nigéria) ou à Accra (Ghana). Mais c'est la Chine, qualifiée de « décharge des pays développés » par le PNUE en 2010, qui en reçoit le plus : selon Greenpeace, 16 millions de tonnes de DEEE seraient envoyées en Chine chaque année. Guiyu, situé au bord de la mer de Chine méridionale, est ainsi le plus grand site mondial de démantèlement de ces déchets. Plus de 100 000 personnes y travailleraient dans des décharges informelles. Elles traitent des DEEE arrivés des États-Unis, de Corée du Sud, du Japon et d'Europe par conteneurs débarqués à Hong Kong.

Sous-payés, les ouvriers de Guiyu vivent dans des conditions sanitaires déplorables. Ils démantèlent en effet les DEEE sans aucune protection : ils les démontent et les trient à même le sol, sans masque. Ils se trouvent ainsi exposés aux fumées toxiques que dégage la combustion des déchets brûlés (mercure, plomb ou cadmium) pour en extraire le cuivre, l'acier et l'aluminium qui sont ensuite revendus. Nombreux sont les ouvriers de Guiyu qui seraient atteints de saturnisme.

Le traitement des DEEE dans les pays du Sud a également de grandes conséquences sur l'environnement. L'émission de polluants lors de leur démantèlement provoque la contamination des sols, des cours d'eau et de l'air. L'eau n'est ainsi plus propre à la consommation à Guiyu.

Le problème du recyclage des DEEE se pose avec d'autant plus d'acuité que leur volume mondial devrait continuer à augmenter de 8 % par an selon le cabinet d'études BBC Research. Leur croissance est en partie tirée par les pays émergents. Ainsi, selon le PNUE, en 2020 les déchets liés aux seuls ordinateurs devraient croître de 400 % en Chine par rapport à 2007 et de 500 % en Inde.

Éclairage média

Par Christophe Gracieux

Ce reportage se compose essentiellement d'images tournées en caméra cachée. Cette méthode consiste à tourner des séquences à l'insu de ceux qui sont filmés. Ainsi, dans le cas présent, le journaliste reporter d'images de France 2 Sylvain Giaume a dissimulé sa caméra pour filmer la décharge de déchets informatiques de Guiyu et les conditions de travail des ouvriers. Fréquemment utilisée par les journalistes américains qui pratiquent l'undercover journalism, la technique de la caméra cachée fait l'objet de vifs débats chez leurs confrères français. Le Syndicat national des journalistes proscrit ainsi dans sa charte d'éthique professionnelle « tout moyen déloyal (...) pour obtenir une information ». L'émission de reportages de France 2 Les Infiltrés, diffusée à partir de 2008, a précisément suscité la polémique sur son utilisation de la caméra cachée. Son premier numéro tourné dans une maison de retraite avait ainsi montré des pensionnaires maltraités.

Le recours à la caméra cachée est toutefois de plus en plus toléré dans les reportages des journaux télévisés français, tout en restant limité à quelques cas exceptionnels : lorsque les journalistes ne peuvent pas faire autrement ou lorsque leur sécurité est menacée par un tournage en caméra visible. Ils doivent cependant clairement l'expliquer aux téléspectateurs. Dans le cas présent, il s'agissait pour les journalistes de France 2 de contourner la censure des autorités chinoises. Le gouvernement chinois empêche en effet l'accès des médias à Guiyu : il veut éviter la diffusion d'images sur cette décharge de déchets électriques et électroniques. Un an après la diffusion du sujet de France 2, en novembre 2008, les autorités chinoises ont du reste essayé de saisir les enregistrements de l'équipe du magazine d'information américain 60 Minutes, produit par CBS, qui tournait un reportage à Guiyu. Contrôlant très étroitement l'information au sein du pays, la Chine se montre soucieuse de son image à l'étranger. Elle a par exemple tout fait lors des Jeux Olympiques de Pékin en 2008 et de l'Exposition universelle de Shanghaï en 2010 pour offrir son meilleur visage aux médias internationaux. Aussi, de la même manière que le gouvernement chinois empêche l'accès aux médias internationaux au Tibet, il interdit leur entrée dans Guiyu.

Le présentateur du journal télévisé Davis Pujadas et le journaliste Pascal Golomer justifient donc de manière explicite pour les téléspectateurs le recours à la caméra cachée : l'un évoque des « autorités qui ferment les portes », tandis que l'autre explique que « les journalistes étrangers ne sont pas les bienvenus ». Ils se conforment en cela aux règles de déontologie journalistique. Leur but est clairement de montrer au public une ville qui vit du recyclage des déchets informatiques au mépris de la santé des ouvriers et des conséquences sur l'environnement. Ils offrent ainsi des images saisissantes de montagnes de carcasses d'ordinateurs, d'ouvriers au travail sans aucune protection ou de résidus entassés au bord et dans la rivière. S'ils filment en caméra cachée, les envoyés spéciaux de France 2 taisent également leur qualité de journalistes aux personnes rencontrées : ils se font passer pour des vendeurs de vieux ordinateurs. Là aussi, ils l'expliquent clairement aux téléspectateurs. Ce reportage réalisé à l'insu des autorités chinoises n'est du reste pas sans risque pour eux qui sont établis en permanence dans le bureau de la rédaction de France 2 à Pékin.

Le sujet ne se constitue cependant pas seulement d'images filmées en caméra cachée. Plusieurs plans ont été tournés en caméra visible : il s'agit des images du port de Hong Kong et de l'interview d'une responsable de Greenpeace Chine. Le plateau en situation de Pascal Golomer qui clôt le reportage a également été filmé en caméra visible, à Guiyu, car le journaliste ne se trouvait plus alors sur les lieux mêmes de la décharge.

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