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La faillite de la banque Barings en 1995

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 27 févr. 1995

En 1995, Nick Leeson, un jeune trader responsable chez Barings de la branche de Singapour prend des positions risquées sur la bourse de Tokyo en plein marasme. Ses pertes cumulées finissent par mettre en faillite la Barings, la plus ancienne banque britannique.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
27 févr. 1995
Production :
INA
Page publiée le :
21 juin 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001342

Contexte historique

Par Claude Robinot

La Barings était une des plus vieilles institutions de la place de Londres. Cette banque d'affaires familiale fondée en 1762 est associée à l'histoire du Royaume-Uni. Elle avait négocié le rachat de la Louisiane en 1803 et financé les coalitions et les guerres antinapoléoniennes. La réputation de sérieux et de solidité de cette maison, bâtie sur des décennies d'expérience, a été balayée en quelques jours. La banque Barings est mise en faillite le 26 février 1995, suite aux manipulations frauduleuses d'un de ses employés, trader à Singapour, dont les pertes cumulées dépassent de deux fois le capital de la banque.

Pour comprendre comment une telle catastrophe financière a été possible, il faut remonter au « big bang de la City de Londres », comme l'a surnommé la presse britannique. Ce jour-là, le 27 octobre 1986, entre en vigueur le « Financial services Act », une loi proposée par le gouvernement de Margaret Thatcher qui bouleverse le fonctionnement de la bourse de Londres. Les agents de change perdent le monopole des transactions en échange de rémunérations basées sur leur réussite. Les banques étrangères peuvent s'associer aux banques d'affaires anglaises pour constituer de puissants groupes. Le ministre des finances abandonne son pouvoir de contrôle au profit d'une autorité (F.S.A) qui est chargée de veiller à l'autorégulation du système. Cette dérégulation s'accompagne d'une modernisation technique, la cotation continue, par un système informatisé. L'activité de la City dopée par ces mesures devient le centre européen de l'industrie financière. La bourse de Londres est particulièrement active sur le marché à terme et sur les produits dérivés. Ce sont des instruments financiers complexes, destinés à couvrir les risques mais qui peuvent se révéler très spéculatifs.

C'est dans ce nouveau contexte que la Banque Barings, spécialisée dans la gestion de fortune, cherche à affermir sa position en regardant du côté des fonds d'investissement ou vers les marchés émergents asiatiques. En 1992, la banque crée une filiale à Singapour, elle en confie la direction à Nick Leeson, un jeune courtier de moins de 30 ans qui connaît bien les rouages du marché. Il réalise quelques coups qui lui assurent des primes substantielles et une réputation d'excellent professionnel. Nick Leeson est spécialisé sur un produit dérivé qui spécule sur les variations de l'indice Nikkei, l'indicateur d'activité de la bourse de Tokyo. En 1994, il prend des risques inconsidérés et cumule des pertes dont le montant est équivalent à la moitié du capital de la Barings. Il parvient toutefois à masquer la situation en manipulant les documents comptables. En janvier 1995, il prend des positions hasardeuses en pariant sur une reprise de l'activité économique japonaise. Le 17 janvier, le tremblement de terre de Kobé ruine son pronostic. Il n'est plus possible de dissimuler les pertes qui représentent deux fois le capital de la banque ! Leeson s'enfuit, il est arrêté en Allemagne le mois suivant. Extradé vers Singapour, il est condamné et reste incarcéré jusqu'en 1999.

La réputation de la Barings et la personnalité sulfureuse du trader ont donné à cette faillite un retentissement international. Elle est loin d'être la première et la seule. En 1994, le Comté d'Orange, aux Etats-Unis, perd 1,7 milliards de $. En 2008, le trader Jérôme Kerviel coûte à la Société Générale 5 milliards d'euros. Depuis 1988, les accords de Bâle, signés par les pays de l'OCDE, essayent d'imposer des pratiques et des mesures législatives qui réduisent ce qu'ils appellent « les risques opérationnels ».

Éclairage média

Par Claude Robinot

La faillite de la banque Barings a été traitée dans les médias britanniques et français, à l'exception des journaux spécialisés, sous l'angle du fait divers scandaleux. Le titre du reportage : « le banquier file à l'anglaise » donne le ton. C'est un homme seul qui est accusé du naufrage. Il faut attendre la moitié du reportage pour apprendre son nom (Nick Leeson) ; avant, il a été décrit comme un Golden Boy, un jeune Yuppie de 28 ans, des termes popularisés par les journalistes dans les années 80 pour décrire les nouveaux traders apparus à New-York et à Londres. Ce personnage presque ordinaire - il est tout de même responsable de la filiale de Singapour - est opposé à la respectabilité de la Barings qui gère une partie de la fortune de la Reine d'Angleterre. Tout est en place pour faire fonctionner le récit journalistique. Le commentaire est un peu confus, il parle de « produits dérivatifs », de Yen et de Bourse. Il est vrai que le mécanisme des contrats à terme dérivés de l'indice Nikkei est difficile à expliquer au grand public.

Ce dernier ne retiendra que l'essentiel : un jeune trader a coulé une vieille banque anglaise. C'est aussi le message que veut faire passer l'analyste de la Lloyd, partisan de la thèse de l'accident, quand il dit que les banques devront à l'avenir mieux contrôler leurs employés. Les images du reportage sont aussi significatives car elles mettent en opposition plusieurs mondes. La tour moderne de la Barings construite en 1981 dans la City est le symbole de la place financière qui se développe alors. Elle s'oppose à la façade à colonnes de la banque d'Angleterre construite au XVIIIe siècle. C'est là, dans cet univers traditionnel et aristocratique, que sera prononcée la mise en liquidation de la banque, dépassée par le nouveau capitalisme financier. Les autres lieux sont les quartiers d'affaires de Singapour et de Tokyo où l'on trouve la même architecture et les mêmes salles de marché que dans le reste de la planète financière.

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