Portrait de Robert Schuman, père de l'Europe

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 11 sept. 1963

Le 4 septembre 1963 disparaît Robert Schuman, après une longue carrière politique marquée par son action en faveur de l'unité européenne. Ce reportage revient sur les moments importants de son action.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Les Actualités françaises
Date de diffusion du média :
11 sept. 1963
Production :
INA
Page publiée le :
24 juin 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001410

Contexte historique

Par Claude Robinot

Le 4 septembre 1963, Robert Schuman décède à 77 ans dans le village lorrain où il s'était retiré. Marqué par la maladie, il avait renoncé en 1962 à renouveler son mandat politique, lui qui était élu depuis 1919 député de Moselle. Tous ses biographes se plaisent à rappeler ses origines et sa formation intellectuelle, dans lesquelles ils voient le fondement de ses convictions pro-européennes. Robert Schuman est né dans un village frontalier du Luxembourg où son père s'était installé après l'annexion de la Lorraine mosellane en 1871. Ses études secondaires le conduisent tour à tour à Luxembourg et Metz. C'est dans cette dernière ville qu'il exerce comme avocat, après avoir étudié le droit à Bonn, Berlin et Strasbourg. Robert Schuman fait donc le choix de rester en Lorraine occupée. Il peut se réclamer des trois cultures, des trois espaces frontaliers : Luxembourgeois par sa mère, citoyen allemand par le choix de son père, il devient Français en 1919. Robert Schuman, catholique pratiquant, homme réputé d'une grande probité et politicien modéré, peut passer d'une nationalité et d'un statut à l'autre sans n'en trahir aucun. En 1940, il est nommé sous-secrétaire d'État aux réfugiés dans le gouvernement Paul Reynaud. Il vote les pleins pouvoirs à Pétain qui le confirme dans ses fonctions. Son engagement ne va pas au-delà. Il refuse de se compromettre avec Vichy comme avec les Allemands. Il est arrêté en 1940, s'évade deux ans plus tard et vit dans la clandestinité jusqu'à la fin de la guerre sans s'engager dans la résistance.

Sous la IVe République, il trouve naturellement sa place dans le Mouvement républicain populaire (MRP) qui rassemble sa famille politique, la démocratie chrétienne. Entre 1947 et 1948, il est, à deux reprises, président du Conseil, à des moments dramatiques où il faut assumer les choix du plan Marshall et de l'Alliance atlantique. Il tient fermement le cap face à l'opposition violente du parti communiste. Il participe ensuite à de nombreux ministères jusqu'en 1956, soit comme garde des Sceaux, soit comme ministre des Affaires étrangères. C'est à ce poste qu'il prononce, le 9 mai 1950, le fameux discours de l'horloge qui expose les objectifs du plan Schuman. Cet épisode, à l'apogée de sa carrière politique, illustre bien la « méthode Schuman », faite de conviction, de ténacité et d'habileté politique. Tout a été préparé dans le secret avec la complicité active de Jean Monnet, de quelques ministres et d'Adenauer. Il surprend les alliés Atlantique qui ne peuvent qu'approuver une initiative qui réintègre l'Allemagne dans le concert des nations européennes. Il neutralise les sceptiques qui ne peuvent s'opposer à l'évidence pratique de la mise en commun du charbon et de l'acier européen. Ils doivent tout accepter, y compris la haute autorité supranationale !

La CECA a été, comme il le prévoyait, le laboratoire de l'Europe naissante. Cette stratégie du contournement montrera aussi ses limites dans le projet de CED en 1954.

Après 1953, bien qu'il occupe encore de hautes fonctions, Robert Schuman n'apparaît plus au premier rang de la scène politique nationale et européenne. Il ne joue pas de rôle direct dans la signature du traité de Rome. De 1958 à 1960, il préside l'Assemblée européenne instituée par les traités. À la tête de cette instance consultative, il jette les bases de ce qui deviendra le Parlement européen. À la fin de son mandat, il reçoit le titre de « père de l'Europe » qui, par extension, sera aussi attribué par l'histoire à ses partenaires.

La postérité de Robert Schuman ne s'est pas éteinte, malgré la discrétion de ses funérailles, bien au contraire. Tous les manuels d'histoire du secondaire le présentent comme « père de l'Europe ». En 1985, les dirigeants européens qui réactivaient l'idée d'union européenne, ont décidé que le 9 mai serait la Journée de l'Europe, hommage à celui qui, 35 ans auparavant, prononçait le discours de l'Horloge.

Éclairage média

Par Claude Robinot

La mort de Robert Schuman, aux actualités cinématographiques comme à la télévision, a été traitée dans la forme traditionnelle d'une nécrologie. Après quelques images des obsèques et des plans sur les personnalités présentes, des archives évoquent la carrière et le rôle politique du défunt.
Tout cela est très classique, le ton et le commentaire respectent les conventions du genre. Pourtant, le message politique du reportage est très soigneusement étudié : en rendant hommage à Robert Schuman par des funérailles solennelles (mais non nationales), tout concourt à le présenter comme un homme du passé. La présence des autorités politiques est assez discrète. Ni le chef de l'État ni le Premier ministre ne se sont déplacés. Le gouvernement est représenté par le ministre Louis Joxe qui fut autrefois enseignant à Metz. On insiste en revanche sur la présence des anciens présidents du conseil de la IVe République. On voit apparaître à l'image René Pleven, Antoine Pinay et Guy Mollet. Parmi les étrangers, on distingue la haute silhouette de Joseph Luns, ministre néerlandais très actif dans les instances européennes. En revanche, Adenauer n'est pas présent. Les suites de la cérémonie sont marquées par des incidents révélateurs. Les anciens Premiers ministres refusent de se rendre à la préfecture quand ils apprennent que Jean Monnet ne figure pas sur la liste des personnalités invitées. Dans les jours qui suivent, des voix s'élèvent contre le retard et le peu de place consacré à l'événement dans les journaux télévisés de la RTF. Tout cela illustre le climat détestable qui s'est installé entre les gaullistes et les centristes à cette époque. Les archives présentées sont muettes sur le 9 mai 1950 et le discours de l'Horloge, Schuman est réduit au rôle de pionnier de l'Europe par l'entremise du « pool charbon-acier » comme on disait à l'époque. Le commentaire suggère aussi que cette entreprise a depuis été dépassée par la mise en place des deux autres communautés : le marché commun et l'Euratom. Le commentaire ne mentionne pas non plus que l'extrait de discours de Schuman et la remise du prix Charlemagne sont faits dans le cadre de l'Assemblée européenne qu'il a présidée pendant deux ans. Toutes ces omissions, en réduisant le rôle de Robert Schuman, laissent une plus grande place au général de Gaulle comme acteur principal de la réconciliation franco-allemande.   

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