Brasilia, une capitale moderne sortie du désert en trois ans

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 27 avr. 1960

A l'occasion du tournage du film Os bandeirantes par Marcel Camus, le reportage présente Brasilia, la nouvelle capitale du Brésil conçue par l'urbaniste Lucio Costa et l'architecte Oscar Niemeyer. Chantiers de construction et bâtiments modernes émergent d'un plateau désert pour exprimer le dynamisme du pays et de sa culture.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Les Actualités françaises
Date de diffusion du média :
27 avr. 1960
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001489

Contexte historique

Par Alexandre Boza

En 1960, le Brésil attire les regards du reste du monde. Il a accueilli sa première coupe du monde de football en 1950. La bossa nova (« tendance nouvelle » musicale) de Carlos Jobim et le cinema novo partent à la conquête de la planète. En 1959, Marcel Camus remporte une palme d'or à Cannes et connaît le succès mondial grâce au film Orfeu Negro, transposition du mythe d'Orphée dans le Rio de Janeiro contemporain. Brasilia symbolise ce souffle nouveau.

La création de Brasilia est lancée en avril 1955, lorsque le candidat à la présidence Juscelino Kubitschek promet la construction d'une nouvelle capitale à 1200 km de Sao Paulo et Rio de Janeiro. L'idée d'une nouvelle capitale, vitrine d'un pays neuf, en remplacement de Rio date du siècle précédent. Mais Brasilia est au cœur du « plan des objectifs », sorte de grand projet d'aménagement qui vise à faire gagner « cinquante ans en cinq ».

Lors de l'inauguration le 21 avril 1960, Kubitschek assume ce choix symbolique plus que productif : « de ce Planalto Central, de cette solitude qui sera bientôt le cœur d'où partiront les décisions nationales les plus importantes, je tourne mon regard une fois de plus vers l'avenir de mon pays et je pressens cette aurore avec une foi inébranlable et une confiance sans limite dans la grandeur de son destin » [extrait du discours d'inauguration].

Pour réaliser cette capitale à la hauteur du souffle nouveau, Kubitschek se tourne vers l'architecte Oscar Niemeyer (1907-2012) avec lequel il a déjà travaillé comme maire et gouverneur. Le « plan-pilote » est confié à l'architecte et urbaniste Lucio Costa qui remporte le concours international avec son projet « bucolique et urbain[e], lyrique et fonctionnel[le] ».

L'organisation de la ville est simple : une croix (ou un oiseau), constitué d'un axe droit est-ouest de deux fois six voies, sur lequel sont installés les lieux du pouvoir politique et administratif. Un second axe incurvé nord-sud accueille les lotissements d'habitations. La proposition est celle d'un urbanisme fonctionnel sur pilotis, séparant spatialement les fonctions (travail, logement, administration...). Elles sont reliées par de larges axes autoroutiers dont les circulations sont pensées pour ne pas se couper entre elles ni croiser les piétons. Les feux rouges seraient inutiles.

Le centre ville s'allonge sur l'axe est-ouest, le long de deux larges avenues sur lesquelles Niemeyer dirige la construction d'édifices monumentaux abritant les bâtiments publics. L'architecture moderniste de Niemeyer est un compromis entre le style international du Corbusier dont Niemeyer fut le disciple et une nouvelle architecture brésilienne soucieuse de formes plus douces et de l'environnement dans lequel s'insèrent les constructions.

Il utilise le béton, l'acier et le verre comme matériaux de base car il permet souplesse des formes et monumentalité de solides bâtiments à portiques. Dans son projet, Niemeyer exprime une conception « visant à la simplification de la forme plastique et de son équilibre avec les problèmes fonctionnels et constructifs. Dans ce sens, ce qui [l]'intéresse ce sont les solutions compactes, simples et géométriques, les problèmes de hiérarchie et de caractère architectonique, les accords d'unité et d'harmonie entre les bâtiments ».

L'alchimie des formes dans l'urbanisme sur la place des Trois-Pouvoirs (Palais du gouvernement ou Planalto, Congrès et Cour Suprême) vaut à la ville d'être classée au Patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO en 1987. Ces réalisations permettent également à Oscar Niemeyer de poursuivre l'une des plus belles carrières d'architecte du XXe siècle, même si son engagement communiste l'oblige à fuir le Brésil après le coup d'Etat militaire de 1964.

Il n'est pas anodin qu'un tel cadre de modernité architecturale serve de toile de fond à un film. Si la réalisation de Marcel Camus Os Bandeirantes est un échec artistique et commercial, Philippe de Broca saura tirer parti visuel de l'étrangeté et du dynamisme de cette ville. En 1964, il y tourne une grande partie du film L'homme de Rio avec Jean-Paul Belmondo et Françoise Dorléac.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

Brasilia apparaît dans ce reportage des Actualités Françaises comme une œuvre d'art totale. Avant d'être le projet urbanistique d'Oscar Niemeyer tourné vers la modernité, elle est l'expression même de cette modernité, comme le montre le carton introductif. Il présente l'objet du reportage dans un style graphique moderne. Cette typographie constructiviste s'est imposée depuis l'entre-deux-guerre : le nom de la ville en caractère sans serif ombré se détache sur des formes géométriques abstraites associant le bleu clair, l'orange, le rouge et le marron.

Cette ville est foncièrement moderne et révolutionnaire. Le tournage du film socialement engagé de Marcel Camus Os Bandeirantes, « Les pionniers », fait référence à ceux qui ont fait l'histoire du Brésil – indiens, mulâtres, esclaves et désormais les « candangos », nom donné aux ouvriers qui bâtissent Brasilia. Il exprime également l'esprit pionnier qui préside à la construction de cette nouvelle capitale. Les premières images du tournage en montrent le chantier par le travelling filant depuis la pelleteuse vers le sommet d'un immeuble à l'armature de béton.

La vue générale de Brasilia est impressionnante. La ville bordée par son lac artificiel, le Paranoa, semble surgir de nulle part et se perdre dans l'immensité du territoire brésilien. L'espace urbain est rationnel et fonctionnel : politique, résidentiel, de travail, de loisir.

Tous les plans de la deuxième moitié du reportage semblent réalisés pour mettre en scène l'espace et les dimensions d'une ville en chantier qui à son inauguration compte déjà 60 000 habitants (sur les 500 000 qu'elle peut accueillir), et autant dans les « villes satellites » construites dans sa périphérie. L'architecture du bloc administratif est présentée avec clarté et lisibilité, soulignant la coupole convexe de la Chambre des Députés, la coupole concave du Sénat et la résidence présidentielle, « le Palais de l'Aurore » et les 28 étages du Congrès.

Les îlots d'habitation, très distants les uns des autres, sont perdus dans une poussière ocre rouge alors que les aménagements (parcs, routes) qui doivent faire lien entre eux ne sont pas encore réalisés. Les « unités d'habitation » sont composées d'immeubles de quatre à six étages, regroupés par série de quatre. L'ensemble forme des « unités de voisinage » donnant sur des espaces verts ouverts et comprenant commerces et services. Chaque bloc d'habitation peut recevoir 4 000 habitants, et pourtant l'impression qui domine est celle du vide.

Le Brésil est également territoire de conquête religieuse. Le pays est considéré comme le premier pays catholique d'Amérique latine. L'architecture religieuse s'impose avec le chantier le plus ambitieux et le moins abouti : la cathédrale de Brasilia. Avec ses 4 000 places, elle est prévue pour être en verre. Elle est doublée d'un réseau d'églises très avant-gardistes, loin du schéma des églises européennes articulées autour de leur transept. Cette ville nous présente le « stade le plus avancé de l'urbanisme moderne ».

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