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Le mobilier de l'Elysée, reflet de la création française

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 25 nov. 1983

A l'occasion du Salon des Artistes Décorateurs au Grand Palais, les commandes présidentielles des années 1970 et 1980 en matière de mobilier sont examinées. L'industrie du design est analysée comme la rencontre provoquée entre excellence de la conception et massification de la production dans une France à la recherche d'un nouveau souffle industriel.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
25 nov. 1983
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001494

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Depuis l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1751), il est question d'objets qui soient beaux car fonctionnels et engageant un fort savoir-faire. Parmi ces objets, et même s'ils ne sont pas aussi célèbres que le TGV ou le stylo BIC, les meubles sont des objets de design, à la fois objets d'art et objets utiles. Dès 1859, la chaise en bois courbé n°14 de la maison Thonet, disponible en kit, est vendue à 40 millions d'exemplaires.

Les meubles sont au XXe siècle la synthèse de l'élitisme artistique et de la massification. Ils sont développés sous forme de prototypes et souvent voués à être reproduits industriellement à destination du plus grand nombre. Mais les créateurs ne sont pas tous des partisans de la massification : l'Art nouveau en 1900 et l'Art déco dans les années 1920 assument leur élitisme. Le terme anglais design s'impose en France dans les années 1950 pour désigner un ensemble de produits qualifiés auparavant d'« art décoratif », de « métier d'art » ou de « création industrielle ». Tous ces termes ont en commun de désigner des objet prévu pour servir et trouver leur place dans l'habitat.

De nombreux architectes et décorateurs du XXe siècle se sont illustrés dans le design du mobilier : Alvar Aalto (fauteuil 41), Le Corbusier (la chaise longue « B306 » réalisée avec Charlotte Perriand), Arne Jacobsen, Ron Arad (fauteuil de tôle Big Easy, 1988), Philip Starck. Les objets de design font à la différence des œuvres d'art objet d'un brevet qui peut être acquis pour être produit en série, même après la disparition de leur concepteur : l'entreprise Cassina réédite les meubles du Corbusier des années 1930, Ron Arad autorise la diffusion de son fauteuil dans d'autres matériaux (mousse, fibre de carbone, plastique).

Ces créations sont rendues possibles par le soutien et le renouveau du mécénat industriel, à une époque où la crise économique oblige à repenser l'industrie. Les objets du design sont un reflet de l'état d'esprit et de l'état de la création dans une société. Les Etats s'intéressent à cette production de prestige et les produits du design industriel trouvent à s'exporter comme le tabouret en plastique Tamtam créé par Henri Massenet en 1968 qui s'écoule à plusieurs millions d'exemplaires et dont la production est relancée en 2010.

Ces objets sont conservés dans trois collections en France : le musée des Arts décoratifs de Paris, le Centre de création industrielle du Centre Georges-Pompidou et la section Art décoratif, création industrielle et métiers d'art du Fonds national d'art contemporain. Le caractère patrimonial du mobilier contemporain comme du meuble ancien s'affirme ainsi également.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

Un objet est l'alliance d'une forme et d'un projet. La forme est du ressort de l'ingénieur (« comment » on fait l'objet), l'intention est du domaine du design (« pourquoi » on fait l'objet). Ce deuxième aspect appelle une réflexion sur la société dans laquelle l'objet s'insère. A chaque époque ses « standards », de processus industriels comme de fonctions sociales.

Le mobilier de l'Elysée et des présidents de la République n'échappe pas à cette réflexion sur l'« air du temps » qui est en même temps la vitrine de la création française auprès des invités de la présidence. Le reportage mesure les variations entre trois présidents. Georges Pompidou, élu en 1969 sur le slogan « le changement dans la continuité », est féru d'art contemporain. Il demande à ce que les salons de l'Elysée soient redécorés. Pierre Paulin (1927-2009) réalise pour lui une salle à manger faite de sièges à housses préfabriquées agrafées sur coque de bois moulée considérés comme emblématique du design pop en France. Le plafond de la salle à manger est fait d'alvéoles contenant des tubes de plexiglas qui diffusent une lumière dont ils masquent l'origine dans un style très avant-gardiste. François-Xavier Lalanne (1927-2008) installe un objet mi-meuble mi-sculpture, le bar-autruche, élément d'une série de zoophites qu'il réalise depuis 1964 avec son épouse Claude. Yaacov Agam (1928-) réalise l'antichambre de 34 mètres carrés des appartements privés du Président. L'un des murs est composé de six panneaux de plexiglas coulissants et biseauté dont les couleurs changent en fonction de la position du spectateur. Le plafond est en aluminium peint et au sol un tapis abstrait y répond. Une sculpture, le Triangle volant, complète cet ensemble d'art cinétique.

A l'inverse, si Valéry Giscard d'Estaing est le président de la « modernité », il fait le choix d'un retour aux styles Louis XV, et Régence pour son secrétaire. Le commentaire s'autorise à faire du design contemporain la « victime » de la nouvelle présidence.

François Mitterrand rompt à nouveau et revient à la promotion des créateurs contemporains exposés au Salon des Artistes Décorateurs au Grand Palais. Il s'agit d'une opération de communication de l'Elysée pour rendre visible le design et les designers français. L'interview d'Annie Tribel confirme le caractère de « vitrine » de cette opération. Elle y expose une chambre d'ami dont l'usage conditionne la forme des meubles. Il s'agit à terme d'engager une production industrielle du mobilier en direction du grand public, « chacun pouvant se donner, à peu de frais, l'impression d'habiter à l'Elysée ».

Il est autant question de formes que de matériaux dans le reportage : un secrétaire en bois de Marc Held, un autre surmonté d'un plateau de verre, des lampes d'epoxy, une chaise en acier. Philip Starck rappelle à cette occasion la vocation du design comme production d'excellence. Il permet de maintenir en France des productions exigeantes en matière de savoir-faire, puisque son siège d'aluminium est « fait par une entreprise française (Delage Aéro, sous-traitant pour Dassault Aviation) qui représente bien ce que la France a encore à vendre, c'est-à-dire que la France est un des rares pays, avec certains pays d'Asie, où on sait faire. Et on sait faire bien, on sait finalement allier la main, le savoir-faire, et en même temps une technologie très avancée ».

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