vidéo - 

L'atelier Brancusi à Beaubourg, un autre regard sur la création

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 28 janv. 1997

En 1997, à l'occasion des travaux de rénovation du Centre Georges Pompidou, l'atelier du sculpteur Constantin Brancusi à Montparnasse est reconstitué sur la Piazza Beaubourg. Le reportage propose une visite du lieu et des œuvres qu'il abrite en insistant sur le legs qu'il constitue pour la sculpture moderne.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
28 janv. 1997
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001503

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Constantin Brancusi (1876-1957), né en Roumanie, s'enfuit à onze ans du domicile familial pour vivre de petits métiers. Autodidacte, il s'inscrit à l'Ecole des arts et métiers puis à l'école des Beaux-Arts de Bucarest. Il voyage en Europe avant de s'installer à Paris en 1904, à Montparnasse. Il poursuit alors ses études à l'Ecole des beaux-arts tout en vivant d'expédients avant de s'installer dans l'atelier de l'impasse Ronsin qu'il occupe de 1916 à 1957. Il y rencontre les grandes figures artistiques de l'époque : Marcel Duchamp, Max Ernst, James Joyce, Fernand Léger, Erik Satie, Tristan Tzara.

Brancusi choisit de sculpter avec simplicité, à l'inverse de la puissance expressive d'un Rodin. Il atteint rapidement une grande maîtrise de la taille de la pierre avec sa Tête de jeune fille (1909). Sa recherche de la pureté de la forme le place en marge des avant-garde qu'il fréquente mais ne suit pas, par exemple le cubisme ou le surréalisme avec Man Ray qui l'initie à la photographie. Alors qu'il a une forte maîtrise de l'anatomie, il renonce au « bifteck » car « à quoi bon tailler les montagnes pour faire de leurs pierres des cadavres ou des biftecks enragés », confondant expression et énergie ?

Son évolution vers la perfection de la pureté formelle est atteint entre 1907 et 1910 quand, réalisant une sculpture de pierre de la baronne Renée Frachon, il en simplifie les traits dans un marbre puis un bronze (Muse endormie, 1909-1910) qui débouchent sur un œuf, forme essentielle de la tête humaine. Il décide également de donner de la légèreté à cette sculpture en ne la fixant pas sur un socle mais en la posant sur une plaque de marbre. Le Baiser (1907) est un parallélépipède de pierre où le style primitif de l'étreinte fait tomber les différences entre l'homme et la femme pour créer l'unité du couple. La simplicité est le point de départ de ses sculptures où il exploite des motifs récurrents (l'oeuf, la courbe, la colonne). Elle « n'est pas un but dans l'art, mais on arrive à la simplicité malgré soi, en s'approchant du sens réel des choses ».

L'oeuvre de Brancusi recèle une importante dimension mystique, la recherche constante d'une sagesse du monde, une sorte d'éternité qui s'exprime dans les matériaux qu'il travaille pour durer : chêne, marbre, bronze, acier inoxydable. Sa spiritualité trouve également à s'exprimer dans les motifs récurrents de ses sculptures. Il réalise un bronze de l'oiseau Maïastra en 1912, avant de l'épurer une première fois dans L'oiseau d'or (1919) pour élever l'âme, puis à nouveau dans L'oiseau dans l'espace (1921) pour tendre vers un arc dynamique.

Brancusi quitte progressivement la représentation pour l'abstraction en développant un bestiaire dont il s'explique : « quand vous voyez un poisson, vous ne pensez pas à ses écailles, vous pensez à la vitesse de son mouvement, à son corps étincelant et brillant, vu à travers l'eau. Eh bien voilà ce que j'ai voulu exprimer. Si j'avais rendu ses nageoires, ses yeux et ses écailles, j'aurais arrêté son mouvement et j'aurais obtenu un simple “échantillon” de la réalité. Moi j'ai voulu saisir l'étincelle de son esprit ».

Il conçoit en 1912 le premier modèle de sa célèbre Colonne sans fin (1918-1938 pour ses variantes) dans le même esprit : les rhomboïdes superposées s'inspirent de sa Roumanie natale mais font naître une architecture totalement imaginaire et infinie parce qu'elle n'est que la répétition du motif. La verticalité absolue de l'oeuvre la fait considérer par Brancusi comme son œuvre maîtresse. Dans ses différents formats (en 1920, 1925, 1928, 1930), La Colonne sans fin lui ouvre le chemin de la reconnaissance internationale, même s'il ne peut aller jusqu'au bout, renonçant à installer ses colonnes à Paris, New-York et Chicago. Il l'insère toutefois dans la commande de sculptures qui lui est faite pour son village natal de Tirgu-Jiu.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

Constantin Brancusi, « l'un des inventeurs de la sculpture moderne » a légué son atelier qu'il « adorait » à l'Etat français en 1956. Il comprend 137 œuvres, 87 socles, 41 dessins, des ébauches, 1 600 plaques photographiques, des meubles, des outils, sa bibliothèque et sa discothèque. L'Etat le reconstitue partiellement tel qu'il était à la mort de l'artiste en 1962 dans les collections du Palais de Tokyo, puis dans sa réplique exacte en 1977 face au Centre Georges Pompidou. Fermé au public en 1990, il est rouvert en 1997 après des aménagements réalisés par Renzo Piano pour préserver cet espace de la rue tout en l'insérant au nord de la Piazza Beaubourg.

A gauche de l'entrée, un jardin clos de 200 mètres carrés assure une transition avec l'extérieur pour créer un effet intimiste. Une galerie périphérique permet de découvrir l'Atelier de 460 mètres carrés à travers une paroi vitrée. Le fond est un mur de 3,5 mètres de haut revêtu de pierre. De grandes baies vitrées sont aménagées pour découvrir les œuvres installées en fonction de photographies originales. La lumière est répartie pour rester fidèle à la lumière d'origine par une toiture en shed orientée au nord.

Dans un entretien réalisé à l'occasion de l'ouverture, l'architecte explique qu'« être confronté à cela [lui] pose deux problèmes. Un problème moral qui tient à la nécessité de respecter sa volonté. Mais aussi un problème professionnel. [il] pense en effet qu'il y aurait danger à vouloir reproduire l'atelier fidèlement, comme le ferait un ethnologue. [Il aimerait] bien pouvoir lui poser la question : “Alors Constantin, qu'est-ce que tu voulais réellement ? Qu'est-ce que tu désirais vraiment ?”. Faute de pouvoir le faire, il faut être fidèle à sa volonté, mais essayer aussi de la comprendre et de l'interpréter un peu . L'obéissance bête n'est jamais intéressante. [...] L'essentiel est la notion “d'ensemble”. De mettre les ouvrages ensemble, ceux terminés, ceux en cours, en devenir, ceux qui auraient existé 10 ans ou 100 ans plus tard... Que Brancusi ait dicté cette volonté dans son testament en fait quelque chose de sacré. »

L'atelier de Brancusi est devenu au fil des ans une grande oeuvre environnementale, une oeuvre d'art totale comprenant l'ensemble de son travail mis à jour et mis en situation dans un espace et une lumière appropriés. Dès son installation, le sculpteur a créé du lien entre ses œuvres par l'organisation de ce qu'il appelle des « groupes mobiles », donnant des places et des possibilités de mobilité à chacune. L'exposition de New-York dont il n'a vu que des photographies qu'il a jugées décevantes le conforte dans l'approche architecturale de son œuvre et fait de son atelier son principal lieu d'exposition.

A la fin de sa vie, Brancusi ne produit plus de sculptures et se concentre sur leur relation au sein de l'atelier, au point de ne plus souhaiter exposer et de remplacer les œuvres vendues par leur tirage en plâtre. Il conserve ainsi l'unité de l'ensemble.

Lieux

Thèmes

Sur le même thème