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Le livre numérique ne remplacerait pas si vite le livre papier

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 01 avr. 2010

Le papier fait de la résistance. Alors que l'offre de livres numériques s'élargit et que de grands projets de numérisation sont en cours, les libraires indépendants organisent la survie de leur métier et de leur activité.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
01 avr. 2010
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001521

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Le livre numérique, aussi connu sous le nom d'ebook, va-t-il supplanter le codex comme celui-ci avait remplacé le volumen ? Le marché du livre numérique a quasiment doublé entre 2011 et 2012, son chiffre d'affaires passant de 12 millions à 21 millions d'euros en France. Il pourrait être multiplié par cinq en trois ans et dépasser les 100 millions d'euros en 2015. On est passé de plus de 50 000 titres publiés en 2001 à plus de 80 000 titres en 2011. Pourtant les partisans du livre papier sont entrés en résistance et en soulignent le double enjeu.

Enjeu culturel d'abord : le sort du livre papier oppose les bibliophilies, partisans du livre-objet, aux partisans du livre-pratique qui acceptent plus facilement de s'affranchir du support si la pratique de la lecture sort renforcée.

Enjeu économique ensuite : le livre numérique menace l'existence des librairies. Les poids lourds du livre numérique que sont les éditeurs et surtout les cyber-vendeurs (Amazon, Apple, Google et une poignée de libraires en ligne comme la FNAC, Joseph Gibert ou Decitre) développent des services en ligne qui permettent de se passer des intermédiaires.

Les libraires indépendants sont ceux qui en souffrent le plus car ils ne sont pas des plate-formes de téléchargement ; les livres papiers représentent d'ailleurs moins de 10 % des ventes de livres en ligne.

Le livre numérique est la première véritable dérogation à la loi sur le prix unique du livre. La « loi Lang » votée en 1986 instaurait un prix unique pour les livres afin de soutenir les libraires indépendants confrontées aux grandes surfaces. Or les livres numériques sont vendus en moyenne vingt pour cent moins chers que leurs homologues papier. C'est trop peu pour les clients, mais déjà trop pour les libraires qui voient monter cette concurrence.

La raréfaction du nombre de points de vente fait de certains territoires comme la Seine Saint-Denis des « déserts culturels » pour les librairies, alors que tout un pan de la politique de démocratisation culturelle passe par la densification de leur maillage territorial. Tous les acteurs du secteur de l'édition s'accordent à dire que le conseil du libraire est un élément fondamental de l'achat de livres. Or nombre de libraires indépendants ne perçoivent pas le livre numérique comme un champ de leur activité. Ils n'ont le plus souvent pas les ressources pour mettre en place de coûteuses infrastructures de vente en ligne, car la librairie est l'un des commerces les moins profitables.

D'un autre côté les projets de numérisation massive peinent à définir un modèle économique. La société internet Google a commencé en 2004 à numériser des ouvrages libres de droits ou indisponibles (500 à 700 000 titres rien qu'en France) en échange d'un droit d'usage exclusif sur les quinze millions d'ouvrages effectivement numérisés en 2010. Les numérisations réalisées lèsent le droit d'auteur car la numérisation peut être faite sans leur consentement. Les partenariats que l'entreprise signe avec des grandes universités heurtent ceux qui comme Jean-Noël Jeanneney, ancien directeur de la Bibliothèque Nationale de France, considèrent ces ouvrages comme un patrimoine. D'autres projets de numérisation sont pris en charge par les pouvoirs publics, Gallica en France, Europeana en Europe. Ces projets sont peu nombreux, limités par le coût d'une telle entreprise, car les ouvrages numérisés sont gratuits à la consultation, et donc largement financés à perte.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

Les pratiques de la lecture changent avec les nouvelles technologies. Le lancement de l'Ipad par Apple, « tablette informatique magique et révolutionnaire », apparaît comme un outil de développement du livre électronique. En plateau Carole Gaessler s'emmêle un peu, entre Ipad et iBook (l'application de bibliothèque d'Apple), qui « peut contenir un ou plusieurs ouvrages, une sorte de bibliothèque portable ».

Il n'est dans le reportage pas question d'Ipad mais de lectrice d'ebooks, l'un des format de livre numérique et nom générique de la tablette de lecture. Le passage à l'encre électronique est présenté comme une révolution pour le lecteur, mais le premier propos recueilli assimile la lecture du livre à la consultation de l'encyclopédie en ligne wikipedia, renvoyant la lecture au surf sur internet. La question du livre numérique reste cantonnée au flou sur les pratiques comme sur les modalités techniques. Au moment de la réalisation du reportage, les premières liseuses sont très loin des tablettes numériques. Elles ne permettent par exemple pas de naviguer sur internet.

Sans transition, les journalistes entrent dans le vif du sujet : la numérisation des livres est devenu un enjeu pour tous les acteurs du secteur du livre, bibliothèques, maisons d'édition. C'est encore un petit marché : un pour cent du chiffre d'affaire du secteur de l'édition en 2010, moins de cinq pour cent en 2012. Mais c'est un marché en pleine expansion du fait de la présence de grands opérateurs qui pour certains creusent leur sillon sur ce marché comme Amazon, et pour les autres comme la FNAC ou Decitre qui essaient de développer un modèle économique avant d'être débordés. Le changement tient à l'évolution des modes de consommation de la culture : les produits numérisés (livres, chansons, films) se téléchargent aisément, et le changement du geste d'achat peut avoir une forte influence sur le secteur, comme il l'a eu sur la musique.

C'est peut-être la raison pour laquelle il n'existe en 2010 que trente mille titres téléchargeables, « ce que propose en vente papier un petit libraire de quartier ». Les acteurs du secteur de l'édition sont très prudents. Catherine Cussigh, directrice du développement chez Hachette, dit ne pas faire « partie de ceux qui pensent que le livre papier va disparaître », mais le livre numérique « va prendre une part importante du marché », une part « significative ». Marie-Pierre Sangouard, Directrice du livre à la Fnac, affirme souhaiter « que les petits libraires et les libraires indépendants puissent proposer aussi du téléchargement, car nous [la FNAC] pensons qu'il est essentiel que l'on puisse avoir une offre diversifiée car la Fnac pense que le livre numérique a un avenir très étroitement lié à celui du livre physique. Nous pensons que le rôle du libraire physique, le rôle du livre n'est pas encore complètement terminé et que nous avons encore quelques belles années devant nous ».

Les éditeurs comme les marchands n'ont en 2010 pas de réelle stratégie de développement. Ils craignent une crise du secteur telle que l'a connu le disque avec le développement du format MP3. Il est surprenant qu'aucun libraire indépendant ne soit interrogé alors qu'ils sont au cœur du réseau de distribution du livre en France. De même ne sont pas évoqués les verrous numériques dont se dotent les éditeurs numériques. Ils les rendent incessibles, empêchent le développement d'une offre dans les bibliothèques, mais sont au cœur de la stratégie commerciale des éditeurs comme des vendeurs.

Le reportage lui-même est teinté d'optimisme. Sur des images de bibliothèque de l'Institut Universitaire de France comme lieu de l'excellence livresque, le journaliste Christian Choupin signale que le développement du livre numérique est contraint par une TVA plus lourde que celle du livre papier et un prix inférieur de dix à quinze pour cent seulement par rapport au papier, ce qui le rend peu attractif.

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