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René Char, Feuillets d'Hypnos

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 24 nov. 1964

Lecture par Jean Vilar d'un poème de René Char sur la Résistance, extrait du recueil Feuillets d'Hypnos.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Date de diffusion du média :
24 nov. 1964
Production :
INA
Page publiée le :
10 sept. 2015
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001729

Contexte historique

Par Anne Doustaly

Né en Provence, où il demeure la majeure partie de sa vie, René Char (1907-1988) écrit de la poésie dès le lycée, publie son premier recueil en 1928, et rejoint le groupe des Surréalistes pendant cinq ans (1929-1934). Proche du Parti Communiste, il s'engage dans les années 1930 contre les ligues d'extrême droite et les massacres de la guerre civile en Espagne. En 1939 il est mobilisé et envoyé en Alsace où il assiste à la débâcle comme simple soldat. Pendant l'Occupation, il entre dans la clandestinité en 1941 sous le nom de « Capitaine Alexandre » et participe par les armes à la Résistance, « école de douleur et d'espérance ». En 1942-1943, il commande le Service action parachutage de la zone Durance (en Provence) au sein des Forces Françaises Combattantes, organisation de la France Libre. En juillet 1944, il est appelé à participer à la préparation du débarquement des Alliés en Provence. Les Feuillets d'Hypnos, écrits en 1943-1944 et publiés en 1946 (repris dans Fureur et mystère en 1948), mêlent des récits du quotidien de la Résistance et des méditations. Pour René Char, la Résistance fut une expérience fondatrice, faite d'abord d'action et menant à la réflexion politique et poétique : il écrit mais refuse de publier durant l'Occupation, dénonce le nazisme et la collaboration française, s'interroge avec angoisse sur son action et ses missions, prend ses distances avec l'action sitôt la guerre terminée (il refuse par exemple de participer à l'épuration).

L'après-guerre laissa René Char profondément pessimiste quant à la situation politique française et internationale jusqu'à la fin de sa vie ; ses opinions très lucides sont proches de celles d'Albert Camus dans L'Homme révolté, avec qui il entretenait une indéfectible amitié, et à qui les Feuillets d'Hypnos sont dédiés.

Éclairage média

Par Anne Doustaly

Lorsqu'il était à la tête du Service Action Parachutage de la zone Durance, René Char se surnommait Hypnos, (« sommeil » en Grec), signifiant à la fois l'homme qui veille sur son peuple et la Résistance en sommeil, mais prompte à s'éveiller à tout moment. Son surnom inspira le titre de l'ouvrage. Dans Feuillets d'Hypnos, les poèmes prennent la forme de 247 courtes notes, parfois sous la forme de la maxime, parfois relatant avec précision les actions des résistants, sous la forme de courts récits ou de témoignages. Cependant beaucoup sont des pensées saisies sur le vif que le poète consigne sur le papier pour ne pas les laisser disparaître. Les écrire, c'est aussi donner à ces notes de terrain une portée méditative et poétique.

Le choix de la prose est un choix parlant : elle est la représentation formelle de la force et de la solidité des hommes du maquis et s'impose, elle aussi, comme bloc de résistance. Ainsi les Feuillets se présentent comme un témoignage poétique et se veulent représentatifs, non pas de la guerre, mais de l'instant quotidien. Ce lien établi entre témoignage et poésie est original : René Char réussit à dépasser l'événement pour lui conférer une portée hautement méditative. Derrière l'anecdotique se cache la poésie. René Char dépasse la circonstance historique et la simple dénonciation en faisant du poème une arme. Le souci de combattre et de témoigner, ou de prendre pleinement la mesure du drame, fait de la poésie une réponse à la détresse présente. Ainsi les Feuillets, écrits dès 1943, sont seulement édités en 1946 : publier sous l'Occupation aurait été une erreur car à ce moment-là, seule l'action primait. L'engagement est physique avant d'être poétique, sa poésie se place dans la continuité de son action auprès des Résistants du maquis. Pour Char, il ne s'agissait donc pas seulement d'être résistant mais bien de faire la résistance. C'est pour cela que dans les Feuillets d'Hypnos, l'écriture est intimement liée à l'action ; elle trouve son origine dans l'action et la prolonge sur le mode poétique. Dans le recueil, Char réveille le sens étymologique du terme « résister » et lui redonne tout son sens : résister, c'est avant tout, « se tenir face à », « s'arrêter ». L'œuvre est résistante dans son sens même, y compris à l'interprétation. Le titre évoque aussi une écriture « feuilletée » autrement dit faite de plusieurs couches. Ainsi le sens est rendu opaque par le travail effectué sur les mots. En temps de guerre et de propagande, les mots ont perdu leur valeur initiale, leur signification essentielle, la mission du poète est donc de leur rendre sens et vie. L'extrait qui est lu ici est le récit d'un épisode dramatique et exemplaire de la Résistance en Provence : un village est envahi par les SS et la Milice qui recherchent un résistant (le poète lui-même). Ils torturent un jeune maçon qui ne parle pas, les habitants gardent tous le silence et le résistant est sauvé. Le poète dit son attachement aux villageois qui ne l'ont pas dénoncé.

La lecture est faite par Jean Vilar (1912-1971), comédien, metteur en scène et directeur de théâtre, qui avait rencontré René Char en 1947 à Avignon, lors de l'organisation de ce qui allait devenir le Festival d'Avignon et que Vilar dirigea jusqu'à sa mort. Proche du Parti Communiste, Vilar était aussi le fondateur du Théâtre National populaire qu'il dirigea de 1951 à 1963 (voir le document Le Théâtre National populaire).

Bibliographie :

- Georges-Louis Roux, La Nuit d'Alexandre. René Char, l'ami et le résistant, Paris, Grasset, 2003.

- René Char, le poète et le maquis, texte de Dominique Bellec, Photographies de Jean-Baptiste Duchenne, Le passager clandestin, 2007.

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