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Inauguration d'une plaque commémorative dédiée aux Algériens tués le 17 octobre 1961

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 17 oct. 2001

Le maire de Paris Bertrand Delanoë dévoile, sur le pont Saint-Michel, une plaque commémorative dédiée aux Algériens tués pendant la manifestation du 17 octobre 1961. Des militants d’extrême droite organisent une contre-manifestation. À l’Assemblée nationale, des députés de droite provoquent un incident. Une manifestation en hommage aux victimes de 1961 a lieu en fin de journée à Paris.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
17 oct. 2001
Production :
INA
Page publiée le :
29 mai 2018
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001887

Contexte historique

Par Christophe Gracieux

Le 17 octobre 1961, une manifestation organisée à Paris par la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN), pour protester contre la décision du préfet de police Maurice Papon d’imposer un couvre-feu aux Algériens de la capitale, a fait l’objet d’une très violente répression policière : plusieurs dizaines d’Algériens ont été tués par des policiers (voir Les manifestations musulmanes du 17 octobre 1961). Le bilan des victimes n’a néanmoins jamais pu être établi avec certitude : de 30 à 50 pour l’historien Jean-Paul Brunet à plus de 200 pour Jean-Luc Einaudi.

Pourtant, ce massacre a été occulté pendant de longues années. L’historien Gilles Manceron parle même d’une « triple occultation ». Les autorités françaises ont d’abord passé la répression du 17 octobre 1961 sous silence. Sa mémoire a en outre été recouverte par celle de la manifestation de Charonne du 8 février 1962 (voir Les attentats de l'OAS et la manifestation de Charonne et Les obsèques des victimes de Charonne), au cours de laquelle neuf personnes défilant pour la paix en Algérie et contre les attentats de l’OAS ont trouvé la mort, pourchassés par la police. Enfin, le pouvoir algérien lui-même a refusé de mettre en valeur une initiative de la Fédération de France du FLN.

Ce n’est qu’à partir du début des années 1980 que la mémoire de la répression du 17 octobre 1961 a refait surface. Le journaliste Jean-Louis Péninou y a consacré un article dans Libération le 17 octobre 1980, parlant d’« un massacre raciste en plein Paris ». Puis, en 1983, le roman policier de Didier Daeninckx, Meurtres pour mémoire, a lui aussi évoqué cette répression et le rôle joué par Maurice Papon. L’historien Jean-Luc Einaudi a plus particulièrement joué un rôle décisif dans la résurgence de la mémoire du 17 octobre 1961. S’appuyant sur les archives de la Fédération de France du FLN, il a publié La Bataille de Paris en 1991.

Mais c’est surtout le procès de Maurice Papon pour complicité de crimes contre l’humanité en tant que secrétaire général de la préfecture de Bordeaux de 1942 à 1944, qui a fait surgir le 17 octobre 1961 sur le devant de la scène médiatique. Lors ce procès, en 1997-1998, Jean-Luc Einaudi, interrogé comme témoin, a évoqué le rôle de l’ancien préfet de police de Paris dans la répression sanglante de la manifestation du 17 octobre 1961. L’historien a ensuite publié une tribune dans Le Monde du 20 mai 1998 dans laquelle il a employé le terme de « massacre » à propos ces événements, ce qui lui a valu d’être poursuivi pour diffamation par Maurice Papon. Mais celui-ci a été débouté de sa plainte.

Les autorités ont alors progressivement reconnu le massacre du 17 octobre 1961. Ainsi, le 17 octobre 2001, le maire de Paris Bertrand Delanoë a inauguré sur le pont Saint-Michel une plaque en mémoire « des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 ». Puis le 17 octobre 2012, le président de la République François Hollande, élu quelques mois avant, a officiellement reconnu la répression dans un communiqué : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes. » Pour la première fois, un président de la République reconnaît donc la répression de la manifestation 17 octobre 1961. Il n’a toutefois dit mot des responsables du massacre, de son mode opératoire et du nombre de victimes. Six jours après la reconnaissance présidentielle, le Sénat a, à son tour, adopté le 23 octobre 2012 une résolution présentée par le groupe communiste qui a, elle aussi, reconnu la répression, par 174 voix contre 168.

Bibliographie

  • Brunet Jean-Paul, Police contre FLN, Flammarion, 1999.
  • Einaudi Jean-Luc, La Bataille de Paris, Le Seuil, 1991.
  • Einaudi Jean-Luc, Octobre 1961. Un massacre à Paris, Fayard, 2001.
  • Manceron Gilles, La Triple Occultation d’un massacre, La Découverte, 2011.

Éclairage média

Par Christophe Gracieux

Ce reportage, diffusé dans le journal télévisé de 20 heures de France 2 le 17 octobre 2001, rend compte de la commémoration de la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris et des vives controverses qu’elle a entraînées. En effet, le matin même, à l’occasion du quarantième anniversaire de ce massacre, le maire de Paris Bertrand Delanoë a dévoilé une plaque commémorative en mémoire des « nombreux Algériens » alors tués. Cette plaque a été placée en un lieu symbolique : le pont Saint-Michel, d’où plusieurs manifestants algériens avaient été précipités dans la Seine le 17 octobre 1961. Alternant images factuelles et interviews (celles de Bertrand Delanoë, Xavier Beugnet, Claude Goasguen et Raymond Forni), le reportage de France 2 se compose de quatre séquences distinctes retraçant chronologiquement les événements de la journée de commémoration comme autant d’épisodes : le matin, la contre-manifestation de quelques militants d’extrême droite puis la cérémonie de dévoilement de la plaque commémorative ; l’après-midi, l’incident provoqué par des députés de droite à l’Assemblée nationale et la manifestation organisées par des associations et des partis de gauche en hommage aux victimes algériennes d’octobre 1961.

Le reportage laisse bien apparaître les vives tensions provoquées par la mémoire du 17 octobre 1961. Il met en lumière le profond clivage entre la gauche et l’extrême gauche d’une part, qui défendent la reconnaissance des victimes algériennes du 17 octobre 1961, et la droite et l’extrême droite d’autre part, qui la rejettent. Dès son lancement plateau, le présentateur David Pujadas parle d’ailleurs d’une « initiative controversée » et du « débat » suscité par « la lecture de ces événements ». Le sujet donne ensuite à voir « l’atmosphère tendue » entourant la cérémonie. Le dispositif policier, illustré par les plans des nombreux CRS et de leurs cars stationnés sur le pont Saint-Michel, paraît ainsi imposant : le journaliste de France 2 évoque un « quartier bouclé à plusieurs centaines de mètres à la ronde ». De fait, les CRS tiennent à l’écart de la cérémonie des manifestants d’extrême droite réunis autour de Bruno Mégret, secrétaire général du Mouvement national républicain (MNR). Les mégrétistes brandissent des banderoles « Honte aux collabos du FLN » et « Fiers d’être Français », auxquelles s’oppose une photographie brandie dans la foule par un homme avec l’inscription « Ici on noie les Algériens ». Un incident a éclaté avant la cérémonie, présenté dans le sujet : Jean-Yves Le Gallou, président du groupe MNR au Conseil régional d’Île-de-France, a été évacué manu militari du périmètre consacré à la cérémonie par Mehdi Lallaoui, président de l’association Au nom de la mémoire. Le bras droit de Bruno Mégret était en effet parvenu à se faufiler parmi les invités officiels de la cérémonie. Les élus de droite du Conseil de Paris avaient quant à eux choisi de boycotter la cérémonie. Philippe Séguin, président du groupe RPR au conseil municipal, avait ainsi déploré une « approche manichéenne » de l’histoire et jugé « inutile de rouvrir des controverses ».

Le reportage propose d’autres images d’un second incident survenu le même jour, témoignant également du conflit mémoriel entre la droite et la gauche sur le 17 octobre 1961. On voit ainsi plusieurs députés de droite quittant l’hémicycle alors que le secrétaire d’État à la Défense chargé des Anciens combattants, le socialiste Jacques Floch, est en train de s’exprimer. Répondant à une question  du député apparenté communiste Jean-Pierre Brard sur les responsables de la répression du 17 octobre 1961, Jacques Floch venait d’évoquer l’organisation de la manifestation des Algériens pour protester contre un « couvre-feu appliqué sur la base du faciès ». De nombreux députés du Rassemblement pour la République et de Démocratie libérale ont alors choisi de protester en quittant la salle, tout en continuer à interpeller vivement l’orateur.

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