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Un écrit témoigne du rôle de Pétain dans l’adoption du statut des Juifs de 1940

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 03 oct. 2010

En octobre 1940, Vichy adopte un statut des Juifs, illustrant l’antisémitisme d’Etat du nouveau régime. La découverte en 2010 du brouillon annoté de la main de Pétain montre la responsabilité du chef de l’Etat dans ce texte dès lors que ses annotations renforcent les dispositions de la version initiale, augmentent les professions interdites aux Juifs et suppriment les exceptions susceptibles de s’appliquer à ceux qui étaient présents en France depuis longtemps.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
03 oct. 2010
Production :
INA
Page publiée le :
18 oct. 2018
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001905

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

L’une des caractéristiques de l’idéologie vichyste réside dans son « nationalisme fermé » (Michel Winock), contraire aux valeurs républicaines, et la volonté d’exclure des catégories d’« indésirables », qui servent à la fois de boucs émissaires à la défaite tout en étant présentés comme des obstacles au redressement du pays. Au cours des premiers mois du régime, les mesures d’exclusions se multiplient contre ceux présentés comme l’incarnation de « l’anti-France » (étrangers, juifs, francs-maçons et communistes), et dont les conditions d’existence deviennent rapidement très difficiles.

Des lois d’exclusion sont spécifiquement dirigées contre les Juifs, même s’ils ne sont pas étrangers. Le statut des Juifs du 3 octobre exclut les quelques 350 000 Juifs français de tout emploi dans le secteur public et de toutes les professions « d’influence » (enseignement, cinéma, presse). Un second statut (2 juin 1941) étend la liste des exclusions. D’autres mesures viennent encore accentuer la politique antisémite de Vichy comme l’abrogation du décret Crémieux (qui accorde en 1870 la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie), la possibilité donnée aux préfets d’interner les Juifs étrangers ainsi que la création du Commissariat aux questions juives, chargé notamment de veiller à la bonne application de la confiscation des entreprises juives (10 000 entreprises environ sont « aryanisées » sous l’Occupation) et au règlement de tout ce qui concerne la « question juive ».

Ces mesures d’exclusions entraînent pour ceux qui en sont victimes des difficultés inextricables en les privant de leurs moyens d’existence (perte d’emploi et de ressources, accès plus difficile au ravitaillement, marginalisation sociale). Elles s’accompagnent pour un nombre croissant de personnes de l’expérience de l’internement, où à la privation de liberté s’ajoutent des conditions d’existence souvent terribles dans des camps à l’aménagement très précaire. S’inscrivant dans une logique d’exclusion, ces mesures d’internement n’en allaient pas moins créer les conditions de l’irréparable, facilitant le travail des Allemands lorsqu’ils auront besoin d’otages ou que se mettra en place en 1942 une logique d’extermination des juifs dans le cadre de la Solution finale.

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

La découverte du brouillon du premier statut des Juifs avec des annotations de la main du maréchal Pétain qui contribuent à aggraver le texte est un document essentiel. Il infirme totalement une vision qui avait pu jusqu’alors s’imposer, celle d’une législation qui aurait été adoptée par les antisémites les plus farouches du régime de Vichy (le garde des Sceaux Raphaël Allibert notamment) tandis que Pétain, sans s’y opposer véritablement, ne s’y serait pas forcément montré favorable. Les remarques, suppressions et ajouts faits de la main de Pétain sont sans appel : elles vont toutes dans le même sens, à savoir une aggravation de la première version du texte.

Cela témoigne bien de l’antisémitisme de Pétain, qui juge les Juifs responsables du Front populaire et de la défaite. Le maréchal a bien été l’inspirateur de la législation antisémite adoptée à l’automne 1940. Cela constitue une nouvelle pièce à charge contre le chef de l’Etat français, confirmant encore un peu plus combien la thèse du « Pétain bouclier », protecteur des Français et qui aurait cherché à atténuer des dispositions antisémites imposées par les Allemands ne repose absolument sur rien.

La découverte de ce document crucial constitue l’un des éléments qui amenèrent l’historienne Bénédicte Vergez-Chaignon à entreprendre une nouvelle biographie de Pétain publiée aux éditions Perrin en 2014, dans laquelle l’antisémitisme du maréchal et sa proximité intellectuelle avec les idées de Maurras sont clairement soulignés.

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