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Les femmes saoudiennes autorisées à conduire

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 24 juin 2018

En Arabie saoudite, les femmes ont désormais le droit de conduire à partir du 24 juin 2018, dans un contexte encore largement hostile à l'égalité hommes-femmes. Deux nouvelles conductrices témoignent. La célébration est toutefois ternie par l'emprisonnement d'activistes féministes qui menaient ce combat depuis des années.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
24 juin 2018
Production :
INA
Page publiée le :
29 août 2019
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001944

Contexte historique

Par Christophe Gracieux

En Arabie saoudite, monarchie régie par le wahhabisme, doctrine puritaine islamique, les femmes ont très longtemps été complètement exclues de l’espace public. L’Arabie saoudite était ainsi le seul pays au monde à leur interdire de conduire. Cette interdiction était justifiée par les ultraconservateurs par des considérations d’ordre public. À leurs yeux, interdire la conduite aux femmes permettait de lutter contre les tentations qui découleraient inévitablement de leur circulation plus libre. Pour se déplacer, les Saoudiennes devaient par conséquent recourir aux services d’un chauffeur privé ou d’un taxi, ou bien encore demander à un homme de leur famille.

Le décret du roi Salmane, publié le 26 septembre 2017 constitue donc bien un tournant majeur pour la condition des femmes saoudiennes : il ordonne « de délivrer des permis de conduire indifféremment aux hommes et aux femmes » et demande à plusieurs ministres de prendre les dispositions pour que cette mesure entre en application en juin 2018. Les Saoudiennes se voient enfin autorisées à conduire sans permission préalable de leur tuteur et sans présence d’un homme dans leur véhicule.

Cette mesure a été adoptée sous l’influence du fils du roi, le prince héritier Mohammed ben Salmane, dit « MBS ». Autoriser les femmes saoudiennes à conduire vise d’abord à leur permettre d’acquérir de l’autonomie dans leurs déplacements et par conséquent de postuler plus facilement à un emploi. Cette mesure fait également partie du programme de réformes économiques et sociales impulsées par Mohammed ben Salmane, baptisé « Vision 2030 » afin de briser la dépendance du royaume au pétrole et de desserrer l’emprise des religieux sur la société. Dans le cadre de ce programme, plusieurs autres mesures ont permis d’améliorer la condition des Saoudiennes. Ainsi pour la première fois, en septembre 2017, les femmes sont autorisées à pénétrer dans un stade pour assister à un concert, puis en mars 2018 à participer à une course à pied.

Ainsi le 24 juin 2018, pour la première fois, les Saoudiennes ont l’autorisation de conduire. Mais leur émancipation est encore loin d’être totale. Les femmes en Arabie saoudite sont en effet encore confrontées à de nombreuses restrictions. Elles sont toujours soumises à la tutelle masculine : elles doivent demander l’autorisation d’un référent masculin – père, mari ou frère – pour de nombreux actes de la vie courante, comme se marier, voyager à l’étranger ou ouvrir un compte en banque.

En outre, les féministes saoudiennes sont toujours soumises à une forte répression. Plusieurs sont emprisonnées, dont la figure du combat pour les droits des Saoudiennes, Loujain Al-Hathloul, arrêtée en mai 2018 avec huit autres féministes, et accusée d’avoir eu « l’intention de saper la sécurité, la stabilité et l’unité nationale du royaume. »

Éclairage média

Par Christophe Gracieux

Ce reportage a été diffusé dans le journal télévisé de vingt heures de France 2 le 24 juin 2018, le jour de l’entrée en vigueur de l’autorisation de conduire pour les femmes en Arabie saoudite. Il a été tourné à Riyad, la capitale saoudienne, par la grand reporter Samah Soula et la journaliste reporter d’images Annie Tribouart. Les autorités du royaume ont en effet convié les médias internationaux à couvrir les premiers moments des femmes saoudiennes au volant. Une séquence du reportage de France 2 propose ainsi une mise en abyme, montrant deux cameramen et une journaliste en train de filmer une femme au volant. Samah Soula et Annie Tribouart sont d’ailleurs elles-mêmes filmées en situation dans la voiture d’une Saoudienne. En autorisant les médias du monde entier à venir tourner des reportages en Arabie saoudite sur l’entrée en vigueur du droit à la conduite pour les femmes, le but du prince héritier Mohammed ben Salmane, initiateur d’un vaste programme de réformes, était d’améliorer l’image de son pays et d’en offrir un visage moderne.

Le reportage de France 2 met en valeur l’aspect historique de l’entrée en vigueur de cette mesure. « Un équipage 100 % féminin, du jamais vu en Arabie saoudite », note Samah Soula à propos d’une voiture n’ayant à son bord que des femmes. Par ailleurs, on voit à plusieurs reprises dans le sujet des Saoudiennes et des Saoudiens qui immortalisent ce moment en prenant en photo les premières conductrices à Riyad. Un homme prend même un selfie avec l’une d’entre elles en lui disant qu’elle va « entrer dans l’histoire ».

Afin de mieux montrer l’ampleur du changement que constitue cette mesure pour la condition des femmes en Arabie saoudite, Samah Soula et Annie Tribouart ont choisi de présenter deux cas concrets : elles suivent deux femmes conduisant pour la première fois dans les rues de Riyad. La première, qui prend le volant dès l’entrée en vigueur de l’autorisation, le 24 juin 2018 à minuit, et la seconde le lendemain matin. Prenant place à bord de leurs voitures, l’équipe de France 2 filme ces nouvelles conductrices pendant leurs premiers moments au volant. Leurs témoignages permettent d’éclairer les raisons qui les ont poussées à prendre la route dès l’entrée en vigueur de l’autorisation de la conduite pour les femmes. La première conductrice explique qu’elle voulait prendre part à ce moment historique, la seconde qu’elle voulait pouvoir immédiatement se rendre par ses propres moyens à son travail, sans être contrainte de recourir à un chauffeur.

Le reportage de France 2 nuance cependant nettement l’impact de cette mesure sur la condition des Saoudiennes, en évoquant la répression subie par des activistes féministes et la tutelle masculine qui continue de peser sur les femmes.

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