Henri Frenay évoque les motivations qui l’ont amené à résister dès 1940

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 03 août 1976 | Date d'évènement : 1940

Officier issu d’une famille bourgeoise et catholique, le capitaine Henri Frenay, décide de rompre dès 1940 avec son milieu et la culture d’obéissance qui le caractérise. Sa rencontre avec Berty Albrecht et un séjour à Strasbourg avant la guerre l’ont rendu particulièrement conscient des dangers que représente le nazisme. Une défaite de la France face à l’Allemagne lui était dans ces conditions inacceptable car elle signifiait forcément que son pays serait réduit en esclavage.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Chroniques du temps de l'ombre, 1940-1944
Date de l'évènement :
1940
Date de diffusion du média :
03 août 1976
Production :
INA
Page publiée le :
29 oct. 2019
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000003445

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

Le capitaine Henri Frenay est l’un des pionniers de la Résistance en zone sud. Le refus de la défaite et de l’occupation sont immédiats chez cet officier, qui s’est évadé en juin 1940 après avoir été fait prisonnier dans les Vosges, marchant durant deux semaines harassantes vers le sud pour gagner Sainte-Maxime, où résidait sa mère. Sa proximité avec Berty Albrecht, militante féministe et antifasciste rencontrée en 1935, ajoutée à un séjour au Centre d’études germaniques de Strasbourg en 1937-1938, ont éveillé chez lui des sentiments antinazis. Affecté à l’été 1940 au bureau de garnison de Marseille, Frenay cherche immédiatement à agir en utilisant son réseau professionnel et amical pour tenter de rassembler des personnes hostiles à l’Allemagne et jeter les bases d’une organisation clandestine, le Mouvement de libération nationale (MLN). Nommé à la mi-décembre 1940 à Vichy au Deuxième Bureau, le service de renseignements de l’armée d’armistice, il espère profiter de cette position pour récolter des informations stratégiques et développer des actions de renseignements. Sa rupture n’est donc pas immédiate avec le régime de Vichy, d’autant que Frenay croit voir dans le maréchal Pétain la personnalité la mieux à même de redresser le pays pour préparer une revanche contre l’Allemagne. En janvier 1941, s’opposant au choix de la collaboration, il démissionne de l’armée. Se sachant recherché pour ses activités  dissidentes, Frenay bascule dans la clandestinité en  mars 1941.

Pour contrer la propagande de Vichy et de l’occupant, Frenay décide, avec le concours de Berty Albrecht, de rédiger une feuille d’information clandestine, Les Petites Ailes de France. Pour étendre l’organisation de son mouvement à l’ensemble de la zone sud, Frenay voyage beaucoup pour rencontrer les personnes qui lui permettront de relayer son action dans tous les départements de la zone non occupée. Il se rend régulièrement à Marseille, Toulouse, Clermont-Ferrand. Il cherche également à établir des contacts avec les responsables d’autres mouvements qui se développent en zone sud afin d’entrevoir des rapprochements. A Lyon, au cours du printemps 1941, Frenay rencontre ainsi François de Menthon, professeur à la Faculté de droit de la ville, qui a fondé un novembre 1940 l’un des tous premiers journaux clandestins de la zone sud, Liberté. En juillet 1941, Frenay rencontre pour la première fois Jean Moulin, qui s’est donné pour mission de réaliser un rapport sur le potentiel de la Résistance en France à destination du général de Gaulle. Le chef du MLN dresse à l’ancien préfet un premier tableau des différentes organisations avec lesquelles il a pu établir le contact et lui permet de rencontrer d’autres responsables de mouvements naissants comme d’Astier de la Vigerie (Libération-sud) ou Jean-Pierre Levy (Franc-Tireur). C’est également lui qui initie Jean Moulin à l’apprentissage de la vie clandestine.

Au début de l’année 1942, son rapprochement avec François de Menthon et la fusion du MLN et de Liberté permettent à Frenay de diriger le principal mouvement de zone sud, Combat. Considéré comme un adversaire très dangereux par les Allemands, en raison de son ancien statut d’officier et de ses relations dans l’armée, Frenay est l’un des résistants les plus activement recherché. Il échappe de justesse à plusieurs reprises à l’arrestation. En juillet 1943, il quitte définitivement la métropole pour Alger, laissant la direction de Combat à son adjoint, Claude Bourdet. Il accepte à l’automne 1943 l’offre que lui fait de Gaulle d’entrer au Comité français de Libération nationale (CFLN) comme commissaire aux Prisonniers, Déportés et réfugiés, poste qu’il conserve au sein du Gouvernement provisoire jusqu’en octobre 1945. C’est donc sous sa responsabilité que s’effectuera, dans un contexte très difficile, le retour en France de près de deux millions de prisonniers de guerre, déportés politiques ou raciaux, travailleurs réquisitionnés dans le cadre du STO.

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

Ce témoignage livré par Henri Frenay sur les motivations qui l’ont amené à faire le choix de la Résistance en 1940 est intéressant car il souligne bien la difficulté qu’a pu représenter pour les premiers résistants le fait de désobéir, plus particulièrement en zone sud. Parce que ce territoire n’était pas occupé, résister en zone sud n’allait pas forcément de soi. Cela supposait en effet d’enfreindre les consignes données, de désobéir au maréchal Pétain, dont le prestige est immense, et de rompre avec la culture d’obéissance de l’Etat, un choix qui se révèle encore plus difficiles pour certaines catégories particulières (fonctionnaires, militaires). Dans un milieu qui se caractérise par le respect des ordres donnés, Henry Frenay fait donc figure d’exception en 1940. Comme il l’explique dans son témoignage, cela tient au fait qu’il avait pu être davantage sensibilisé que la plupart de ses collègues au danger du nazisme avant la guerre, du fait de sa relation avec la militante antifasciste Berty Albrecht. Son séjour au Centre d’Etudes germaniques en 1937-1938 afin d’approfondir sa connaissance de l’Allemagne au contact d’universitaires, qui à l’instar de René Capitant, offrent une des premières critiques libérales du régime hitlérien, lui a également permis de comprendre la réalité de la menace nazie, qui est plus qu’un simple avatar du pangermanisme. 

La date du témoignage, 1976, dans le cadre d’une série d’émissions réalisée par Armand Panigel, Ce jour là j’en témoigne, chroniques du temps de l’ombre 1940/1944, est également importante. L’ancien chef de Combat a publié ses mémoires (La nuit finira) trois ans plus tôt, en 1973. Au cours de cette période charnière que constitue la seconde moitié des années 1970 pour la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, il intervient régulièrement dans les médias pour témoigner de son expérience et de sa trajectoire. Mais ces interventions d’Henri Frenay, qui incarne une Résistance anticommuniste ayant pu s’accommoder pendant quelques temps du régime de Vichy, ne vont pas sans déclencher d’importantes polémiques. La première concerne la révélation du texte du premier manifeste de Frenay, rédigé à l’automne 1940, qui place la création de son Mouvement de libération nationale (MLN) sous l’autorité du maréchal Pétain. Cette démarche n’est pas comprise hors de son contexte, alors qu’une vision manichéenne de la période de l’Occupation s’est imposée après la guerre, consistant à opposer pétainistes et résistants. La seconde éclate lorsque l’ancien chef de Combat, qui a toujours considéré que la Résistance avait été « confisquée » par de Gaulle, tentera maladroitement de régler ses comptes avec Jean Moulin en l’accusant d’avoir été « cryptocommuniste ».

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