Le syndicaliste Christian Pineau témoigne sur la naissance des syndicats clandestins en 1940

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 04 août 1976 | Date d'évènement : Décembre 1940

A l’automne 1940, Christian Pineau décide de rompre avec le régime de Vichy qui prépare une Charte du travail n’autorisant que des syndicats officiels. Avec Robert Lacoste, il rédige en novembre un manifeste du syndicalisme français pour s’opposer à la politique du ministre du Travail René Belin.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Chroniques du temps de l'ombre, 1940-1944
Date de l'évènement :
Décembre 1940
Date de diffusion du média :
04 août 1976
Production :
INA
Page publiée le :
29 oct. 2019
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000003446

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays occupés, la Résistance en France ne prend pas pour cadre les formations politiques ou syndicales traditionnelles, qui ont éclaté sous le coup des ralliements à Vichy. Si le nouveau régime supprime les confédérations, les syndicats se maintiennent dans les différentes branches économiques, mais ils sont étroitement contrôlés par le pouvoir en place et deviennent donc des organisations « officielles » chargées de servir le gouvernement et sa politique de Révolution nationale. Vichy prépare sur ce plan dès l’automne 1940 une « Charte du travail » qui se donne pour objectif de créer des syndicats uniques et obligatoires. Elle sera promulguée en octobre 1941.

Des personnalités syndicales de premier plan se sont ralliées à Vichy, jusqu’à occuper les postes les plus importants au sein du nouveau régime, à l’image de l’ancien responsable de la CGT René Belin qui devient ministre du Travail en juillet 1940. C’est lui qui décide de dissoudre les confédérations syndicales, par un décret du 9 novembre 1940, pour favoriser une politique corporatiste sensée unir patrons et salariés. C’est en réponse à cette décision que certains syndicalistes prennent leur distance avec le régime de Vichy. Christian Pineau, un ancien collaborateur de Léon Jouhaux qui a également occupé avant la guerre la fonction de secrétaire du conseil économique de la CGT se rapproche de Robert Lacoste, secrétaire de la fédération des fonctionnaires CGT. Les deux hommes sont à l’initiative d’un texte rendu public le 15 novembre 1940 et titré « Principes du syndicalisme français », connu également sous le nom de « Manifeste des Douze » car signé par douze syndicalistes responsables de la CGT et de la CFTC. Ce texte condamne la nature autoritaire du nouveau régime, sa politique répressive, antisociale et sa législation antisémite (le premier statut des juifs est adopté début octobre 1940). Il pose les bases d’une résistance syndicale. A la même période, Christian Pineau participe également à la création du mouvement Libération Nord, qui deviendra l’un des principaux mouvements de zone occupée, recrutant majoritairement dans les milieux syndicalistes et socialistes de la gauche non-communiste.

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

Dans ce témoignage, pour la série d’émissions d’Armand Panigel, Ce jour là j’en témoigne, chroniques du temps de l’ombre 1940/1944, sur les conditions de la réalisation du manifeste du syndicalisme français dont il est à l’initiative, Christian Pineau évoque la profonde déstabilisation du monde syndical au lendemain de la défaite, provoquée notamment par la nomination d’un ancien dirigeant de la CGT, René Belin, comme ministre du Travail. En réalité, les organisations syndicales étaient déjà très affaiblies en 1940 par une série de crises internes, une profonde division entre tendances communiste et anticommuniste, un pacifisme dominant mis à mal tout au long des années trente par la montée des périls en Europe. Christian Pineau ne le dit pas mais « munichois » en 1938 et appartenant à la tendance anticommuniste « Syndicats » au sein de la CGT,  il a été proche de René Belin. Il prend ses distances au cours de l’été 1940 lorsque René Belin accepte de devenir ministre du Travail du gouvernement de Vichy, apportant son soutien à un régime qui révèle rapidement sa nature autoritaire, antisociale et qui pratique une politique d’exclusion.

Contrairement à ce qui est dit de façon rapide et simplifiée par Christian Pineau dans ce témoignage, le régime de Vichy n’a toutefois jamais supprimé totalement les syndicats, qui continuent de fonctionner tout au long de l’Occupation et tentent notamment de porter des revendications autour du ravitaillement ou des réquisitions de main d’œuvre pour le Reich. Seules les confédérations syndicales ont été interdites par le régime. Si elle apparaît symbolique d’une tentative permettant d’incarner une résistance syndicale à l’égard du régime de Vichy, la rédaction du "Manifeste du syndicalisme" en novembre 1940 aura toutefois des conséquences limitées. Elle ne débouchera pas véritablement sur l’organisation d’une résistance syndicale proprement dite. Les militants syndicaux désireux de s’engager dans la Résistance rejoindront davantage des mouvements (notamment Libération nord en zone occupée) et des réseaux plutôt que des syndicats. Deux représentants des organisations syndicales (Louis Saillant pour la CGT et Gaston Tessier pour la CFTC) siégeront néanmoins au sein du Conseil national de la Résistance institué en 1943, illustrant ainsi une participation du monde syndical au « gouvernement clandestin » de la Résistance.

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