Hélène Viannay évoque les débuts du mouvement Défense de la France

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 01 janv. 2002 | Date d'évènement : 1940

Étudiante à la Sorbonne à Paris en 1940, Hélène Viannay décide, dès l’été 1940, de faire quelque chose contre l’occupation allemande. À la suite de sa rencontre avec Philippe Viannay, étudiant en philosophie, elle participe à la création d’un journal clandestin, Défense de la France.

Niveaux et disciplines

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Mémoires de résistants
Date de l'évènement :
1940
Date de diffusion du média :
01 janv. 2002
Production :
INA
Page publiée le :
29 oct. 2019
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000003452

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

Hélène Mordkovitch est, avec son futur époux, Philippe Viannay, la fondatrice en 1940 de l’un des premiers journaux clandestins de la zone occupée, qui atteindra à la guerre les tirages les plus importants de la presse clandestine. Fille d’une Sibérienne menchévik réfugiée en France et d’un père caucasien qui avait combattu dans l’armée française en 1914-1918 avant de retourner en Russie devenue communiste, elle est sensibilisée très tôt au danger du nazisme et refuse immédiatement la défaite en 1940. Le discours de Pétain annonçant l’arrêt des combats et le choix de l’armistice la révolte profondément.

À la rentrée universitaire de 1940, elle travaille comme assistante du professeur Léon Lutaud et s’occupe du laboratoire de géographie pour financer ses études. C’est dans ce laboratoire qu’elle fait la connaissance de Philippe Viannay. Si Hélène deviendra deux ans plus tard son épouse, elle se montre dans un premier temps réservée à l’égard de cet agrégatif en philosophie qui se révèle être un très mauvais élève en géographie et ne cache pas une certaine admiration pour le maréchal Pétain. Une atmosphère anti-allemande règne au laboratoire de géographie, avec des discussions animées entre étudiants. Philippe cherche à impressionner par des exhortations patriotiques et de longs discours sur son refus de la défaite et sa volonté de lutter contre l’occupant. Mais cette attitude agace Hélène, qui de son côté, a commencé à rédiger avec quelques-unes de ses amies étudiantes des tracts appelant à aider les Anglais.

À l’occasion d’une excursion géographique sur le terrain organisée en région parisienne pour l’ensemble des étudiants inscrits au cours de géographie physique, à la fin de l’automne 1940, Philippe Viannay se lance dans une énième péroraison. Hélène le met face à ces contradictions, lui reprochant ouvertement son inaction, son absence de projet concret, son refus de partir en Angleterre. Pour ne pas perdre la face, l’étudiant lance alors à sa camarade qu’il est plus difficile d’agir en France que d’aller à Londres. Il lui propose, dans une forme de défi, de créer un journal clandestin. Tout en ayant conscience du risque considérable de l’entreprise, Hélène lui donne son accord après quelques jours de réflexion. Philippe Viannay et Hélène Mordkovitch sont rapidement rejoints dans leur entreprise par un ancien camarade de l’étudiant en philosophie, Robert Salmon. C’est lui qui trouve le nom du futur journal, Défense de la France. Pour permettre à leur petit noyau de se développer, chacun des membres du trio initial, Philippe Viannay, Robert Salmon et Hélène Morkdovitch, s’efforce de recruter des volontaires dans leur entourage amical ou professionnel, essentiellement le milieu des étudiants parisiens.

Au cours du printemps 1941, l’équipe s’attelle à la réalisation du premier numéro de Défense de la France. Des rencontres sont organisées à la Sorbonne, à la fin des cours, ou au domicile de certains membres de l’organisation naissante, pour réfléchir au contenu des articles. Le premier numéro paraît en août 1941. Il est tiré à 3 000 exemplaires. À la fin de la guerre, Défense de la France atteindra le plus fort tirage de toute la presse de la Résistance, avec 450 000 exemplaires. Grâce à la formation de certains de ses membres à la typographie et à l’usage d’un matériel d’imprimerie qui lui est propre, ce journal sera l’un des rares de la presse clandestine à disposer d’une entière autonomie dans la fabrication, l’impression et la diffusion.

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

Le témoignage d’Hélène Viannay est intéressant pour montrer l’état d’esprit qui règne au lendemain de la défaite, rappelant que beaucoup autour d’elle, y compris dans les milieux étudiants, faisaient plutôt confiance au maréchal Pétain, voire s’accommodaient de la défaite et de l’Occupation. Il permet de montrer aussi comment les premières initiatives de jeunes qui se lancent dans la Résistance constituent le plus souvent des défis quelque peu inconscients, voire bravaches. En lui proposant de se lancer dans la création d’un journal clandestin, Philippe Viannay cherche indéniablement à impressionner et séduire une jeune femme qui jusque-là ne lui prêtait guère d’attention, se moquant même de son inaction depuis la défaite malgré les nombreuses paroles patriotiques qu’il pouvait tenir.

La trajectoire d’Hélène Viannay permet de rappeler enfin le rôle souvent méconnu des femmes dans les premières organisations de résistance. Des femmes ont en effet joué un rôle important dans la plupart des mouvements naissants, comme le montrent les exemples de Germaine Tillion ou d’Agnès Humbert pour le réseau du Musée de l’Homme. Au sein de Défense de la France qu’elle a contribué a fonder avec son futur époux, Hélène Viannay sera également rejointe par de nombreuses camarades comme Charlotte Nadel, Génia Deschamps, Geneviève Bottin et Marianne Réau. Mais Hélène Viannay rappelle aussi que la division du travail est entièrement sexuée, témoignant des mentalités de l’époque. Les hommes s’occupent de la partie la plus intellectuelle, la rédaction des articles, les femmes des tâches plus pratiques, notamment la transcription des textes à la machine et la diffusion du journal.

Ce témoignage fait partie de la collection « Mémoires de résistants » réalisée en 2002 sous l’égide du réalisateur Henri Rolland Coty, résistant, déporté. Cette collection est consultable en ligne sur ina.fr.

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