Le courant d'Huchet

24 juin 1997
05m
Réf. 00050

Notice

Résumé :

Découverte du courant d'Huchet au fil d'une rencontre avec les bateliers qui transportent sur leur galupe les visiteurs dans le respect de la nature, de la présentation des principaux sites de la réserve par son président Jean-Louis Labèque, et de celle de l'œuvre du photographe Emilie Vigne rassemblée dans le livre Emile Vignes, photographe des Landes.

Type de média :
Date de diffusion :
24 juin 1997
Source :

Éclairage

En Marensin, entre Pays de Born et Maremne [1], le courant d'Huchet constitue l'un des sites touristiques naturels les plus anciens et les plus célèbres de la côte landaise. Mis en valeur dans le contexte de la création de la Côte d'Argent [2], il attire depuis une centaine d'années des milliers de touristes.

Exutoire naturel de l'étang de Léon, ce cours d'eau très particulier, rejoint l'océan après un parcours discret dans le secret d'une forêt-galerie [3].

C'est cet univers que présentent avec passion la trentaine de bateliers qui convoient les visiteurs durant toute la saison estivale dans des barques à fond plat appelées galups ou galupas. Malgré l'effort physique qu'impose les manœuvres à la rame sur un dénivelé de sept mètres, ils s'accordent tous sur le plaisir associé à leur mission, sur la beauté de ce lieu étrange, toujours recommencé. "Ambiance de batelier", confie l'un d'entre eux...

Les Landes comptent de nombreux cours d'eau, d'autres forêts-galeries [4] ; chacun a sa spécificité mais aucun n'offre un tel dépaysement, aucun ne crée l'effet de surprise de cet endroit qui fut dénommé la "petite Amazonie landaise".

Que ce soit Dédé Labadie, le doyen des bateliers ou ses plus jeunes compagnons, ils "participent" tous du lieu, ils en sont habités. Le modeste cours d'eau, encaissé dans les dunes vives de sable fin, recèle effectivement des merveilles. Elles émanent de la délicate alchimie du monde aquatique mouvant, sauvage, indécis, associé à un milieu végétal exotique de ce biotope très particulier. Là est tout le charme et l'originalité d'Huchet (Uishet en gascon), "porte de sortie", lien ténu entre la terre des hommes et l'autre monde, celui des eaux infinies.

La promenade commence sur les ondes calmes du lac, bloqué derrière le cordon dunaire, oasis sereine bornée par la frange plus sombre des pins : un lieu déjà exceptionnel par la richesse de la flore qui associe, dans une harmonieuse compagnie, myriophylles, nénuphars jaunes et blancs, toutes sortes de roseaux, de scirpes et une lombélie ; les plantes habituelles de la lande humide sont ici associées à des espèces rares et protégées comme la drosera, la bruyère de Lusitanie, le rubanier, le piment royal et des saules à feuilles d'olivier.

Dans le chenal ourlé d'osmondes royales, une végétation luxuriante contraste ensuite avec les plantes du milieu dunaire. Gaulis de chênes pédonculés, aulnes glutineux, saules cendrés et marsault, frênes, trembles, aubépines, aubiers et bourdaine constituent l'écrin végétal du courant dominé par la cime des pins, exhaussés au sommet des dunes, dont la voûte, noyée dans la lumière, est suspendue entre ciel et terre, là haut, à des dizaines de mètres de ce monde caché. Mais on passe de l'enchantement à l'émerveillement quand surgissent, au détour d'un méandre, au milieu des plantes halophytes communes (chanvre d'eau, menthes aquatiques, renoncules flammettes et laîches) de grands cyprès chevelus, rapportés jadis de contrées lointaines, qui dominent les berges.

Le courant d'Huchet, c'est aussi et surtout, pour les spécialistes, un merveilleux conservatoire d'espèces rares tels l'hibiscus rose, l'oenanthe, le lis des sables et le séneçon en arbre : "Une mosaïque de peuplements floristiques conditionnée par l'hétérogénéité topographique et sédimentologique du lit majeur de la rivière", enrichie ici par l'influence maritime [5].

Le cot de la Montanha [6], domaine des tourbières à sphaignes, annonçant la  forêt-galerie et enfin le marais dit de la Pipe au pied du cordon dunaire, propriété d'État gérée par l'ONF, se partagent donc cet univers particulier.

Le grand photographe Émile Vignes (1896-1983), de Castets, a magnifié la beauté sauvage de ces lieux, sur ses clichés en noir et blanc qui racontent l'authenticité d'une Lande antérieure aux grandes mutations de l'Après-Guerre. Les éditions Confluences en ont fait un heureux florilège avec la complicité de Josette Larrègue (1927-2006), passionnée par l'histoire locale [7].

[1] Le pays de Maremne (Maritimus pagus dans les actes médiévaux), en bordure de l'Océan, tire son nom de l'adjectif latin maritimus, "maritime", qui évolue régulièrement en Maremne (masc.) en gascon. Le Born traduit également la position de ce territoire, "aux limites, aux bornes" entre terre et mer, dernier avatar de l'archevêché de Bordeaux, tandis que Marensin, pour avoir un lien certain avec la mer, relève d'un étymon non assuré.

[2] Expression inventée, en 1905, par le journaliste et "sportman" bordelais, adepte des plages atlantiques, Maurice Martin.

[3] La forêt-galerie ou ripisilve est constituée d'une voûte de feuillus abritant les cours d'eau.

[4] La Leyre et le Ciron, entre Gironde et Landes, coulent aussi sous une forêt-galerie constituant un biotope particulier, dernier refuge d'espèces protégées.

[5] Collectif, Encyclopédie Bonneton : Landes, Paris : éd. Bonneton, juin 2001, 320 pages.

[6] Littéralement le "coin de la montagne", c'est-à-dire le secteur situé à l'est du cordon dunaire, du côté du lac. La "montagne" (montanha) désigne ici, et sur toute une partie de la côte jusqu'au bassin d'Arcachon, la forêt de pins poussant sur le cordon de dunes en arrière des dunes vives ; à Biscarrosse et à La Teste, c'est une forêt usagère dont les statuts remontent à l'époque médiévale.

[7] Collectif, Émile Vignes photographe des Landes, Bordeaux : éd. Confluences, 1997, 96 pages.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

(Musique)
Journaliste
Bonsoir et bienvenue à bord de l’une des embarcations qui, chaque jour, amènent les touristes dans un monde merveilleux, un monde paisible et préservé, celui de la nature encore vierge. Nous sommes sur le courant d’Huchet, un des sites aquitains qui sera parmi les plus fréquentés durant la saison estivale qui commence. L’histoire aussi de ces bateliers aux bras musclés qui font partager leur passion pour ce milieu 100 % naturel. C’est ici dans les eaux du lac de Léon que commence l’aventure sur le courant d’Huchet. Quelques coups de rames et ces galupes, sorte de petites gondoles à fond plat, filent au gré de l’eau et du vent vers l’océan. Mais malgré les apparences, pour la trentaine de bateliers du courant d’Huchet, cette ballade n’a rien de paisible.
Henri Renivier
Déjà la partie sur le lac que nous traversons, c’est assez difficile surtout les jours de vent. Quand le lac est relativement calme, si vous voulez, c’est assez facile de ramer, je dirais malgré que ce soit pénible. Mais le plus dur, c’est la remontée que nous faisons en ce moment. Remonter le courant, c’est assez pénible. Bon, quand la barque est chargée de 6 personnes, il faut remonter. Il faut savoir qu’il y a 7 m de faux niveau entre le lac et l’océan. Donc, nous devons descendre de 3 bons mètres quand nous faisons des promenades de 3 heures quoi.
Intervenant 1
Là, vous allez voir à droite, vous allez voir une ombrière et des petits glaïeuls sauvages. Là, ils commencent à être en fleurs là. Vous voyez là ?
Journaliste
Dans ce paysage où l’homme n’est jamais intervenu que pour s’assurer un passage minimum pour une barque, l’on s’imagine tour à tour un Afrique équatoriale ou dans la forêt amazonienne. Une végétation exotique qui fait le bonheur des visiteurs et que les bateliers veulent à tout prix respecter et sauvegarder. Ainsi, aucun moteur ne peut être envisagé pour la propulsion des bateaux.
Intervenant 1
Plus ça va, plus on y passe, plus on essaie de la protéger au maximum quoi. Malgré que bon, il faut y venir, il faut y être présent, il faut… il y a des jours où on dort pas beaucoup mais on vient dans le courant pour justement retrouver cette ambiance, cette mentalité de batelier quoi.
(Bruit)
Intervenant 2
On se croirait quand nous étions en Amazonie. C’est beaucoup plus varié que dans le marais poitevin parce que dernièrement, il y a deux ans on avait fait le marais poitevin. C’est moins monotone. On pense un peu à notre marinier qui doit faire pas mal d’efforts pour nous remonter.
Journaliste
Et vous madame ?
Intervenante 1
Oh, c’est très bien, très joli. C’est reposant.
Intervenant 2
On est surpris aussi.
Intervenante 1
On a une promenade agréable.
Journaliste
Sur les 14 km du courant, à la rame, à la pagaie, ou à la perche, ces amoureux de la nature que sont les bateliers d’Huchet transportent de la sorte près de 50 000 touristes chaque été.
Henri Renivier
Cette nature, on l’aime. Tous les jours, un arbre on le regarde. On est obligé. Vous allez me dire on y passe dessous. Mais un arbre qui a bougé de 10 cm, tous les bateliers vont le voir. On est observateurs, le moindre petit détail, on s’en aperçoit.
(Musique)
Jean-Louis Labèque
Il y a trois sites principaux dans la réserve naturelle du courant d’Huchet. On peut dire qu’il y a le Cout du Moutagne, c’est une tourbière à sphaigne qui est réaménagée par la Fédération de Chasse et les chasseurs bénévoles de Léon. Ensuite, vous avez la forêt galerie qui correspond au courant d’Huchet lui-même, et l’autre partie le marais de la pipe, et tout le cordon dunaire et la forêt de protection qui est propriété d’Etat et gérée par l’ONF.
(Musique)
Journaliste
Grand témoin de son époque, Emile Vignes a trouvé dans le courant d’Huchet matière à exprimer son art de la photographie. Il vient de sortir, aux éditions Confluences, un ouvrage rassemblant l’essentiel de son œuvre faite de cartes postales, photos de famille et scènes de la vie landaise dans le siècle.
Josette Larègue
Après la guerre, vous savez il y a toujours beaucoup de mariages, beaucoup de naissances. Il photographiait tous les mariages, les bébés qui venaient de naître, les équipes de rugby, les associations, les pompiers. Tout y passait. C’était le photographe, l’iconographe de la vie quotidienne, vous voyez ? qui se déplaçait en vélo. Après, il avait une auto, pour aller photographier les mariages. Et là, il voyait les paysages. Et tout d’un coup, il voyait un lever de soleil, un coucher de soleil, un rayon à travers les pins. Paf, il s’arrêtait et il prenait l’image. Alors, il en prenait trois ou quatre, puis après il choisissait. Vous voyez comment est née la carte postale ? Il mesurait 2 m. C’est pour ça qu'un écrivain des années 20 ou 30 avait dit que la nature l’avait doté de grandes jambes qui étaient des échasses naturelles pour mieux parcourir la Lande.
(Musique)
Journaliste
Le courant d’Huchet à la une d’un nouveau venu dans les kiosques, Course landaise; l'ortolan s'offre lui au sommaire du numéro 1 de ce Landes Magazine qui se propose de passer en revue toutes les facettes du patrimoine landais.