La mine de lignite d'Arjuzanx

19 octobre 1971
06m 42s
Réf. 00210

Notice

Résumé :

Sur le site d'Arjuzanx, l'entreprise EDF exploite, depuis plus de 10 ans, le gisement de lignite le plus important de France. 8500 tonnes sont extraites quotidiennement pour alimenter les chaudières de la centrale thermique. Présentation des moyens mis en œuvre pour l'extraction du charbon de terre et rencontre avec le directeur de la centrale, monsieur Turpin.

Date de diffusion :
19 octobre 1971
Source :

Éclairage

C'est à compter de 1958 que, dans le secteur d'Arjuzanx, canton de Morcenx, est programmée la mise en exploitation par EDF de l'important gisement de lignite [1] pour alimenter une centrale thermique. Ce charbon de terre, certes de moindre qualité que la houille, est fort précieux tout de même dans le contexte économique d'une France avide de consommation d'électricité qui est cependant de plus en plus assurée par les thermocentrales brûlant des hydrocarbures en cette époque du "tout pétrole". Le lignite a été repéré dans les Landes de Gascogne dès les années 1925-1929, si bien que le gisement d'Hostens, au sud de la Gironde, est exploité de 1930 à 1959, au départ avec du matériel allemand acheminé de Sarre au titre des réparations imposées par le Traité de Versailles.

Dans les Landes, le petit pays du Brassenx est bouleversé par l'immense excavation qui progresse de part et d'autre de la route départementale n°38 filant de Morcenx vers Mont-de-Marsan. Entre les confins de Villenave et Beylongue au sud et les marais du Platiet au nord, de grandes dragues d'extraction, telles d'immenses "sauterelles" mécaniques à jamais rassasiées, dégagent de leurs roues à godets les sables argileux de surface. Ces morts-terrains doivent être enlevés et déplacés [2] afin d'acheminer le brun combustible vers les foyers de l'usine électrique au moyen d'une machinerie complexe de pelleteuses et de tapis-roulants.

Décor, sinon ambiance assurée d'un grand chantier du temps de la Reconstruction [3] et des premiers plans quinquennaux "à la française"... L'ingénieur-directeur de l'entreprise publique donne des chiffres. Les ouvriers, conscients de participer à l'effort national, débordent assurément d'enthousiasme à l'appel de la sirène rythmant la vie de ce grand chantier qui a bouleversé la lande comme en témoigne une saisissante vue aérienne.

En 1964 la puissance installée de la centrale est doublée (250 MW au total). Une dizaine d'années plus tard, les chocs pétroliers de 1973 et 1979 suscitent pour les employés d'EDF, "mineurs" ou techniciens de la production électrique, l'espoir de voir se prolonger l'activité de la centrale ; mais un tournant définitif est pris en mars 1987 avec la décision de programmer la fin de l'activité. De 1959 à 1992, où se clôt la vie de la centrale, 32,5 millions de tonnes de lignite ont été extraits, avec un volume de 200 millions de m3 de morts-terrains.

[1] Ressources minérales du sol et du sous-sol des Landes de Gascogne, Actes du colloque de Brocas, 24-25 mars 2000, Travaux et colloques scientifiques du Parc naturel réginonal des Landes de Gascogne, n°3, 2001.

[2] Dès 1980, EDF s'engage, avec le concours de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, à réhabiliter de façon exemplaire la très grande friche industrielle qui se profile. Faite de vastes étendues d'eau, c'est désormais une réserve naturelle de 2 600 hectares.

[3] La Reconstruction de la France après la Deuxième Guerre mondiale va, en gros, de 1945 à 1960. Elle se caractérise surtout par la politique interventionniste et très volontariste de l'État ; nationalisations (charbonnages, gaz et électricité notamment), "sécurité sociale" et planification indicative en sont les illustrations les plus significatives.

Jean-Jacques Fénié

Transcription

Journaliste
Cet univers est de notre temps et il a sa raison d’être. Nous sommes dans les Landes, à Arjuzanx aux abords de la centrale de l’EDF qui exploite le gisement de lignite le plus important de France. Et l’argile ici chemine nuit et jour pour dégager le minerais tonne après tonne.
(Bruit)
Inconnu
Allo la [incompris] j'écoute. Ici la tour, est ce que vous m’entendez bien ? Je vous entends très bien. Bon ! Où c’est que vous en êtes du point de vue passe, à quelle passe êtes-vous ? Nous sommes en 2ème passe intermédiaire. Est- ce que vous avez de l‘argile dans le [incompris] ? Oui, il y a de l’argile, oui là ! C’est de l’argile bleue ou de l'argile rose ? C’est de l’argile bleue là. Au dessus vous avez toujours du sable ? En gros, il y a toujours du sable là !
Journaliste
Bien Monsieur [Klaus], ce gisement de lignite est en exploitation depuis combien de temps ?
Klaus
Depuis 1960 environ, vers fin59 début 60.
Journaliste
C’est une mine à l’air libre comme on le voit, c’est une mine qui pose un problème de déplacement.
Klaus
Oui, il s’agit d’extraire le lignite qui est enfoncé 20 mètres sous le sol, et le problème consiste à sortir la terre au dessus du lignite et à déposer cette terre dans les zones qui ont déjà été [incompris]. Pour une tonne de lignite sortie de la mine, il faut sortir environ 10 tonnes de terre. Le recouvrement moyen étant de 5 c'est-à-dire il y a 5 fois plus d’épaisseur de terre que de lignite et la terre a environ 2 de densité en place tandis que le lignite n’a que 1,1 de densité.
Journaliste
Et pour cela, vous envoyez des machines qui sont absolument colossales, on appelle ça je crois des roues-pelles, ça pèse combien ?
Klaus
Une roue-pelle, telle que celle que vous pouvez voir pèse 1500 tonnes, et elle débite à peu près 1500 m3 à l’heure, soit environ 2 fois son poids à l‘heure. Alors, pour la terre, du point de vue convoyeur, nous en disposons de 6km et demi de convoyeurs. Ce sont là aussi des convoyeurs de très gros débit, donc il existe assez peu d’exemplaires en France, ce sont des convoyeurs capables de 8000 tonnerres. C'est des convoyeurs qui marchent à 5 mètres 50 seconde c'est-à-dire environ 20km à l‘heure en chiffre rond et qui font 1 mètres 80 de large.
Journaliste
Et 6km 500 plus loin, une sauterelle rejette l‘argile que des bulldozers aplanissent. Tout ce terrain sera plus tard reboisé ; et en 30 ans 1800 hectares auront été ainsi bouleversés. Tout cela pour extraire quotidiennement les 8500 tonnes de lignite, nécessaires à l’alimentation des chaudières de la centrale. L’extraction du lignite se fait à l‘aide de drague, d’un poids encore respectable ; chacune pèse 700 tonnes et 2 hommes seulement suffisent pour en diriger une. Rendement pour chaque drague 400 tonnes à l’heure et l’on travaille ici 24h/24. Tout comme l’argile, le lignite extrait est envoyé sur ces tapis roulants directement à la centrale sans manipulation humaine. Il va parcourir ainsi 2 km toujours à la vitesse de 20km /h, c’est dire qu’il lui faut tout juste depuis l’instant de son extraction 6 minutes pour arriver à destination. Monsieur [Turpin], vous dirigez cette centrale que devient à ce moment le minerai ?
Turpin
Le lignite déposé dans le silo intermédiaire est repris par 2 roues-pelles et est acheminé vers les silos d’alimentation des chaudières en passant par une station de concassage où les blocs sont réduits à une dimension maxima de 80 millimètres. Des silos des chaudières, le lignite tombe directement dans les broyeurs par les gaines de recyclage qui aspirent sur la chaudière des gaz chauds assurant le séchage du lignite. C’est la principale particularité de ces chaudières, qui sont prévues pour sécher le lignite juste avant sa combustion.
Journaliste
Et vous avez une puissance, à ce moment là vous distribuez quotidiennement, quelle quantité en quelque sorte d’électricité ?
Turpin
Les capacités de production sont assurées par 2 groupes de 60 mégawatts et un groupe de 125 mégawatts, c'est-à-dire une puissance totale de l’ordre de 240 mégawatts, puissance nette sur le réseau 220 à 230 mégawatts.
Journaliste
Ça représente par rapport à la région et à la France quel pourcentage ?
Turpin
La production totale annuelle avec la puissance totale de la centrale sera de l’ordre de 1 200 000 000 de kWh à 1 400 000 000 de kWh représentant environ à 1,2 à 1,5 % de la consommation totale et de l'ordre de 2 à 2,2 % de la production des centrales thermiques françaises.
Journaliste
Cette énergie ainsi créée va durant 30 ans aider à l’expansion du Sud-Ouest et à votre confort. A elle seule, comme le fait aujourd’hui la centrale [Enveitg], la centrale d’Arjuzanx suffirait en effet à alimenter totalement une ville de l‘importance de Bordeaux