Noëls de France

23 décembre 1948
38s
Réf. 00243

Notice

Résumé :

Perchés sur leurs échasses et vêtus de leur traditionnelle peau de mouton, les bergers landais parcourent la forêt de pins pour se rendre à l'église, célébrer la veillée de Noël.

Date de diffusion :
23 décembre 1948

Éclairage

Sur les terrains plats et humides en permanence, les bergers se déplaçaient ou restaient "au pit" (à leur poste) sur leurs échasses ; cela les isolait de l'eau, des épines des ajoncs et leur permettaient de voir plus loin et de plus haut leurs troupeaux.

La pratique des échasses par les bergers pour leur travail a disparu progressivement entre le milieu du XIXe et le début du XXe siècle. L'implantation de la forêt a asséché les marais, fait disparaître les pâturages et ainsi les moutons et leurs bergers. Il faut dire que les pasteurs n'étaient pas les seuls à se déplacer ainsi. "Sur cent vingt mille habitants vers 1800, nous ne pouvions guère additionner que trois mille cinq cents bergers, cinq mille à tout prendre. En fait, d'échassiers, tous les Landais l'étaient peu ou prou : les échasses ne servent pas seulement à surveiller les moutons, à voir venir mais aussi à porter des messages, à passer les bruyères mouillées et les routes inondées, à se signaler de loin, comme le télégraphe de M. Chappe, à chasser, à jouer [...]." [1]

Les échasses landaises (chanca prononcer "tchanca") sont constituées de deux pièces de bois : l'escassa (béquille, jambe en gascon) d'où vient le nom français "échasse" et le paousapè (repose-pied, étrier en gascon), fixé sur l'escassa, le plus souvent à une hauteur comprise entre 90 cm et 1 m 20. Une fois le pied calé, l'échassier attache l'échasse à son mollet grâce à deux lanières de cuir. Pour enlever ses échasses, on appuie son dos contre un mur (ou un arbre) et on pivote autour du long bâton. Une fois à terre, on défait le laçage.

La "prisa" est une pelisse en peau de mouton : "Cette "dalmatique" de toison, plus ou moins longue, plus ou moins raccourcie aux manches, les bouviers l'utilisaient aussi, et chaque enfant possédait sa peau de mouton qu'il réchauffait aux feux d'hiver pour, enveloppé de sa brûlure, y bien dormir." [2] Les pieds et les mollets sont aussi protégés du froid et des épines par des guêtres de peau.

Pour ne pas perdre leur savoir-faire, les Landais ont commencé à utiliser les échasses pour des jeux et des danses traditionnelles. Ainsi est apparu, en 1889, le premier groupe de danseurs sur échasses, fondé à Arcachon par Sylvain Dornon. Sa première danse fut "Lou Quadrilh dous Tchancats" ("Le quadrille des échassiers").

Une vingtaine de groupes, affiliés ou non à la Fédération des Groupes Folkloriques Landais, comprennent danseurs sur échasses et musiciens : Les Gouyats de l'Adour, basés à Dax ; Lous Tchancayres, à Mont-de-Marsan.

Les échasses permettent aussi un déplacement rapide, puisque les enjambées sont plus longues. Les raids d'échassiers prennent leur essor entre 1890 et 1900, par exemple : Bordeaux-Biarritz-Bordeaux (496 km) en 1892 [3], ou Bordeaux-Angoulême-Niort-La Rochelle-Bordeaux (525 km) pour 15 échassiers et 15 chevaux attelés. D'autres disciplines se font jour : la course vitesse (un tour de ville), le marathon et les exercices de virtuosité. Plus récemment, en 1985, un raid relie Bordeaux à Genève (716 km) en 11 étapes [4]. Le record de l'heure en 1997 est de 14,973 km [5].

La figure du berger étant attachée à la Nativité chrétienne, on voit comme un symbole la réunion de bergers arrivant de la nature profonde (la lande, puis la forêt de pins) pour la veillée de Noël en Grande Lande. Il s'agit de l'église Saint-Jean-Baptiste de Brocas (canton de Labrit), construite en 1930 par l'architecte Franck Bonnefous, de Mont-de-Marsan [6].

[1] et [2] MANCIET, Bernard, Le Triangle des Landes, Paris : Arthaud, 1981, p. 126-127.

[3] Le vainqueur, Pierre Deycard, ouvrier forestier, put s'acheter avec le prix une paire de bœufs, le "rêve de sa vie". (Cf. LASSERRE, Georges, Échassiers sportifs landais. 25 ans de courses, raids, exploits – 1971-1996)

[4] Le précurseur, Sylvain Dornon (1858-1900), avait relié Paris à Moscou en 58 étapes consécutives (2850 km), du 12 mars au 10 mai 1891.

[5] LASSERRE, Georges, Échassiers sportifs landais. 25 ans de courses, raids, exploits – 1971-1996, Lassalle, 1999.

[6] Cf. étude réalisée en 2008 par Jean-Philippe Maisonnave pour le Service régional du patrimoine et de l'inventaire.

Hubert Cahuzac

Transcription

Journaliste
L’espoir de Noël. Silhouettes penchées dans le soir des échassiers de Gascogne, des errants des marais et des Landes, qui une fois par an se retrouvent au porche de la chapelle du fond des terres.
(Musique)