Pop news : concerts punk à Mont-de-Marsan

14 septembre 1977
05m 30s
Réf. 00409

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Résumé :

Présentation en musique du festival punk de Mont-de-Marsan de 1977 et extrait du concert du groupe anglais The Maniacs qui interprète Me and you.

Type de média :
Date de diffusion :
14 septembre 1977
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Éclairage

Au premier abord, on pourrait s'imaginer à Haight Ashbury à la fin des années 1960 : le soleil au zénith, le camping sauvage, une atmosphère indolente, de jeunes gens en train de se prélasser sur les pelouses, quelques cheveux longs et pantalons larges à la mode hippie... Pourtant, comme l'indique l'inscription que l'on aperçoit furtivement sur la guitare d'Alan Lee Show, le chanteur des Maniacs, "This definitely ain't the summer of love". Phénomène underground à New York, devenu médiatique avec la scène britannique, le Punk est bien décidé à en finir avec les courants dominants du rock des années 1960, les utopies qui l'ont accompagné, ses prolongements dans le rock le plus sophistiqué ou le plus virtuose des années 70. La bande son de la séquence en témoigne : London's Burning des Clash (extraite de l'album The Clash sorti en avril 1977), Me and You des Maniacs (sur scène). Trois ou quatre power chords, une rythmique et des mélodies taillées à la serpe, des paroles qui se résument à peu près au seul titre de la chanson, en somme l'énergie brute du rock dépouillé de ses artifices.

Après être entrée dans l'histoire en accueillant le premier festival punk européen (21 août 1976), Mont-de-Marsan récidive avec une deuxième édition du festival ces 05 et 06 août 1977. Comme l'été précédent, il est organisé par Marc Zermati et son label Skydog Records, en collaboration avec l'association locale Piranhas. Au plus fort du festival on compte quelques 4000 spectateurs, essentiellement venus – selon les témoignages – de Grande-Bretagne, mais aussi de Suisse, d'Espagne, de Paris et d'Aquitaine [1].

En tête d'affiche figurent deux des trois groupes les plus influents de la première vague punk britannique : The Clash et The Damned (seuls les Sex Pistols manquent à l'appel). Les Damned étaient déjà présents à la première édition du festival en 1976, ils sont devenus depuis le premier groupe punk britannique à sortir un single (New Rose, Stiff, octobre 1976), un album (Damned Damned Damned, Stiff, février 1977), et à entrer dans les charts outre-manche. Les Clash viennent de signer avec la major CBS Records en janvier et de sortir leur premier album, The Clash. Les deux groupes sont déjà reconnus comme des piliers de la scène anglaise. Leur rivalité s'illustre dans l'épisode le plus pittoresque du festival de Mont-de-Marsan, relayé par l'ensemble de la presse rock de l'époque : après avoir tenté de saboter la performance des Clash à grands renforts de boules puantes et de jacks débranchés, Captain Sensible (des Damned) est énergiquement vidé de la scène par un roadie et ramassé inconscient par les secours [2].

On note également la participation du groupe anglais The Police, presque totalement inconnu du public jusqu'ici. Au festival il se présente exceptionnellement en quatuor, avec deux guitaristes : Sting, Stewart Copeland, Andy Summers et Henry Padovani. Quelques jours après leur passage au festival, ce dernier quitte le groupe et The Police se réduit à la formation en trio que l'on connaît [3]. Louis Bertignac et Corine Marienneau y font également une apparition au sein du groupe Shakin' Street, quinze jours avant que Téléphone soit signé par Pathé-Marconi et rencontre le succès dès la fin de l'année.

Au delà de ces groupes phares ou en devenir, la programmation du festival livre un instantané de la nouvelle scène rock des deux côtés de la manche, du pub rock (Eddie & the Hot Rods, Dr. Feelgood) au punk rock (The Clash, The Damned, The Maniacs, Asphalt Jungle), en passant par une variété de styles globalement influencés par les scènes underground new-yorkaises ou londoniennes de la fin des années 60 aux années 70. Le festival punk de Mont-de-Marsan met également en lumière la connection qui existe à l'époque entre la scène punk britannique et une scène punk française bien moins restée dans les mémoires.

Les concerts débutent le vendredi 05 août après-midi, devant un public clairsemé, avec deux groupes français : Strychnine (Bordeaux) et 1984 (Paris). L'essentiel de la programmation se poursuit à partir de 17h avec The Lou's, puis Asphalt Jungle, The Maniacs, The Police, The Damned, The Boys, The Clash, The Rings. Celle du samedi relève moins du punk en termes de style musical. Sur scène se succèdent le groupe Quidam, Brakamar, puis The Lou's (de nouveau), Shakin' Street, Marie et les Garçons, Tyla Gang, Little Bob Story, Eddie & the Hot Rods, Bijou. The Jam et Electric Callas étaient eux aussi prévus à l'affiche du festival et était présent sur les lieux, mais n'ont pas eu le temps de jouer avant qu'un orage ne mette fin au concert dans le courant de la nuit. Leur absence sur scène a été également mis sur le compte d'une organisation dépassée par les évènements, et qui a du bricoler l'ordre de passage des groupes jusqu'au dernier moment [4]. Le lendemain du festival (07 août), c'est au tour de Lou Reed d'entrer dans l'arène ; le concert est organisé par KCP et réunit près de 5000 personnes [5].

[1] Composition du public d'après le compte rendu d'Alain Pacadis, "White Flash / Eté Punk", Libération, 11 août 1977. Article reproduit dans Nightclubbing, p.261-264.

[2] Episode relaté notamment par Francis Dordor dans Best, octobre 1977, p.36.

[3] "Les arènes chauffées à blanc", article en ligne, www.sudouest.fr, 29 mai 2010.

[4] Un point abordé notamment par Francis Dordor, op. cit., p.36 : "L'organisation Skydog/Piranhas était visiblement dépassée par les évènements. [...] ils durent jouer serré sur l'échiquier du temps et déplacèrent plutôt anarchiquement les pions et les grosses pièces, sans pour autant tenir compte de ce que stipulaient les contrats."

[5] Stéphane Piétri, "Dieu sauve l'arène", Rock & Folk n°129, octobre 1977, p.54.

Bibliographie :

- DORDOR, Francis, "L'été Punk", Best, octobre 1977, p.32-37.

- DUMONTEIL, Serge, "Festival de Mont-de-Marsan : l'arène des punks...", Rock en stock n°5, septembre 1977, p.47-49.

- JACKSON, Brenda, et PONS, Alain, "Mont-de-Marsan, l'unique", Best, octobre 1976.

- LOGIVIERE, Régis, "Punk Landes", Rock & Folk n°117, octobre 1976, p.41/42.

- PIETRI, Stéphane, "Dieu sauve l'arène", Rock & Folk, octobre 1977, n°129, p.50-54.

- s.n., "Mont-de-Marsan II", Best, juillet 1977, p.11.

- s.n., "Tous à Mont-de-Marsan !", Best, août 1977, p.6.

- EUDELINE, Christian, Nos Années Punk : 1972-1978, Paris : Denoël, 2002.

- GRAY, Marcus, Last Gang in Town : The Story and Myth of the Clash, New York, Henry Holt & co, 1995.

- PACADIS, Alain, Nightclubbing / Chroniques et articles 1973-1986, Paris : Denoël, 2005.

- PACADIS, Alain, Un jeune homme chic, Paris : Delanoël, 2002.

- SAVAGE, Jon, England's Dreaming, St. Martin's Griffin, 2002.

Stéphane Escoubet

Transcription

(Musique)