40ème anniversaire de la première traversée française de l'Atlantique Nord

24 juin 1969
04m 59s
Réf. 00509

Notice

Résumé :

Commémoration à Mimizan du 40ème anniversaire de la première traversée française de l'Atlantique Nord, réalisée par Jean Assollant, Armand Lotti et René Lefèvre, à bord d'un avion de type Bernard, L'Oiseau Canari. Interview d'Armand Lotti qui revient sur cet exploit et sur l'embarcation d'un passager clandestin.

Date de diffusion :
24 juin 1969

Éclairage

En juin 1969, la commémoration du 40ème anniversaire de la première traversée sans escale de l'Atlantique nord par des aviateurs français à Mimizan, où ils avaient atterri, rappelle les grandes aventures de l'histoire de l'aviation. A l'heure où la France vient de se lancer dans l'aventure du Concorde, l'événement rappelle la tradition aéronautique française et celle des grandes épopées des pionniers, notamment le temps de l'aéropostale comté par Saint-Exupéry dans nombre de ses récits romancés.

L'avion utilisé, surnommé L'Oiseau Canari de par sa couleur jaune, est un avion français, le Bernard type 191GR dont trois exemplaires circuleront. Acheté par un passionné d'aviation, l'hôtelier parisien Armand Lotti, il est prévu pour de longs raids continentaux ou intercontinentaux. N'ayant pas eu l'autorisation de mener à terme l'expédition, l'Etat français ayant décider d'interdire toutes tentatives de traversée de l'Atlantique suite à de nombreux accidents dramatiques au cours de l'année 1928, le propriétaire, accompagné de deux pilotes, René Lefèvre et Jean Assollant, quitte Paris clandestinement en direction de Londres, puis se rend aux Etats-Unis. Le 13 juin 1929, ils décollent de la plage d'Old Orchard Beach au nord de Boston. Malgré une traversée houleuse et difficile, un premier atterrissage en Espagne après plus de 29 heures de vol, les aventuriers arrivent, le 16 juin, dans les Landes où ils sont accueillis en triomphe. La présence d'un passager clandestin dans l'appareil, Arthur Shreiber, qui a pu mettre en péril l'aventure, permet une médiatisation de l'événement.

Jean Assollant, Armand Lotti et René Lefèvre, contribuent après d'autres à lancer l'aventure aéronautique française, sous couvert d'un exploit qui sera à l'époque très populaire. L'aéro-club des Landes inaugure une stèle commémorative dès 1931 à Mimizan, et baptise la plage la plus proche de "plage des ailes", intégrant à son patrimoine mémoriel cette traversée et la commémorant chaque année.

Laurent Jalabert

Transcription

Journaliste
Le 14 juillet 1929, Jean Assollant, René Lefèvre et Armand Lotti, partis la veille de Old Orchard, plage située au nord de New York, réalisaient la première traversée française de l’Atlantique nord sur un avion français de type Bernard, l'Oiseau Canari. Dimanche à Mimizan, plusieurs manifestations commémoraient le quarantenaire de leur atterrissage sur cette plage. Tout d’abord la messe souvenir, célébrée dans la charmante église de Mimizan-Plage, où les personnalité étaient étaient venues nombreuses.
(Musique)
Journaliste
Puis, au monument aux ailes où Monsieur Armand Lotti qui accompagnait le maire de Mimizan, dévoila la plaque marquant la commémoration de l’exploit.
(Musique)
Journaliste
Le cortège officiel se dirigeait ensuite vers le nouvel aéroclub qui porte le nom des trois aviateurs, dont l’inauguration ce même jour était marquée par une fête aérienne. Mais revenons sur les lieux du monument aux ailes, où nous avions posé quelques questions à monsieur Lotti. Vous avez atterri précisément à Mimizan ce jour-là monsieur Lotti ?
Armand Lotti
Nous venions de l’Espagne à vrai dire.
Journaliste
Vous avez touché l’Europe en Espagne ?
Armand Lotti
Nous avons touché l’Europe en Espagne à 200 km d’ici, un petit pays qui s’appelle Comillas. Et alors, nous avons mis juste ce qu’il fallait d’essence pour atteindre Cazaux. Et nous sommes tombés en panne d’essence ici, ce qui prouve que nous n’étions pas loin d’en faire autant lorsque nous avons atterri en Espagne.
Journaliste
J’aimerais que vous nous parliez un petit peu du passager que vous avez emmené.
Armand Lotti
Oui, d’abord je voudrais dire combien j’ai été touché de l’accueil aujourd’hui ; et de voir que le premier acte de cette journée avait été mis par le Monsieur le maire au souvenir de Jean Assollant, c’était très émouvant. Je regrette aussi que mon camarade Lefèvre, qui lui est toujours vivant, qui vient de prendre sa retraite d’Air France n’ait pas pu être des nôtres. Mais enfin, la vie a ses nécessités. Vous me demandiez ?
Journaliste
Je voudrais que vous nous parliez un petit peu du passager clandestin que vous avez emmené.
Armand Lotti
Le passager clandestin oui, parce que le passager clandestin a beaucoup intéressé. Je dirais même qu’il a été, à l’époque, presque plus passionné que la performance en elle-même, bien que ce n’était pas encore courant. Eh bien, le passager clandestin s’est introduit d’une manière très simple. Nous étions deux avions, un Américain et un avion Français, qui prenions le départ. Et alors, il y avait deux groupes qui étaient retenus par un cordon de police. Et le jeune garçon, qui avait étudié son coup, avait tourné autour de l’avion, et puis s’était mélangé à la foule. Il avait eu un casque d’aviateur, une lunette d’aviateur. Et chaque groupe pouvait croire qu’il appartenait à l’autre. Ce qui fait que quand le mécanicien est monté pour vérifier le fonctionnement du moteur, l’ingénieur de chez Pioneer ; c’était la maison qui fournissait le compas gyroscopique ; il est monté tranquillement derrière, et puis il avait repéré son affaire et il a ouvert la porte, et il a pénétré dans la queue, il s’est caché dans la queue de l’avion. Personne n’a fait attention, et il n’est pas redescendu.
Journaliste
Alors, à quel moment vous vous êtes aperçu de sa présence ?
Armand Lotti
On s’en est aperçu quand nous avons décollé, parce que nous n’arrivions pas à décoller. Et il était assez impératif de décoller, puisque nous décollions d’une plage au bout de laquelle, il y avait une jetée de promenade qui s’avançait en mer. Il fallait donc choisir où la jetée, c’était délicat, la route à droite avec les maisons et la mer. Finalement Assollant a réussi à arracher l’avion juste à la limite du possible, mais nous volions dans des conditions très difficiles. C’est ce qu’on appelle un vol au deuxième degré. Vous voyez l’appareil flottait, il aurait suffi d’une perte de régime de quelques dizaines de tours du moteur ou bien d’un remous imprévu pour nous précipiter à l’eau. Fort heureusement au bout de quelques minutes, il s’est rendu compte qu’il était en l’air. Alors, il est sorti, je l’ai vu ouvrir la porte, et j’ai entendu une porte claquer et je l’ai vu devant moi. J’ai compris tout de suite ce dont il s’agissait. Mais c’était d’autant plus intéressant. D’abord, il n’y avait rien à faire, il était là, nous n’avions pas de parachute. C'est que l’avion, du fait qu’il avait quitté la place qu’il occupait, s’était recentré. Car je ne vous cacherais pas que 65 kilos qu’il pesait dans la queue, il décentrait dangereusement l’avion, si bien que l’avion s’était remis en ligne de vol. Et j’apercevais Assollant à travers le réservoir qui me faisait signe, ça monte, ça monte. Et alors, je suis allé leur expliquer pourquoi ça montait. Et Assollant qui était un peu sourd ne m’a pas entendu, mais quand je l’ai raconté à Lefèvre, je ne vous dirais pas ce qu’il a répondu. Mais enfin quand il a vu le bonhomme ça a été une autre histoire.
Journaliste
Pourquoi vous n’aviez pas pu atterrir ensuite ?
Armand Lotti
Parce que nous avions 4 000 litres d’essence et qu’il n’était pas question de ré-atterrir à nouveau pour nous écraser avec le carburant, ce qui fait que nous avons attendu. Si nous avions un parachute, on l’aurait équipé, on l’aurait renvoyé chez sa mère. Mais comme nous n’avions pas de parachute, nous l’avons gardé c’est tout. Ça nous a occasionné évidemment un poids supplémentaire à traîner et puis un certain retard.
Journaliste
Combien de temps a duré le voyage ?
Armand Lotti
28 heures 40.