Audience des maires des Pyrénées

18 mars 1944
35m 30s
Réf. 00532

Notice

Résumé :

18 mars 1944, le maréchal Pétain consacre une audience aux maires des départements de l'Ariège, du Gers, des Hautes et des Basses-Pyrénées afin que ces derniers expriment les difficultés rencontrées par leur commune. Parmi eux, le maire d'Aire-sur-l'Adour, représentant les Landes rattachées aux Basses-Pyrénées depuis 1940.

Type de média :
Date de diffusion :
18 mars 1944
Personnalité(s) :
Thèmes :

Éclairage

Le dialogue entre le maréchal Pétain et les maires de quelques-unes des villes des Landes, des Basses-Pyrénées, des Hautes-Pyrénées... est un document très rare et d'une grande valeur archivistique sur la personnalité du chef de la France de Vichy, à la fin de la Seconde Guerre mondiale (1944). Le rapport paternaliste qu'il cherche à entretenir depuis 1940 avec les édiles municipaux se dégage certes encore du dialogue. Mais, ses propos sont en décalage par rapport aux préoccupations d'une opinion de plus en plus soumise aux privations et qui cache de moins en moins son mécontentement face à la politique du gouvernement de Vichy et surtout contre l'occupation allemande. Préoccupé par les "événements en cours", évoquant "les actes de terrorisme", il fait allusion ici à la résistance, sur laquelle il paraît mal informé, et qui est pourtant de plus en plus active dans la région en cette année 1944. Les maquis, plus nombreux dans le Piémont pyrénéens, et dans la forêt landaise, agissent par le biais d'attaques ciblées contre l'occupant. Les maires de la zone, qu'il a lui-même nommés pour la plupart à son arrivée en 1940, le rassurent et lui affirment leur fidélité, mais ne cachent pas, pour une minorité d'entre eux, leurs inquiétudes, relayant ainsi l'état d'esprit d'une opinion lassée de la guerre.

Le plus souvent cependant, le dialogue dérive dans de longues digressions qui montrent l'incapacité du maréchal Pétain à répondre aux besoins des maires, et même à assumer sa fonction : hésitations, oublis, maladresses, tentatives d'humour douteuses, futilités... émaillent ces entretiens et révèlent la précarité de sa situation et la fragilité du pouvoir de la France de Vichy. Est-ce la marque d'un manque de lucidité ? Une difficulté à comprendre les réalités ? Une impuissance à répondre à des questions urgentes ? La marque d'une incapacité à agir face à l'occupant ? Pétain, tout en jouant là son rôle de chef de la France de Vichy, est en cette année 1944 totalement impuissant à affronter une situation qui lui échappe et sur laquelle il n'a plus aucune prise. Le décalage entre celui qui incarne ce qu'il reste de l'Etat français et la réalité de la France de l'année 1944 est criant. Pétain n'apparaît plus comme le vainqueur de Verdun, "l'image du sauveur" qu'il a incarnée en 1940 s'est considérablement effritée, il est un homme en perdition, à la tête d'un navire vichyssois en train de sombrer.

Laurent Jalabert

Transcription

(Bruit)
Inconnu 1
Présentez arme !
Inconnu 2
Monsieur le Maréchal de France.
(Bruit)
Philippe Pétain
Alors, voulez-vous me dire, me présenter chacun de ces messieurs, si vous les connaissez ! Et puis alors, je vous demande à tous, à tous, messieurs les maires, de me signaler ce qui se passe dans votre commune, enfin d’intéressant pour moi, et en particulier, les questions d’ordre. Je suppose que vous n’avez pas que des brigands chez vous. Il y a aussi des gens méritants, mais enfin, toutes les difficultés que vous avez, dites-les moi ! C’est ce que je désire savoir d’abord.
Intervenant 1
Monsieur le Maréchal, avant que vous ne voyez messieurs les maires individuellement, je peux vous donner cette assurance. Pour que vos soucis soient immédiatement apaisés, il y a beaucoup plus d’ordre que de désordre dans toutes les communes que représentent messieurs les maires.
Philippe Pétain
Bravo, ben, ça me fait grand plaisir.
Intervenant 1
Ils vous donneront tous une assurance de loyalisme, non seulement envers leur grande patrie, eux qui aiment tant leur petite, mais aussi envers votre personne, à vous Monsieur le Maréchal, qui représentez depuis 4 ans, la France et qui mettez un rayon de gloire dans nos ténèbres.
Philippe Pétain
Mais c’est parfait, je vous remercie beaucoup. Merci messieurs, de l’assurance que vient de faire le préfet.
Intervenant 1
Monsieur le Maréchal, voici, individuellement les Basses-Pyrénées, Monsieur Verdenal, conseiller national, Maire de Pau.
Philippe Pétain
Maire de Pau, on vous voit partout.
Intervenant 1
Il est avocat.
Philippe Pétain
Vous êtes Maire de Pau, vous êtes conseiller de tout enfin.
Pierre Verdenal
Vous avez beaucoup de confiance en moi, Monsieur le Maréchal, je vous en remercie !
Philippe Pétain
…quantité de chose.
Pierre Verdenal
C’est peu de chose, on le fait très volontiers. On aime servir sous vous, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Oui ! Vous n’avez pas, dites-moi un peu vos difficultés.
Pierre Verdenal
À Pau, Monsieur le Maréchal, à vrai dire, je n’ai pas de difficulté, j’ai une population excellente, et je ne peux rien vous signaler de mauvais dans ma commune. Je ne peux vous dire qu’une chose, c’est que la ville pense ce que vous avez vu qu’elle pensait quand vous avait fait l’honneur de venir à Pau. Elle est infiniment dévouée.
Philippe Pétain
Oui, je connais Pau, en effet.
Pierre Verdenal
Elle n’a pas changé, Monsieur le Maréchal, vous pouvez compter sur elle.
Philippe Pétain
C’est déjà quel département Pau ?
Pierre Verdenal
Les Pyrénées Monsieur !
Philippe Pétain
Pyrénées, oui.
(Bruit)
Philippe Pétain
La voilà.
(Bruit)
Philippe Pétain
Oui, Pyrénées. Alors, Monsieur Verdenal. Oui, vous êtes tout, j’avais remarqué. Conseiller national, conseiller départemental, Maire de Pau, puis, quoi encore, avocat.
Pierre Verdenal
On fait ce qu’on peut, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
On fait ce qu’on peut.
Pierre Verdenal
On pourrait le faire bien, je ne sais pas si on réussit toujours.
Philippe Pétain
Mais vous réussissez puisqu’on vous nomme partout. On ne peut pas se passer de vous, nulle part.
Pierre Verdenal
Rien ne peut me faire plus plaisir, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Ben, continuez comme ça.
Intervenant 1
Monsieur de [Charmida], le benjamin de la délégation, en même temps qu’adjoint au maire de Oloron.
Philippe Pétain
De ?
Intervenant 1
Oloron.
Philippe Pétain
Ah, Oloron. Je connais des personnes dans Oloron. Est-ce que, attendez ! Il n’y a pas un, à Oloron, un ambassadeur ?
Intervenant 1
Monsieur Bérard qui est à Oloron !
Philippe Pétain
Ben, c’est ce que je vous demande.
Intervenant 2
Nous revendiquons, Monsieur le Maréchal !
Intervenant 1
Tout le monde va le revendiquer.
Philippe Pétain
Si ce n’est pas Oloron, à quel endroit est-il ?
Intervenant 1
Il est dans l’arrondissement d’Orthez, et il est marié à Mauléon. Je dis ça parce que Monsieur le Maire de Mauléon me l’a revendiqué.
Philippe Pétain
Ah bon, mais il n’est pas d’Oloron ?
Intervenant 1
Il a des parents et des amis à Oloron, Monsieur.
Intervenant 2
Il est dans l’arrondissement d’Orthez.
Philippe Pétain
Ah ben, il remplit son rôle en Espagne. C’est d’ailleurs mon successeur en Espagne. Je lui ai préparé les voies.
Intervenant 1
Et voici alors monsieur le maire d’Orthez, Monsieur Daverat, aussi le département commerçant.
Philippe Pétain
Et qu’est-ce que ce département a de brillant en particulier.
André Daverat
Rien de particulier, Monsieur le Maréchal, j’étais chargé par deux groupes de jeunes filles, au moment du départ, de vous présenter leur salut le plus respectueux et le plus affectueux.
Philippe Pétain
De ?
André Daverat
Deux groupes de jeunes filles que j’ai vues au moment du départ.
Philippe Pétain
De jeunes filles ?
André Daverat
Oui, et je leur ai promis de faire la commission Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Bon, mais, qui sont-elles ?
André Daverat
Eh ben, des petites béarnaises, filles d’anciens combattants.
Philippe Pétain
Est-ce que ce sont des jeunes filles à marier ?
André Daverat
Mais oui, Monsieur le Maréchal. Elles sont toutes à marier.
Philippe Pétain
C’est un peu tard.
André Daverat
Elles sont toutes à marier, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Alors, vous direz que je suis tout de même très touché, très sensible à vos rappels qu’elles me font. Vous ne vous rappelez pas de leurs noms ?
André Daverat
Oh oui, mademoiselle [Quinguième], mademoiselle [Tachoire], mademoiselle, il y a une fille aussi.
Philippe Pétain
Dans le tas, il y en a une que je connais dans le tas.
André Daverat
Elles vous connaissent Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Oui, c’est bien. Alors, vous leur direz que je suis très sensible à leur souvenir.
André Daverat
Entendu Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Et que je vous ai chargé de le leur dire.
André Daverat
Très bien monsieur le Maréchal.
Intervenant 1
Maire de Mauléon, basque des Basses-Pyrénées.
Philippe Pétain
Maire de Mauléon, oui. Rien de particulier ? Vous avez eu aussi des jeunes filles qui m’aiment bien, qui…
Intervenant 3
Ah non, moi, je n’ai que des basques qui m’ont fait dire toute leur fidélité Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Oh, merci, vous n’avez pas de terrorisme chez vous ?
Intervenant 3
Non, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Non ?
Intervenant 1
[Inaudible]
Philippe Pétain
Si je posais la question à tous ces messieurs, qu’est-ce qu’ils me répondraient ?
Intervenant 1
Ils vous répondraient non avec sincérité.
Philippe Pétain
Vraiment, il n’y en pas dans ces régions-là ?
Intervenant 1
Dans ce côté-là, il n’y en a pas.
Philippe Pétain
Bon !
Intervenant 4
Moi, je suis [Inaudible] sur l’Adour, Monsieur le Maréchal. Je représente les Landes qui sont rattachées aux Basses-Pyrénées depuis 1940.
Philippe Pétain
Ah, les Landes, oui !
Intervenant 4
Rien de particulier. C’est tranquille.
Philippe Pétain
Ce sont des gens heureux alors.
Intervenant 1
Oui, plutôt, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Quand on n’a pas d’histoire, on est heureux.
Intervenant 4
On est heureux.
Philippe Pétain
Heureux ! Oui.
Intervenant 5
[Inaudible], Maire de Nay.
Philippe Pétain
Le maire de ?
Intervenant 5
De Nay, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Ça s’écrit comment Nay ?
Intervenant 5
N A Y ! Quelque fois, on dit Nay, mais nous sommes surtout du midi et nous tenons à nos consonances.
Intervenant 1
C’est un cultivateur.
Philippe Pétain
Hein ?
Intervenant 1
C’est un cultivateur d’un pays très agricole.
Intervenant 5
Oui, agricole et surtout industriel.
Philippe Pétain
Le village ?
Intervenant 1
Nay.
Intervenant 5
Oui !
Philippe Pétain
Ah, mais ce n’est pas sur mon cahier Nay, on l’a oublié ?
Intervenant 1
Je vous donnerai ça.
Philippe Pétain
C’est bien les Basses-Pyrénées ?
Intervenant 1
C’est les Basses-Pyrénées. Je vous donnerai cette liste Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Eh ben, vous n’y êtes pas, on vous a oublié ! On sera obligé de vous…
Intervenant 1
[Inaudible], il y est.
Philippe Pétain
Ah ah, ah oui, ah si, je le vois maintenant.
Intervenant 5
On a une population ouvrière.
Philippe Pétain
Oui !
Intervenant 5
Très ouvrière, en même temps paysanne.
Philippe Pétain
Eh bien, quelles espèces de travail fait-on à Nay ?
Intervenant 5
Eh bien, on fait de la bonneterie, on fait de l’ébénisterie, nous avons quelques artisans,
Philippe Pétain
Du meuble aussi ?
Intervenant 5
Du meuble, beaucoup de meubles. Bonne mentalité, Monsieur le Maréchal. Évidemment, au niveau de leur inscription, les gens sont un tout petit peu inquiet. Mais, enfin, bonne mentalité. Très fidèles,
Philippe Pétain
Ils sont inquiets pourquoi ?
Intervenant 5
Ah, eh bien, inquiets parce qu’on souffre tout de même un tout petit peu, comme tout le monde d’ailleurs.
Philippe Pétain
Oui, tout le monde, oui ! Et puis, alors, on est inquiet à cause des évènements dont nous sommes menacés aussi
Intervenant 5
Un tout petit peu aussi, un tout petit peu aussi mais on fait confiance,
Philippe Pétain
Et on prend patience.
Intervenant 5
Et on prend patience, j’en espère bien.
Philippe Pétain
J’espère bien que tout ça s’arrangera. Ça s’arrange toujours mais on ne sait jamais exactement dans quel sens.
Intervenant 5
Mais avec de la bonne volonté,
Philippe Pétain
Bien, il faut être prêt à recevoir les coups, mais surtout à en rendre des coups.
Intervenant 5
Oui !
Intervenant 1
Monsieur le Docteur Dubost, Maire de Garlin, conseiller départemental.
Philippe Pétain
Bon, et en tant que médecin, vous n’avez pas de difficultés ?
Dubost
Si, de grandes difficultés mais qui sont dues aux évènements, des difficultés de circulation à la campagne surtout.
Philippe Pétain
Il y a la circulation difficile.
Dubost
Très difficile !
Philippe Pétain
Ça doit vous gêner beaucoup ?
Dubost
Ça nous gêne énormément, en effet.
Philippe Pétain
Oui !
Dubost
Mais, heureusement que cela est compensé par un état de santé qui serait bon en général.
Philippe Pétain
Mais alors, il n’y a qu’une solution. C’est que les malades ne soient pas assez malades pour ne pas pouvoir venir chez vous.
Dubost
Oui, c’est la seule chose à faire.
Philippe Pétain
Alors, vous ne donnez que des consultations dans ces cas particuliers ?
Dubost
Il y a aussi, évidemment, revenir voir les malades aussi, mais enfin, beaucoup moins qu’on devrait le faire.
Philippe Pétain
Vous n’êtes pas obligé de vous déranger autant ?
Dubost
Oh si ! Oh si, on serait obligé de se déranger beaucoup mais on ne peut pas, malheureusement.
Philippe Pétain
Oh oui, d’ailleurs, les médecins sont toujours très consciencieux parce qu’ils considèrent qu’ils ont de graves responsabilités. Et ils les supportent très bien, heureusement.
Intervenant 1
Monsieur Mondinat, maire de Gan.
Philippe Pétain
Maire de ?
Intervenant 1
Gan !
Intervenant 6
Maire de la commune de Gan, située à 8 km de Pau, sur la ligne, elle traverse Plaigne et [Inaudible] sur une distance de 16 kilomètres. C’est une communauté où il y a 2500 habitants.
Intervenant 1
C’est la banlieue de Pau, banlieue maraîchère.
Philippe Pétain
Banlieue de Pau ?
Intervenant 6
Banlieue de Pau, oui !
Philippe Pétain
Le Maire de Pau, je l’ai vu ?
Intervenant 1
Le Maire de Pau, vous l’avez vu, le premier conseiller national.
Philippe Pétain
Oui, mais le Maire de Pau, tiens, j’ai oublié de lui raconter, quand je suis allé à Pau, la dernière fois, c’est vous qui m’y avez invité à entrer dans le château. Et vous m’avez dit que j’étais chez moi.
Pierre Verdenal
Vous êtes chez vous partout, Monsieur le Maréchal, mais d’autant plus que c’est un palais national.
Philippe Pétain
Oui, mais à la fin, je vous ai dit, est-ce que je peux entrer vous ai-je dit ? Et vous m’avez dit oui, vous êtes chez vous. Alors, il y avait une foule, derrière moi. Je me suis tourné vers elle : Il paraît que je suis chez moi, je vous invite tous à entrer ! Tout le monde nous a suivi.
Pierre Verdenal
Tout le monde a suivi. Et l’on souhaite toujours que vous y veniez résider, Monsieur le Maréchal ; passer quelques vacances, si vous aviez le temps.
Philippe Pétain
Oh, ce n’est pas possible. D’abord, je n’ai pas l’accent du pays.
Intervenant 6
Ça se gagne !
Intervenant 7
[Inaudible], commune essentiellement maraîchère, des environs de Pau, 6 kilomètres d’eux.
Philippe Pétain
6 km de Pau ?
Intervenant 7
Nous avons fourni à peu près 200 tonnes de légumes à la ville de Pau,
Philippe Pétain
Oui, à la ville de Pau ! Tiens, moi aussi, je fournis à la ville de Nice. Mais ce n’est pas moi qui les fournis, je n’y suis pas.
Intervenant 7
Maintenant, Monsieur le Maréchal, j’aurais une requête à vous faire.
Philippe Pétain
Allez-y !
Intervenant 7
Vous avez autour de vous, si vous avez autour de vous l’élite, je peux dire, d’une faible partie des maires du sud-ouest, vous avez certainement l’élite de vos meilleurs serviteurs.
Philippe Pétain
Ah, c’est bien !
Intervenant 7
Nous allons rentrer chez nous, dans nos villes et dans nos villages avec l’agréable satisfaction de vous voir en parfaite santé, Monsieur le Maréchal. Et nous serons tous fiers de rentrer dans nos villages et dans nos villes en portant la francisque qui serait un témoignage de notre fidélité.
Philippe Pétain
Très bien, faites des demandes.
Intervenant 7
Monsieur le Maréchal, au nom de mes collègues,
Philippe Pétain
Faites des demandes et puis, après, on les examinera, enfin,
Intervenant 7
Au nom de mes collègues, je vous remercie, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Et puis, alors, on les examinera. Il y a un conseil de la francisque, je n’en fais pas partie. C’est le conseil qui décide.
Intervenant 7
Bien, Monsieur le Maréchal !
Philippe Pétain
Mais, il n’y a pas de doute qu’un homme comme vous n’a qu’à faire la demande pour l’obtenir.
Intervenant 7
Merci, Monsieur le Maréchal.
Intervenant 1
Docteur Ramé, chef de division à la préfecture de Meuse.
Intervenant 8
Monsieur le Maréchal !
Philippe Pétain
Je suis bien content de voir de temps en temps des chefs de division.
Intervenant 1
C’est des serviteurs d’élite, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Parce que ce sont eux qui font le bon travail, qui passent de temps en temps quelques nuits à déverrouiller les questions, n’est-ce pas ? Oui, vous les prenez jeunes maintenant. Ben, vous êtes jeune, vous, par rapport aux autres.
Intervenant 8
J’ai 45 ans quand même.
Philippe Pétain
Hein ?
Intervenant 8
J’ai 45 ans quand même.
Philippe Pétain
50 ?
Intervenant 8
45.
Philippe Pétain
45 !
Intervenant 8
Partie de l’autre guerre, déjà !
Philippe Pétain
Oui, ben, moi, j’ai 45 aussi. Je sais comment on peut travailler quand on a 45 ans. C’est l’âge le plus fructueux.
Intervenant 8
Ah ben, nous faisons ce que nous pouvons. Nous faisons tout notre possible pour considérer la population qui ….
Philippe Pétain
Parce qu’on est en connaissance de son métier. Et puis, on a toute l’autorité qu’il faut pour régler ses affaires.
Intervenant 1
Je vous présente Monsieur le maire de Tarbes.
Intervenant 9
Je n’ai pas eu l’honneur de vous recevoir quand vous êtes venu dans notre ville. J’étais prisonnier à ce moment-là.
Philippe Pétain
Ah oui !
Intervenant 9
Mais je vous donne l’assurance, Monsieur le Maréchal, que si vous reveniez chez nous, vous auriez le même accueil. Cette génération est enthousiaste.
Philippe Pétain
Très bien, je suis allé plusieurs fois à Tarbes. Je m’intéresse beaucoup aux chevaux.
Intervenant 9
Oui, mais il n’y en a plus.
Philippe Pétain
Il n’y en a plus ?
Intervenant 9
Il n’y en a plus, ils ont disparu, oui !
Philippe Pétain
Mais j’en ai vu beaucoup à Tarbes.
Intervenant 9
Nous allons voulu vous faire l’hommage d’inaugure le haras, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Hein ?
Intervenant 9
Nous aurions voulu vous faire l’hommage d’inaugurer le haras de Tarbes.
Philippe Pétain
Vous me dites ça maintenant !
Intervenant 9
Mais, il n’y en a plus, de sortes qu’il ne nous a pas été possible alors,
Philippe Pétain
Monsieur, mon dernier cheval, je vais vous le dire, il se nomme Moutarde, celui qui est là-bas.
Intervenant 9
Oui, ils ont disparu monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
C’était un très beau cheval. C’est mon dernier cheval, je n’en ai plus eu depuis. Je ne suis pas monté à cheval depuis 2 ans.
Intervenant 9
Ça a changé le caractère de notre région.
Philippe Pétain
Ben non, mais si j’avais eu un cheval venant de Tarbes, ben, j’aurais continué à monter à cheval.
Intervenant 9
… Vous le permettre !
Philippe Pétain
Non, parce que j’ai quitté à regret mon cheval, je crois. D’autant plus que c’était un excellent exercice. Vous lui direz bonjour en passant.
Intervenant 9
Bien, je vais le voir tout à l’heure, en effet.
Philippe Pétain
Il est mort maintenant, vous ne risquez rien. Il ne pourra plus ruer.
Intervenant 1
Monsieur Lons, Maire de Luz-Saint-Sauveur.
Philippe Pétain
Ah, qu’est-ce que c’est que Luz-Saint-Sauveur ?
Eugène Lons
Quand on va en montagne, tout à fait au fin fond des Pyrénées, à la frontière espagnole, où nous pratiquons surtout le tourisme et le thermalisme, le climatisme. Malheureusement, en ce moment,
Philippe Pétain
Tiens, j’avais fait une remarque là-dessus, voilà, Luz-Saint-Sauveur.
Eugène Lons
Malheureusement, en ce moment, nous sommes une zone réservée. Nous participons plus particulièrement à la crise. Et nous voyons que nos clients nous sont envoyés en compte-gouttes, puisque nous sommes…
Intervenant 1
Une zone interdite ?
Eugène Lons
Nous sommes une zone réservée depuis un an. Alors, les autorités occupantes nous ont laissé passer qu’au compte-gouttes. La région souffre particulièrement de cet état des choses. Nous avons eu l’été dernier une saison tout à fait réduite.
Philippe Pétain
Écoutez, je suis obligé d’avouer que je ne suis pas habitué à votre manière de parler. Je n’ai pas compris ce que vous m’avez dit.
Intervenant 1
Monsieur Lons est hôtelier.
Eugène Lons
Nous sommes dans une région touristique et thermale.
Philippe Pétain
Attendez, j’ai sûrement une note sur vous. Vous avez 47 ans, hôtelier, Maire nommé de Luz-Saint-Sauveur. Vous vous appelez Monsieur Lons. Très bien, alors nous y sommes. J’avais fait la note. On a prévu que je ne vous comprendrais pas. Et alors, on a mis tout ça par écrit. Ce n’est pas fait exprès, voyez-vous.
Eugène Lons
On est séparé de la France, monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Ah oui !
Intervenant 1
Il est en zone.
Eugène Lons
Nous sommes en ce moment, dans une zone réservée, qui est considérée presque comme une zone interdite.
Intervenant 1
Interdite, pratiquement.
Philippe Pétain
Et pourquoi une zone interdite ?
Eugène Lons
À cause de la frontière.
Intervenant 1
La frontière espagnole.
Eugène Lons
C’est l’autorité occupante qui exige qu’elle soit interdite.
Philippe Pétain
Ah oui !
Intervenant 1
Alors, il faut des laissez-passer visés par les occupants pour pouvoir pénétrer dans notre région.
Eugène Lons
Donc, ce sont des hommes qui vivent exclusivement, si l’on peut dire, du tourisme et du thermalisme, qui souffrent beaucoup en ce moment.
Philippe Pétain
Oui !
Intervenant 1
Monsieur Lons a été gâté. Il a vécu beaucoup en Amérique, en Amérique du Sud.
Philippe Pétain
On va vous envoyer des américains, un jour viendra, oui. Et l’on viendra. Et peut-être vous ennuieront-ils un peu. J’espère que non. Mais, est-ce que vous parlez anglais ?
Eugène Lons
Non, j’étais en Amérique du Sud.
Philippe Pétain
Vous parlez américain ?
Eugène Lons
Chilien, l’espagnol, je parle.
Philippe Pétain
Ah oui ! C’est pour ça qu’on ne comprend pas très bien.
Eugène Lons
Je parle espagnol !
Philippe Pétain
Ah, vous parlez espagnol ?
Eugène Lons
Oui !
Philippe Pétain
Alors, parlons espagnol aussi.
Eugène Lons
Je sais que vous avez été en Espagne, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Ben oui !
Eugène Lons
Vous étiez Ambassadeur de France là-bas.
Philippe Pétain
En ben, merci donc, très bien.
Intervenant 1
Auguste Brenjot et maire de Lourdes.
Auguste Brenjot
Monsieur le Maréchal
Philippe Pétain
Lourdes !
Auguste Brenjot
On a les mêmes soucis que Monsieur…
Philippe Pétain
On fait le signe de la croix quand on passe devant vous.
Auguste Brenjot
Ben non, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
En tout cas, vous, il y a une grande vénération, toujours, à Lourdes.
Auguste Brenjot
Oui Monsieur !
Philippe Pétain
De la part des personnes qui vont là-bas. Il faut maintenir ça !
Auguste Brenjot
Malgré les difficultés, s’il n’y a pas eu de grands pèlerinages. Nos sanctuaires ont reçu tout de même beaucoup de visiteurs et on est devenu un refuge de pas mal d’exilés.
Philippe Pétain
Oui. Alors, je suis allé, il est vrai que je suis allé plusieurs fois dans le pays basques. Donc, la dernière fois, à mon dernier voyage officiel, je me suis arrêté à Lourdes.
Auguste Brenjot
Oui, Monsieur le Maréchal, nous avions eu l’honneur de vous recevoir.
Philippe Pétain
Et j’y ai conduit le chef du gouvernement, je crois, qui était alors l’amiral. Il a fait une prière devant moi.
Auguste Brenjot
Ils sont au ciel !
Philippe Pétain
Je crois qu’il n’en avait pas beaucoup l’habitude. Mais enfin, tout de même, ça lui sera compté.
Auguste Brenjot
Ici, monsieur le Maréchal, il manque le docteur [Mounik] qui n’a pas pu venir peut-être à cause de la neige, peut-être. Il était dans une vallée de montagne, et il aurait voulu venir, il avait décidé de venir, mais il n’a pas pu venir.
Philippe Pétain
Comment, il y a autant de neige que ça chez vous ?
Auguste Brenjot
Il y a beaucoup de neige. En Ariège, vous auriez aussi un maire qui ne vient pas, qui s’est excusé par télégramme parce que la neige l’a empêché de venir.
Philippe Pétain
[Inaudible]
Auguste Brenjot
Ah, ce n’est [inaudible] il est à Toulouse, il n’y a pas de neige à Toulouse, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Oh, mais il habite Toulouse. Il est maire de Capoulet-Junac.
Auguste Brenjot
En effet, en effet, Monsieur le Maréchal, excellente mémoire.
Philippe Pétain
Ah ben, je me rappelle parce que j’ai été reçu, une fois, à Capoulet-Junac et j’y ai fait un discours. Le monument ! J’ai fait un discours sur le paysan.
Auguste Brenjot
Les paysans s’en rappellent, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Vous l’avez lu ?
Auguste Brenjot
Non, monsieur le Maréchal. C’est ce qu’on dit dans la corporation paysanne, je connais vos discours concernant le paysan, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Ben, il n’était pas mal sorti celui-là, ce discours-là.
Auguste Brenjot
Très bien. Nous avons répété très souvent vos paroles, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
C’est que je connaissais la vie paysanne, je ne parlais pas au hasard, ce que je ne fais jamais.
Intervenant 1
Monsieur Portassau est maire de Bazillac.
Intervenant 10
Petite commune de 342 habitants, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Est-ce qu’il n’y a pas un vin de…
Intervenant 1
C’est dans la Dordogne.
Intervenant 10
C’est en Dordogne.
Philippe Pétain
Ah, ce n’est pas le même.
Intervenant 10
Non !
Philippe Pétain
Vous voyez, je connais les vins aussi. Eh ben, très bien, je suis content.
Intervenant 1
Monsieur Lapèze, Maire de Sénac.
Philippe Pétain
Alors, qu’est-ce qu’il y a de particulier ?
Lapèze
Rien de particulier Monsieur le Maréchal. Je dirige une petite commune rurale, qui se trouve à 25 kilomètres Tarbes, essentiellement rurale, pas d’industrie et une polyculture où alors, on se suffit un petit peu.
Philippe Pétain
On se suffit, le …
Lapèze
Un petit peu, en année normale. Cette année, nous avons subi la sècheresse que…
Philippe Pétain
La sècheresse menace.
Lapèze
De nouveau.
Philippe Pétain
Il n’a pas plu encore.
Lapèze
Il n’a pas encore plu beaucoup !
Philippe Pétain
Il n’a pas plu, c’est très dangereux ! Et oui, c’est pour cette saison puisque on va semer maintenant, on va planter ? Et s’il ne pleut pas, ce sera très malheureux.
Lapèze
Très grave.
Philippe Pétain
Espérons que je me trompe.
Intervenant 1
Monsieur Cazaux, Maire et industriel à Lamarque-Pontacq.
Philippe Pétain
Lamarque-Pontacq, industriel, quel genre ?
Cazaux
Fabrique de chaussures, Monsieur le Maréchal !
Philippe Pétain
De chaussures ?
Cazaux
Chaussures, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Vous trouvez encore à fabriquer des chaussures.
Cazaux
Oh, on nous alimente, un petit peu. Le comité de cuir nous donne tout ce qu’il faut.
Philippe Pétain
Mais pourquoi en manque-t-on de chaussures ?
Cazaux
On manque de cuir à semelles.
Philippe Pétain
Ah, de cuir à semelles ?
Cazaux
De cuir à semelle. Alors, on fait des chaussures avec des semelles bois.
Philippe Pétain
Oui, ben oui, évidemment, ce n’est pas pareil.
Cazaux
Ce n’est pas l’idéal.
Philippe Pétain
Mais avec les vieilles chaussures, on ne peut pas faire des semelles ?
Cazaux
Ah, non !
Philippe Pétain
Ce n’est pas faux ça, alors c’est un travail en plus.
Cazaux
Un travail en plus, qui ne donnerait pas d’excellents résultats.
Philippe Pétain
Ben, c’est ennuyeux, quand on aura plus de chaussures, on va aller pieds nus.
Cazaux
Oh, il y a toujours les semelles de bois, Monsieur le Maréchal, pas très agréable, mais enfin.
Philippe Pétain
Mais oui, mais…
Cazaux
On fait aller !
Philippe Pétain
Mais oui, mais on ne peut pas plier le pied.
Cazaux
On fait des semelles flexibles.
Philippe Pétain
Hein ?
Intervenant 1
Oui, mais ils se cassent très vite.
Cazaux
Ah, c’est l’inconvénient.
Philippe Pétain
Ben, j’essayerai. Je sais…
Cazaux
Je ne vous encourage pas, Monsieur le Maréchal.
Intervenant 1
Monsieur Ribaud est professeur à Tarbes, et maire d’une petite commune de montagne, Gousse.
Ribaud
C’est une commune rurale de montagne.
Philippe Pétain
Professeur ?
Ribaud
Au lycée de Tarbes, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Hein ?
Ribaud
Professeur au lycée de Tarbes, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Ah, et qu’est-ce que vous enseignez ?
Ribaud
Le latin et le français, je fais une classe de 5ème.
Philippe Pétain
Ben, il faut commencer par quelques…
Ribaud
Mais oui !
Intervenant 1
Mais il est surtout, Monsieur le Maréchal, maire d’une petite commune de montagne qu’il essaye de revivifier.
Ribaud
C’est une commune rurale qui est à un millier de mètres d’altitude.
Philippe Pétain
Et puis, vos élèves ne dépassent pas la 5ème, tous ceux qui sont de votre pays ?
Ribaud
Oh si, si !
Philippe Pétain
Ils finissent leurs études un peu plus loin ?
Ribaud
Ils montent plus haut, je les suis un peu, n’est-ce pas. Mais enfin, ils montent plus haut.
Philippe Pétain
Ben, celui dont vous êtes le plus fier, où est-il ? Où est-il monté, jusqu’où ?
Ribaud
Eh bien, j’en ai qui sont arrivés à, car je dois vous dire, Monsieur le Maréchal, il y a 26 ans que je suis au lycée de Tarbes. Et alors, il y en a qui sont arrivés en normal supérieur, d’autres sont arrivés à polytechnique, enfin, il y en a un peu dans tous les domaines.
Philippe Pétain
Avez-vous des militaires ?
Ribaud
Il y en a eu, beaucoup aussi.
Philippe Pétain
Beaucoup !
Ribaud
Il y avait autrefois, au lycée de Tarbes, un cours de Saint-Cyr qui a fonctionné jusqu’à il y a 7 ou 8 ans. Et qui était très prospère d’ailleurs.
Philippe Pétain
Ah, très bien. Vous êtes des cavaliers ? Parce que les cavaliers, ils voyaient des chevaux toute la journée !
Ribaud
Nous avons, d’ailleurs, les hussards à Tarbes, n’est-ce pas. Et alors, c’était tous des fils de cavaliers et qui méprisaient profondément ce qui n’étaient pas cavaliers.
Philippe Pétain
Les fantassins, tous ceux qui vont à pied, les cavaliers les considèrent comme des petits pieds.
Ribaud
C’est ça !
Philippe Pétain
C’est ça ! Pas à haut de pied, petit pied !
Intervenant 1
Monsieur Lemaître, Maire d’Argelès-Gazost.
Lemaître
Quel honneur !
Philippe Pétain
Maire d’Argelès. Quel honneur d’être votre compatriote Monsieur le Maréchal. Quoique maire des Hautes-Pyrénées, je suis originaire du Pas-de-Calais. Ah oui, très bien. Mais vous savez, on y bombe là-bas. Ils sont massacrés les Pas-de-Calais. On en fait une débauche extraordinaire. Qu’est-ce que vous faites, vous êtes…
Lemaître
Pharmacien !
Philippe Pétain
Pharmacien. Là, le pharmacien peut aller dans tous les pays, dans le Nord, dans le Pas-de-Calais, comme il voudra. Il est, on a tous besoin de lui.
Lemaître
Oui, Monsieur le Maréchal.
Intervenant 1
Monsieur Duboué, maire de Bordères.
Philippe Pétain
Je ne connais pas ce pays-là, tiens !
Duboué
Banlieue de Tarbes, située à 4 kilomètres Tarbes.
Intervenant 1
Tout près de Tarbes, dans la banlieue.
Duboué
Dans la banlieue !
Philippe Pétain
Eh ben, c’est le premier pays que je ne connaisse pas.
Duboué
2 kilomètres demi de Tarbes.
Intervenant 1
Tout près de Tarbes.
Philippe Pétain
Tout près de Tarbes, combien d’habitants y a-t-il ?
Duboué
Il y a bien 2000 habitants.
Philippe Pétain
Hein ?
Duboué
2000 habitants.
Philippe Pétain
2 000, mais c’est un grand village !
Duboué
Contre 1686 en 1936, nous dépassons, à l’heure actuelle, 2000 habitants.
Philippe Pétain
Eh ben, vous n’avez pas perdu. Au moins, vous n’avez pas été bombardé.
Duboué
Nous avons été auprès des bombardements.
Philippe Pétain
À côté, oui, mais pas chez vous.
Duboué
Pas chez nous ! Nous avons les deux tiers de la population en ville et un tiers agricole, complètement agricole.
Philippe Pétain
Oui, bien !
Duboué
Mais c’est un, le [Inaudible] est un peu oublié, n’est-ce pas. Mais on travaille de façon à le ramener sur la bonne voie.
Philippe Pétain
Oui, il y a eu quelques difficultés ?
Duboué
Il y a quelques difficultés, comme partout, naturellement.
Philippe Pétain
Ah, comme partout, ça dépend.
Duboué
Ils sont très…
Philippe Pétain
Bah, il faut les ramener dans l’ordre.
Duboué
On cherche à les ramener dans l’ordre.
Philippe Pétain
Où est Monsieur le Préfet ? Ah, vous êtes au courant des difficultés qu’ils ont ?
Intervenant 1
La population ouvrière de Tarbes est un peu agitée et elle se répand beaucoup dans les campagnes, d’abord pour son habitation. Car, Tarbes, probablement comme Toulouse, ne peut plus contenir tous les….
Philippe Pétain
Ah vraiment, oui ?
Intervenant 1
Toutes les villes sont pléthoriques.
Philippe Pétain
Elles le sont toutes.
Intervenant 1
Et même tentaculaires, plus que jamais.
Philippe Pétain
Ah oui !
Intervenant 1
Alors, les ouvriers vont à une certaine distance, habiter à la campagne autour de Toulouse. Et il y en a jusqu’à 20 kilomètres qui viennent tous les matins à Toulouse. Naturellement, ils apportent aussi un peu de leur esprit revendicatif, mais ils sont quelquefois assez faciles à gérer.
Duboué
Mais justement, Monsieur le Maréchal, avec le Maire de Bordères, ce matin, nous sommes allés faire une démarche au Ministère du ravitaillement, pour que les ouvriers de nos communes soient traités comme les ouvriers des centres urbains.
Philippe Pétain
Bon. Ben, évidemment, ils vivent de la même manière. Oui ?
Duboué
Oui. Alors, je laisse. Moi, j’ai une population ouvrière assez importante ….
Philippe Pétain
Alors, quel sera le changement ? Quels avantages trouvez-vous ?
Duboué
Nous sommes ruraux, n’est-ce pas, pour le, et donc, nous demandons, n’est-ce pas, qu’on nous classe urbain.
Intervenant 1
Ils ont des rations supplémentaires, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Ah, des rations supplémentaires. Mais que vous trouvez chez vous ?
Duboué
Mais oui, parce que…
Philippe Pétain
Vous avez un double avantage. On vous donne des rations supplémentaires,
Intervenant 1
Ils auraient un double avantage.
Philippe Pétain
Ah oui !
Inconnu11
Dans notre commune, nous trouvons ceci normal, hein !
Duboué
Seulement, c’est très difficile, Monsieur le Maréchal, parce que le nombre des rations supplémentaires à accorder dans chaque région est limité. Ce qui fait que si on en donne en supplément aux uns, il faut le retirer aux autres. Et c’est donc extrêmement difficile.
Philippe Pétain
Oui, difficile, alors vous n’avez presque pas de bénéfice. Seulement, vous avez l’avantage de produire tout de même.
Intervenant 1
Oui, mais les ouvriers, n’est-ce pas, qui travaillent à Pierrefitte, par exemple, ils sont moins bien traités que ceux qui…
Philippe Pétain
Oui, c’est possible, oui. Et bien, si vous avez besoin de mon appui
Intervenant 1
Monsieur Dastuc, chef de bureau à la préfecture de Tarbes et fait fonction de chef de division. Lui est jeune.
Philippe Pétain
Combien êtes-vous dans le bureau de la division ?
Dastuc
Pardon, Monsieur le Maréchal, j’ai 3 bureaux dans la division.
Philippe Pétain
Et vous êtes chef de division ?
Dastuc
Oui, Monsieur, je fais fonction de chef de division.
Philippe Pétain
Vous avez 3 bureaux.
Dastuc
J’ai 3 bureaux, et 2 bureaux qui me sont rattachés, des carburants et des charbons, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Oui !
Dastuc
Alors, j’ai environ une cinquantaine d’employés aussi.
Philippe Pétain
Combien de…
Dastuc
50 !
Philippe Pétain
50 ?
Dastuc
50 !
Philippe Pétain
Comment ? Et vous avez reçu de l’autorité pour donner des ordres à 50 employés.
Dastuc
Oui, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
À moins qu’il n’y ait beaucoup de bonne volonté, qu’ils obéissent à la première manifestation, c’est comme ça qu’on peut comprendre mais…. C’est que vous avez su les prendre et les dresser. Apprendre à obéir, les français ne savent plus obéir. Je m’en suis aperçu, hélas, souvent, souvent. Du reste, je l’ai dit dans des messages, qu’on n’obéit plus en France. Ben, il faut reprendre cette habitude. Quand on leur apprend à obéir étant jeune, eh bien, c’est beaucoup plus facile. On se plie volontiers. Il ne faut pas être…. Je l’ai eu pendant toute la guerre de 14-18. Un homme éminent, mais d’une modestie extraordinaire.
Intervenant 11
Alors, le représentant de cette population est peut-être de l’Armagnac, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Oui, oui. Mais qu’est-ce qu’il fait dans un endroit aussi, il cultive aussi ?
Intervenant 11
Il cultive et puis, il est Maire de sa commune ou Adjoint au maire de sa commune.
Philippe Pétain
Il est Maire, ben, pourquoi n’est-il pas là ?
Intervenant 11
Il est du Lot-et-Garonne, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Ben oui, mais quand j’ai eu Lot-et-Garonne, il n’y était pas.
Intervenant 11
Je ne peux pas vous dire, Monsieur.
Intervenant 1
Parce qu’il est trop modeste, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Non, mais je ne l’enverrais pas me parler sandale.
Intervenant 11
Je lui dirais monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Vous lui direz et il faudra bien qu’il vienne.
Intervenant 1
Monsieur Serre !
Serre
Monsieur le Maréchal,
Philippe Pétain
En tout cas, vous pouvez lui répéter ce que je vous dis.
Intervenant 11
Entendu, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Je n’ai pas connu d’officier qui lui soit supérieur en toutes choses.
Intervenant 11
Ça ne m’étonne pas Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Suivant son grade.
Intervenant 11
Monsieur Serre, Maire de Bajonnette.
Philippe Pétain
Oui, Bajonnette, j’avais lu baïonnette. C’est Bajonnette.
Serre
C’est un vieux maire, Monsieur le Maréchal, un vieux maire aussi, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Un vieux maire ? Bon, pas si vieux que ça !
Serre
J’ai 25 ans de mairie, Monsieur le Maréchal !
Philippe Pétain
25 ans ?
Serre
25 ans !
Philippe Pétain
Eh bien, moi, combien ai-je de service ?
Serre
Ah, Monsieur le Maréchal, vous avez l’âme d’un tout jeune.
Philippe Pétain
Depuis l’âge de 19 ans, 18 ou 19 ans, et bien, je vais en avoir 88. Ben, ça fait combien de service, comptez si vous savez compter jusque-là.
Serre
Et toute votre vie est en service, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Oui, ben oui, et ça pourrait compter double maintenant. Ça devrait me compter comme campagne ce que je fais maintenant, et on n’en tient pas toujours compte.
Intervenant 1
Monsieur Maroux, ancien magistrat, maire de Louberson.
Maroux
De Cazeneuve.
Intervenant 1
Ou du Cazeneuve, pardon !
Philippe Pétain
Ah oui, ça s’écrit comment ?
Intervenant 1
Monsieur Maroux, Maire de Cazeneuve.
Philippe Pétain
Cazeneuve, oui !
Maroux
Je représente une commune qui est exclusivement agricole. Et je suis heureux, Monsieur le Maréchal, de vous apporter l’assurance du dévouement et de la fidélité des paysans gascons et armagnacais.
Philippe Pétain
Je ne vous demande pas s’il y a de l’ordre chez vous, comme un ancien juge.
Maroux
Il y a de l’ordre, certainement.
Philippe Pétain
Ah, évidemment, vous êtes là pour faire, pour mettre la paix partout.
Maroux
Puisque ce sont des travailleurs, il n’y a que des travailleurs dans notre région, des paysans !
Philippe Pétain
[Inaudible]
Maroux
Ils ne demandent que la paix, à travailler tranquillement.
Philippe Pétain
C’est ça, ils n’ont pas de mauvaises intentions.
Maroux
Aucune !
Philippe Pétain
Ils ne se disputent pas entre eux ?
Maroux
Pas entre eux !
Philippe Pétain
Heureux maire !
Intervenant 1
Monsieur Dugard, maire de Loubersan.
Philippe Pétain
Tiens, je connais ce nom-là justement !
Dugard
Loubersan, c’est un petit village,
Intervenant 1
Un petit village.
Philippe Pétain
Oui,
Dugard
Un petit village à 8 kilomètres de Mirande, une population essentiellement agricole. Il n’y a rien de mauvais dans ma commune.
Philippe Pétain
Les gens heureux n’ont pas d’histoires. Ben, continuez !
Dugard
Merci, Monsieur le Maréchal !
Intervenant 1
Monsieur Sal, Maire de Marciac.
Philippe Pétain
Attendez, Marciac, j’ai eu une hésitation. Ça s’écrit avec deux l ou bien Marciac ?
Sal
Marciac, sans l !
Intervenant 1
Avec 2 l, c’est dans l’Aveyron, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Ah oui, ben, je connais des personnes avec les 2 l.
Sal
Oui, c’est Marciac, C I A C, oui Monsieur le Maréchal !
Philippe Pétain
Alors, ce n’est pas celui que j’ai connu.
Intervenant 1
Il y en a un dans l’Aveyron et un dans Lot, Marciac.
Philippe Pétain
Oui, j’ai constaté qu’il y avait, dans un, il y a 2 l, dans l’autre, c’est le i qui remplace.
Sal
Il arrive souvent même que pour les marchandises, il y a des échanges qui vont, des échanges qui vont à Marcillac, et d’autres à Marciac. C’est une petite commune de 1200 habitants, enfin, lieu de canton, où la population est très calme. Et je suis chargé par mon conseil municipal, Monsieur le Maréchal, de vous offrir toutes sortes de bonheur et de santé surtout pour finir de nous accompagner dans la carrière que vous avez entreprise. Nous vous remercions de tout ce que vous avez déjà fait et nous espérons que le bon Dieu vous prêtera vie pour que ça dure longtemps.
Philippe Pétain
Je voudrais bien faire plus que je ne fais.
Sal
Mais non, ça, c’est impossible !
Philippe Pétain
Et, à mon âge, ben, je…
Sal
Il faut toujours espérer.
Philippe Pétain
Je fais tout de même tout ce que je peux. C’est encore assez important ce que je peux faire.
Sal
Oui !
Intervenant 1
Voici maintenant le département de l’Ariège. Ah, Monsieur le Maréchal, je vous présente Monsieur Dumance, maire de l’Arzal qui est une commune ouvrière, industrie de textile, industrie de la laine. Monsieur Dumance a réalisé d’ailleurs pas mal d’amélioration sociale,
Philippe Pétain
De quel département ?
Intervenant 1
Département de l’Ariège, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Eh ben, mais c’est là qu’il y a Capoulet-Junac.
Intervenant 1
Exactement, Monsieur le Maréchal. Nous allons vous en parler tout à l’heure.
Philippe Pétain
Ah bon !
Intervenant 1
Nous allons vous en parler tout à l’heure. Le Maire de Lavelanet, qui est une commune…
Philippe Pétain
Vous connaissez [Inaudible] ?
Intervenant 12
Oui !
Philippe Pétain
Oui !
Intervenant 1
Commune rurale. Le maire de Saint Thomas. C’est un maire qui a été élu par unanimité de sa commune. Et pour l’Ariège, Monsieur le Maréchal, c’est quelque chose.
Philippe Pétain
Oui, parce que c’était difficile.
Intervenant 1
Et parce que ce n’est pas toujours très commode.
Intervenant 13
Depuis 35 que je….
Intervenant 1
Depuis 35 ans, il n’a pas dans sa commune une voix qui lui manque.
Philippe Pétain
Et vous ?
Intervenant 13
Et moi, j’ai été élu, Monsieur le Maréchal, en 35.
Philippe Pétain
En 35 ?
Intervenant 13
Alors qu’il n’y avait pas, en 36 ; alors qu’il n’y avait pas de, 35 je précise, alors qu’il n’y avait pas de candidat. Et, comme en étant un ancien marin, je me suis sacrifié pour relever tous les défis de ma commune.
Philippe Pétain
Oui mais, tout de même, si l’on vous a nommé alors que personne ne voulait être maire, on a bien été obligé de vous prendre.
Intervenant 13
Et, Monsieur le Maréchal, je vous dis, c’est qu’au moment des élections, en mai 35, il n’y a pas eu de candidat, du tout.
Philippe Pétain
Ah ben, vous êtes le candidat…
Intervenant 13
Le candidat de tout le monde !
Philippe Pétain
Non, le candidat faute de mieux !
Intervenant 13
Faute de mieux, oui, c’est ça Monsieur le Maréchal.
Intervenant 1
Oh, il est trop modeste.
Intervenant 13
[Inaudible]
Philippe Pétain
Et puis, d’avoir accepté cette charge, c’est déjà très bien.
Intervenant 13
Je peux vous affirmer, Monsieur le Maréchal, que tout mon canton que j’ai l’honneur de représenter, à partir de chez nous, forme les vœux les plus ardents pour que vous restiez longtemps notre chef.
Philippe Pétain
Merci, c’est très gentil !
Intervenant 14
[Inaudible], Monsieur le Maréchal
Philippe Pétain
Hein ?
Intervenant 1
Le maire de Saint-[Abeille]. C’est une commune rurale de l’arrondissement de Saint-Girons, dans le canton de Saint-Lizier.
Philippe Pétain
Nous avons discuté, je parle de tout à l’heure, avec quelqu’un ?
Intervenant 15
[Inaudible]
Philippe Pétain
Hein, il est parti ?
Intervenant 15
De Tarbes.
Philippe Pétain
Quelqu’un de Tardes, tout à l’heure. Ah, il est parti.
Intervenant 15
Non, il est là !
Philippe Pétain
Il est là-bas ? Ben, tenez, voilà mon dernier cheval, voilà mon dernier cheval !
Intervenant 9
Ah, très bien !
Philippe Pétain
C’est une Anglo-Tarbes, pur-sang Tarbes.
Intervenant 9
Ils voudront bien avoir en encore comme ça, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Oui, ben, je vous vois. Il est au passage. Je vous ferais remarquer qu’il est au passage. Il a belle allure, hein ?
Intervenant 9
Il a très belle allure, et puis, il y a l’arôme de primitive. C’est ainsi qu’était la race à ses débuts. Vous me permettez d’approcher monsieur le Maréchal, pour que je vois mieux.
Philippe Pétain
Mais il ne bouge pas !
(Bruit)
Intervenant 1
Monsieur Roche est maire de Seix, c’est un ancien sous-officier, Monsieur le Maréchal, et plus particulièrement respectueux des règlements et des instructions que lui donne le Préfet. C’est ce que vous disiez tout à l’heure.
Philippe Pétain
Autrement dit, il obéit !
Intervenant 1
Exactement, Monsieur le Maréchal, avec beaucoup de dévouement !
Philippe Pétain
Il faut le faire encadrer, parce que…
Intervenant 1
Eh ben, nous le ferons encadrer, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Et il n’y en a pas beaucoup.
Roche
Je suis à la tête d’une très grosse commune, Monsieur le Maréchal.
Philippe Pétain
Oui ?
Roche
La superficie est de 8800 hectares. J’ai les 22 amonts, certains sont éloignés à 14 kilomètres et il est quelquefois difficile de faire ce qu’il y a à faire. [Inaudible]. Ma devise, c’est saluer jusqu’au bout.
Philippe Pétain
C’est très bien ! Quel âge avez-vous ?
Roche
75 ans, Monsieur le Maréchal.
Intervenant 1
Monsieur Pote, maire de Pamiers, qui est la ville industrielle,
Philippe Pétain
Dans mes compliments.
Intervenant 1
La métallurgie.
Philippe Pétain
Métallurgie ?
Intervenant 1
Métallurgie.
Philippe Pétain
Il y en a beaucoup de métallurgies dans le secteur ?
Pote
Si, Monsieur le Maréchal.
Intervenant 1
Il y a 1000 ouvriers, 1000 ouvriers métallurgiques.
Philippe Pétain
Non, mais chez vous. Oui, mais dans le pays, on ne fait pas…
Pote
Dans le pays, non.
Philippe Pétain
Qu’est-ce que vous faites ?
Pote
Moi, personnellement, je fais de la fonderie. Mais je suis, enfin, j’ai, dans la famille, une industrie métallurgique qui occupe 1500 ouvriers, qui travaillaient surtout pour la marine et les chemins de fer avant la guerre. Et cette histoire en métallurgie est rattachée à Capoulet, un peu, parce que c’est là où était le roncier, le mineur roncier, qui était le producteur de minerais de Languedoc, et qui d’ailleurs…