Betbezer-d'Armagnac : expérimentation sur d'anciens cépages

24 octobre 2000
01m 40s
Réf. 00576

Notice

Résumé :

Pendant cinq ans, les distillateurs du domaine de Paguy à Betbezer-d'Armagnac ont travaillé sur quatre anciennes variétés de cépages et une nouvelle. A terme, les professionnels espèrent faire revivre des cépages qui ont fait la notoriété de cette eau-de-vie.

Date de diffusion :
24 octobre 2000
Source :

Éclairage

C'est un peu avant le milieu du XVIIe siècle que la distillation de l'eau-de-vie commença véritablement dans les Landes et les régions voisines : Marsan, Tursan, Armagnac, Bigorre essentiellement, sous l'impulsion de la demande hollandaise, relayée par les marchands de cette nation installés en nombre à Bayonne, port d'exportation de cette production. Les pièces d'eau-de-vie y étaient acheminées par les voies de l'Adour, depuis Saint-Sever ou plus en aval, et de la Midouze, depuis Mont-de-Marsan, ports où elles arrivaient des lieux de production sur des charrettes tirées par des bœufs. Il n'y a, alors, dans cette organisation, rien de bien nouveau, puisque c'était la voie suivie depuis des siècles par les vins (et parfois les grains) de Tursan et d'Armagnac pour des quantités beaucoup plus importantes : 25 000 barriques de vin de Tursan étaient débarquées chaque année sur les quais bayonnais au XVIIe siècle et seulement quelques centaines de pièces d'eau-de-vie.

Cette production nouvelle, qui fut lente à se développer, entraîna une baisse dans la qualité des vins produits, puisqu'on ne pouvait distiller que de mauvais vins, les prix de l'eau-de-vie n'étant pas assez élevés pour en distiller de bons. C'est d'ailleurs avec ces mauvais vins, de faible degré, légèrement acides, que l'on fait les meilleures eaux-de-vie, si bien que l'on vit se développer en Armagnac ou en Marsan la culture du piquepout, terme qui désigne à la fois un cépage et un mode de conduite de la vigne, à ras du sol, sans échalas, (vignes basses) beaucoup moins onéreux que la conduite traditionnelle, en espalier ou en hautains. Le Tursan résista mieux et continua à produire des vins de qualité qui trouvaient un débouché depuis des siècles dans les pays riverains de la mer du Nord.

Au XIXe siècle, la distillation connut un grand développement et avec elle, la culture de la vigne pour la production de vins de chaudière, avec des superficies considérables, dans le Gers comme dans les communes des Landes qui lui sont contigües. L'eau-de-vie ainsi produite était de meilleure qualité qu'aux périodes précédentes ; elle bénéficiait de longues années de vieillissement pour les meilleurs produits (même si la masse de la production est de faible qualité et destinée à un public populaire) et commença à être connue sous le nom d'armagnac dès les années antérieures à la Révolution. Le phylloxéra, vers 1880, mit fin à une période de prospérité sans précédent (règne de Napoléon III). La replantation se fit à partir des cépages existants, greffés, comme la folle blanche (piquepout) ou l'ugni blanc, mais aussi avec des cépages hybrides, créés à cette période. Le pus célèbre d'entre eux est le baco 22A, un hybride de noah et de folle blanche, créé en 1898 par l'instituteur et pépiniériste landais François Baco. Très productif, il donne un vin de faible degré, qui n'est bon qu'à la distillation. Il est à remarquer que c'est le seul hybride autorisé pour la production d'AOC et que l'Armagnac en a l'exclusivité, alors que l'ugni et la folle blanche sont les cépages de base du cognac.

Le XXe siècle a été marqué par la baisse continue de la consommation d'alcools de bouche, baisse qui ne s'est arrêtée que lors des deux guerres mondiales, très favorables pour les producteurs. La hausse du niveau de vie s'accompagnant de changements dans les habitudes alimentaires a fait de cette consommation une exception alors qu'elle était habituelle dans certains groupes sociaux et dans certaines régions. La demande se porte aujourd'hui vers des produits de qualité ou originaux : vieilles eaux-de-vie, millésimes, blanche d'armagnac... Aussi les producteurs doivent-ils limiter leur production en abandonnant les produits bas de gamme pour se concentrer sur ce créneau ; cette évolution est facilitée par le développement de la consommation de vins de pays et notamment de vins blancs jeunes et fruités qui peuvent être produits par les mêmes cépages (à l'exception du baco) que les eaux-de-vie.

Transcription

Présentatrice
Depuis 5 ans, les professionnels de l’Armagnac expérimentent de vieux cépages de distillation. Dans un contexte économique difficile, en 10 ans les ventes ont chuté de moitié, ils veulent tout axer sur la qualité. Marie Ravaut et Michel Vouzelaud se sont rendus à Betbezer, l’un des quatre sites d’expérimentation dans les Landes.
Journaliste
Cette propriété des Landes est devenue un véritable site expérimental de l’Armagnac. Le laboratoire se trouve ici, l’alambic a fait office d’éprouvette. Pendant 5 années, les distillateurs ont travaillé sur 4 anciennes variétés de cépage et une nouvelle dans le but d’améliorer la qualité de l’Armagnac.
Pierre Robert
L’INAO, l’Institut National des Appellations d’Origine Contrôlées, avant de donner une réponse, a préféré se retourner sur le terrain en disant : « mais écoutez, vous avez de vieilles variétés que l’on connaît, qui sont en place, faut-il encore les expérimenter, puisque de ce côté-là, nous ne possédons aucune référence technique ni économique. »
Journaliste
Trois autres sites dans le Gers, avec des terroirs différents, ont participé à cette expérimentation. Dans les Landes, au domaine de Paguy, même si le responsable craignait les risques d’une telle opération, il se dit en revanche satisfait d’avoir pu avant les autres, tester un nouveau cépage appelé Folignan.
Albert Darzacq
Le nouveau cépage, je crois, sera un bon cépage pour la distillation lorsqu’il sera reconnu par l’INAO, pour le moment il ne l’est pas. Mais je pense que ça aussi, ça apportera un plus.
Journaliste
Les conclusions de ces 5 années d’expérimentation dans le Gers et dans les Landes permettront d’entreprendre un début de sélection des cépages. Les professionnels espèrent surtout faire revivre ces vieilles variétés qui ont fait la notoriété de cette eau-de-vie dans le passé.