Les noces d'or d'un mariage frontalier de 1939

04 novembre 1989
01m 30s
Réf. 00043

Notice

Résumé :
En 1939, des barbelés séparent la Belgique de la France. C'est la séparation pour deux fiancés, Marie-Louise la Belge de Menin et Roger le Français d'Halluin. Afin de se rapprocher, ils se marient dans le no man’s land entre les deux pays. Les deux époux fêtent leurs noces d'or 50 ans après, en compagnie du maire d’Halluin, du bourgmestre de Menin et de la famille réunie.
Date de diffusion :
04 novembre 1989
Date d'événement :
03 novembre 1939
Source :
Lieux :

Éclairage

Roger et Marie-Louise ont décidé pour leurs noces d'or de fêter cela comme 50 ans auparavant sur la ligne de partage, le no man's land, entre France et Belgique, sur la chaussée qui sépare Halluin de Menin. Lui était Français, elle Belge.

On était le 3 novembre 1939. Depuis le 3 septembre, la France, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande avaient déclaré la guerre à l'Allemagne.

La Belgique de son côté répugnait à l'idée d'un nouveau conflit européen. Elle peinait encore à se relever des destructions massives de la Première Guerre mondiale qui avaient laissé le pays anéanti. Le taux de chômage était très élevé après la Grande Dépression économique de 1929. Des partis autoritaristes et fascistes montaient tant en Wallonie qu'en Flandre, notamment avec le mouvement francophone, Rex. En octobre 1936, le roi des Belges, Léopold II avait affirmé que la Belgique resterait neutre et celle-ci avait obtenu de l'Allemagne nazie la réaffirmation de cette neutralité en 1937.

La frontière avait été fermée plus hermétiquement et un grillage courait tout au long. Depuis septembre, les tourtereaux Roger et Marie-Louise ne pouvaient plus se retrouver d'un côté ou de l'autre et ne s'embrassaient qu'à travers le grillage !

Le mariage civil eut donc lieu dans ce no man's land. Mais les époux choisirent un camp pour vivre. La reportage ne nous dit pas lequel.

France et Belgique furent peu après dans la même situation politique et stratégique puisque dès le début de la Drôle de guerre, le 10 mai 1940, les Allemands firent peu de cas des accords et ils envahirent la Belgique, Les Pays-Bas, et le Luxembourg pour prendre pied en France.

On pourra lire pour approfondir ce sujet Le Chagrin des Belges [1], roman publié par le grand écrivain belge Hugo Claus en 1983. C'est une chronique de cette période de la Seconde Guerre mondiale à Courtrai et dans les environs, et dans une famille de nationalistes flamands sympathisant avec les milieux nazis.


[1] Hugo Claus, traduit du néerlandais par Alain Van Crugten, Le Chagrin des Belges, Paris, Seuil collection Points, 2003.
Catherine Dhérent

Transcription

Gérard Dupagny
Cinquante ans exactement séparent cette photo de cette image insolite mais tellement ressemblante. Et que de souvenirs pour Roger et Marie-Louise Destoop. Le 3 novembre 1939, la France était en guerre, la Belgique était neutre. Une ligne de barbelés se dressait à la frontière entre Halluin et Menin. Cela faisait deux long mois que Roger, de nationalité française, et Marie-Louise, habitant la Belgique, ne pouvaient plus se voir, seulement parler à travers les barbelés, une seule solution, se marier dans le no man’s land.
Roger Destoop
Ils ont sorti une table du cabaret-là, dans le coin-là, et puis des chaises. Et le Maire s’est assis et puis nous aussi, et puis on s’est mariés ici en pleine rue quoi !
Marie-Louise Destoop
Et on était contents, c’est normal hein ! Je savais que j’allais pouvoir partir avec lui, alors j’étais contente !
Gérard Dupagny
Comme aujourd’hui, il faisait gris et il bruinait. Ce midi après les traditionnels discours du maire d’Halluin et du Bourgmestre de Menin, toute la famille s’est retrouvée réunie ; alors qu’en 1939, une partie de la noce fêtait l’évènement à Halluin et que l’autre organisait un banquet en Belgique. Est-ce que le soir de la noce, vous étiez enfin ensemble ?
Roger Destoop
Oui, oui, oui, on était dans le même lit.
Gérard Dupagny
Et heureux d’être ensemble ?
Marie-Louise Destoop
Ah oui, et on a fait de son mieux !
Gérard Dupagny
L’amour, c’est bien connu, n’a pas de frontière et cinquante ans après, ils sont toujours heureux.
(musique)