Les préparatifs de la braderie

31 août 1963
04m 21s
Réf. 00053

Notice

Résumé :
En 1962 à Lille, le samedi et le dimanche, on se prépare au grand débalage de la nuit. La circulation s'est interrompue dans les rues où camionnettes et étals attendent leur heure. Du côté des cafés et restaurants on se prépare. Il faut ainsi nettoyer des tonnes de moules. Au début de soirée, les convives se pressent pour déguster les traditionnelles frites moules.
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Date de diffusion :
31 août 1963
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Éclairage

Implantés le long de l’esplanade et dans les rues de la ville, camions, voitures s’entassent pour garder leur emplacement en vue de la grande fête qui se prépare : la braderie, témoignage actuel d’une tradition médiévale.

Au Moyen Âge, c’était une Foire, la "Franche Foire", qui se tenait à l’Assomption sur la place du marché. Les commerçants étrangers venaient y vendre leurs produits, elle se développe aux XIIe et XIIIe siècle. Ensuite elle perd de son importance. Elle commence à se transformer en vide-greniers au début du XVIe siècle, lorsque les domestiques obtiennent le droit de vendre les objets usagés de leurs patrons entre le coucher et le lever du Soleil. Durant le XIXe siècle, des bourgeois suivis par des camelots venus d’en dehors de Lille viennent également vendre leurs objets. En 1873, déjà, un chroniqueur lillois déplore que "la braderie est en train de trépasser" ! Entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, les frites font leur apparition.

Dans les années 1970, la braderie renaît. La tradition des moules-frites s’instaure.

De la fin des années 1940 jusqu'à la fin des années 1970, la braderie se déroulait du dimanche minuit jusqu'au lundi midi et avait lieu le premier lundi qui suit le premier dimanche de septembre ; la nuit était réservée aux bradeux alors que la braderie des commerçants se déroulait le lundi matin. Aujourd’hui, la braderie a lieu le week-end. Officiellement elle commence après le marathon le samedi à 14h, mais depuis quelques années, elle commence officieusement le vendredi soir sur l'Esplanade. Plusieurs semaines auparavant, la ville se couvre d'affichettes de réservation. Afin d'éviter les conflits, la ville de Lille attribue les "emplacements réservés" à partir du mois d'août et "les premiers arrivés seront les premiers servis". La braderie est de plus en plus étendue dans la ville au fil des années, les particuliers se partagent la chaussée avec les professionnels qui occupent une grande partie du Boulevard de la Liberté ou encore avec les antiquaires le long du boulevard Jean-Baptiste Lebas.

La ville se transforme en un énorme "marché aux puces" où les cultures se croisent. De nombreuses animations (semi-marathon le samedi matin, concerts, foire aux manèges, etc.) accompagnent l’événement.

Les "bradeux" flânent ou fouinent et finissent par s'arrêter pour manger des "moules-frites", accompagnées de bière locale. Les restaurants de la ville se lancent un défi pendant l'événement : celui qui aura devant son enseigne le plus gros tas de coquilles de moules vides. Un des plus emblématiques "Aux Moules" que l'on voit en 1962 dans ce document, va, hélas, disparaître de l’environnement de la braderie après sa fermeture en mars 2016.

Quelques chiffres : 33 heures non-stop pour tout vendre et tout acheter, 10 000 exposants dont 330 brocanteurs professionnels, 100 kms d’étals, environ 2,5 millions de visiteurs, plus de 500 tonnes de moules et 30 tonnes de frites mais aussi au bout de la braderie 400 tonnes de déchets éliminés en une nuit par les services de propreté de la ville.
Martine Aubry

Transcription

(musique)
Robert Lefebvre
Cette grande ville soudain immobile, en plein après midi, ça n’arrive qu’une fois l’an à un certain dimanche de septembre. C’est Lille qui achève de mettre à la porte sa vie quotidienne pour que vienne le temps de l’impossible. Et bientôt, sur le damier vide, le théâtre de l’insolite installe lentement les pions merveilleux.
(musique)
Robert Lefebvre
Du bric-à-brac pour dépayser, un piano pour rêver, oh, juste de quoi prouver aux fauteuils d’orchestre que la pièce qu’on va jouer est faite aussi pour les enfants.
(musique)
Robert Lefebvre
Dans les coulisses déjà, quelques acteurs qui attendent leur entrée, le coeur battant.
(musique)
Robert Lefebvre
Mais quel est donc ce spectacle si extraordinaire que, pour y assister, les curieux accourent de partout.
(musique)
Robert Lefebvre
En tout cas, les places sont réservées bien avant que commence la nuit fantastique. Il suffit que le mot magique, braderie, se soit allumé sur les affiches, pour que la ville, les choses et les gens basculent dans un autre univers.
(musique)
Robert Lefebvre
Un univers sans habitudes, sans tramways, sans agents de police, ce qui signifie que tout à l’heure, l’incroyable sera le maître de la rue. En attendant, les machinistes de ce festival du bizarre accrochent leurs pancartes, plantent les accessoires du décor et n’hésitent pas à mettre aussi le ciel dans leur jeu.
(musique)
(bruit)
Robert Lefebvre
Non, le moment n’est pas encore venu et pourtant, les crécelles lugubres sonnent l’hallali de millions de bestioles, appelées moules, qui seront, pendant 24 heures, les vedettes d’un gigantesque festin.
(musique)
Robert Lefebvre
Sacrifiées aux couteaux, elles ont au moins, avant de mourir, la satisfaction de susciter les sentiments les plus divers sur les visages de leurs bourreaux.
(musique)
Robert Lefebvre
Et d’ailleurs, ce délicat parfum de la moule qui flotte dans l’air à la ronde, n’est-ce pas déjà l’avant-goût de la braderie ?
(musique)
(bruit)
Celie
Dites-moi, oh, j’ai l’impression que j’ai affaire à un expert là, en braderie, vous en avez fait combien, de braderies, jusqu’à présent ?
Inconnu
Ah, jusqu’à maintenant, j’en ai fait vingt six !
Celie
Et vous habitez ici depuis combien de temps ?
Inconnu
Il y a trente ans que je tiens le même établissement.
Celie
Vous savez à peu près ce que vous pouvez débiter comme moules sur une nuit, une nuit de braderie ?
Inconnu
Oh, une nuit de braderie, il faut compter, moi, écoutez, la nuit même, je ne la compte pas tellement, je compte l’ensemble, entre quatre, cinq, six tonnes, ça dépend le temps.
Celie
Mais ces moules viennent de où ?
Inconnu
De Hollande, c’est des moulescultivées !
Celie
Et comment arrivent-elles jusqu’ici, ces moules ?
Inconnu
Elles arrivent par camions isothermes, camions rapides, elles ne mettent même pas quatre heures après la pêche, elles sont pêchées à 9 heures, quatre heures après, elles sont à Lille.
Celie
Oui ben alors, si je comprends bien, c’est parce que ce sont, c’est le mois de septembre, le premier mois en R, voilà pourquoi on mange tant de moules !
Inconnu
Ah non, non, non, non, non, on mange tant de moules à la braderie de Lille d’abord par tradition !
Celie
Oui !
Inconnu
Et les mois en R, maintenant, c’est terminé depuis longtemps ça, on mange les moules toute l’année, les cultures sont….
Celie
Il ne faut pas y croire ?
Inconnu
Mais non, il ne faut pas y croire, c’est une légende ! Et puis il ne faut pas, il ne faut pas du tout croire ça !
Celie
Je me suis laissé dire que tous les ans, à la braderie, il pleuvait, est-ce vrai ?
Inconnu
C’est exact, depuis 26 ans que je fais la braderie de Lille, j’ai trouvé, si mes souvenirs sont bons, deux ou trois braderies où il n’a pas plu !
Celie
Donc, ça s’annonce bien aujourd’hui !
Inconnu
Oh, aujourd’hui, c’est magnifique, c’est merveilleux ! On va souhaiter qu’elles soient toutes pareilles !
Celie
Alors bonne chance, et bonne chance pour vos six tonnes de moules !
Inconnu
Eh bien, je vous remercie !
(bruit)