Rénovation de la filature Le Blan à Lille

10 avril 1980
03m 56s
Réf. 00083

Notice

Résumé :
L'ancienne filature Le Blan, dans le quartier de Moulins à Lille, est en cours de reconversion. Dans le bâtiment de style anglais, dont l'architecture se voulait le reflet de la puissance de l'industriel, ont cohabité habitat et labeur au début du siècle. Cette caractéristique a guidé l'action de l'architecte Bernard Reichen, la rénovation rassemblera logements et équipements publics.
Date de diffusion :
10 avril 1980
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Éclairage

Le document présente l’état d’avancement des travaux de transformation de l’usine Le Blan dans le quartier de Moulins-Lille en 1980. Première des usines de cette ampleur à être conservée et transformée dans la métropole, c’est maintenant un exemple historique à l’échelle internationale qui a fait l’objet de nombreuses publications. Contrairement à la filature Motte-Bossut de Roubaix, la filature Le Blan ne bénéficie pas à priori d’une architecture remarquable.

Le bâtiment est certes vaste, s’étendant sur 200 mètres de longueur sur une épaisseur variant de 17 à 19 mètres. L’ingénieur-architecte Victor Chenal a conçu une architecture rationnelle, sans décor ostensible, conditionnée par les impératifs de la production. C’est à peine si on remarque sur le bâtiment des indices permettant de dater les trois phases de construction, 1900, 1925 et 1930 tant l’enveloppe massive de briques est omniprésente et les ouvertures, répétitives. 

L’usine reste en activité jusqu‘en 1967, puis la ville de Lille se porte acquéreur en 1975. Sous la tutelle de l’Office public d’HLM de la ville de Lille, un concours est organisé pour la transformation des locaux. Le programme est complexe. Régis Caillau, alors directeur de l’Office, entend par la réhabilitation du bâtiment, régénérer le quartier dans son ensemble : le programme est donc mixte, incluant 100 logements sociaux, des commerces, des bureaux, des équipements culturels et un lieu de culte.

 Les lauréats sont les architectes Philippe Robert et Bernard Reichen qui avaient déjà réhabilité les halles centrales et revenaient des USA avec plein de références de transformation de l’architecture industrielle. Bernard Reichen nous expose les partis-pris de la conception : tout en respectant le vocabulaire initial et les éléments d’architecture, les maîtres d’œuvre n’hésitent pas à écrêter, découper, stocker et réutiliser les composants d’origine. Le théâtre construit dans une cour intérieure est réalisé à partir de l’assemblage des structures métalliques prélevées dans d’autres secteurs du bâtiment par exemple. Des coursives et loggias, une rue intérieure, des circulations amples, animent  la partie logements. Les logements eux-mêmes sont hors norme grâce à la grande liberté de conception offerte par l’espace et les hauteurs des différents niveaux du bâtiment. Des duplex et ateliers d’artistes voisinent avec des appartements traversants dotés d’un jardin d’hiver ou d’une terrasse. La brique reste en partie apparente, façon lofts.

La qualité et l’originalité étaient au rendez-vous mais la population ciblée n’était pas convaincue. Les ouvriers ne voulaient pas habiter une usine ! Par contre étudiants et artistes, employés municipaux, testent avec enthousiasme ces logements expérimentaux et dans un premier temps, commerces et équipements répondent à l’attente.

S’ensuit une vague de réhabilitations d’usines dans le quartier de Moulins par le secteur privé avant que l’université n’investisse en 1995 la seconde usine Le Blan. Si ces opérations n’ont pas suffit à sortir le quartier de son marasme social, elles ont été pionnières et ont permis d’engager le processus de requalification du patrimoine industriel métropolitain plutôt que de le détruire, en prouvant qu’identité et innovation ne sont pas antinomiques.
Dominique Mons

Transcription

Marc Drouet
Commencée il y a plus d’un an, la reconversion des usines Le Blan continue d’aller bon train. Pour ceux qui ne connaissent pas bien l’agglomération lilloise, l’ancienne usine Le Blan se situe dans le sud-est de Lille à la sortie direction Ronchin. L’ensemble est imposant, l’usine a été construite entre 1900 et 1930, c’était une filature de type anglais. À l’époque, la machine à vapeur imposait une construction à étage, le béton n’avait pas encore fait son apparition, et l’architecture était le reflet de la puissance de l’industriel. Autre caractéristique de ce début du siècle, cette cohabitation de l’habitat et du labeur. L’époque n’était pas aux déplacements quotidiens domicile travail. Cette dernière caractéristique a guidé pour une large part l’action des rénovateurs. L’usine revient à la ville, la filature va laisser place à des logements, mais aussi à toute une série d’équipements publics dont deux bibliothèques, des bains douches, une église et un théâtre.
Bernard Reichen
Donc cette partie entre les deux bâtiments a été complètement modifiée par rapport à ce qui était là à l’origine. C’est-à-dire qu’on a créé un théâtre qui va faire la liaison entre la partie qui est sur la rue de Buffon et la partie intérieure. Et pour construire ce théâtre, on a récupéré la charpente qui était la charpente de la rue de Buffon, qui est donc la charpente qui constituait la chaîne principale de l’usine, donc la toiture vitrée avec les pans vitrés au nord, qui se trouvaient donc sur la rue de Buffon. Comme on ne pouvait pas utiliser cette charpente à l’intérieur des logements, on l’a stockée pendant maintenant à peu près six mois à cet emplacement et on récupère l’ensemble de ces poutres pour constituer la fermeture du théâtre.
Marc Drouet
Au bout du compte, l’ensemble devrait s’avérer coquet. À la faveur de la mode rétro et de cette nouvelle attention au patrimoine, il est permis de rêver devant des murs de briques de 1,20 mètre de large à la base. Les architectes ont bien compris que ces immenses bâtisses autorisaient quelques libertés.
Bernard Reichen
C’est-à-dire qu’on peut se permettre de faire des logements qui bénéficient de tous les espaces existants dans l’usine. Donc, quand on a un séjour de 4 mètres sous plafond, et bien, autant en profiter et le donner aux gens plutôt que d’essayer de rentrer dans les normes habituelles. Donc pour nous, c’est plutôt une liberté au niveau de la conception. C’est une contrainte au niveau de la technique mais c’est une liberté au niveau de la conception.
Marc Drouet
Autre exemple de récupération, ces colonnes de fonte qui se trouvaient au troisième étage. Elles ont été démontées et vont servir pour l’aménagement de loggias. Ici, ce seront des bureaux, ici un grand magasin d’outillage et là, des appartements. À ça devrait s’ajouter une série de patios individuels et une série de terrasses en gradin, propres à redonner une silhouette en rapport avec la nouvelle fonction résidentielle. Résidentielles, entendons-nous, car ces logements seront de type HLM mais HLM original et de qualité.
Régis Caillau
Alors, c’est la ville qui avait acheté cette usine dans les années 72, 73. Elle l’a mis à la disposition de l’Office de HLM par un bail à long terme et c’est l’Office de HLM de Lille qui a réalisé la totalité de l’opération, c’est-à-dire aussi bien les logements que les bureaux, que les commerces, que les parkings, que les équipements publics. Il y a un maître d’ouvrage unique qui est l’Office de HLM qui a financé la totalité, et qui ensuite, restitue aux différents intervenants, soit en location, soit en cession directe comme les équipements publics qui retournent à la ville.
Marc Drouet
On a un peu l’impression que ça va donner quelque chose de, disons snob.
Régis Caillau
Hein, je, c’est effectivement un de nos soucis. Par rapport au quartier, on n’a pas encore bien réussi à faire passer l’image logement social dans l’usine. Il y a une sorte de réaction de la part des gens qui ont trop le souvenir du travail qu’ils ont fait dans cette usine pour venir en plus y habiter. Par contre, nous avons beaucoup de demandes de personnes qui sont intéressées par la variété des formes, les appartements un petit peu hors du commun et il faudra que l’on soit particulièrement vigilants sur ce point.
Marc Drouet
Première livraison, dès septembre prochain.