Pierre Bachelet l'interprète des Corons rencontre d'anciens mineurs

26 juin 1982
02m 57s
Réf. 00017

Notice

Résumé :

Pierre Bachelet interprète de la chanson Les Corons évoquant la vie dans les mines dans la région Nord-Pas-de-Calais, a rendu visite à d'anciens mineurs de Fouquières-les-Lens. Il leur explique pourquoi il a écrit cette chanson, tandis que les anciens mineurs lui parlent de leur vie dans ces corons, des coups de grisou, etc. Cette rencontre est entrecoupée de scènes tournées dans les corons et des paysages miniers où Pierre Bachelet chante des extraits de sa chanson.

Date de diffusion :
26 juin 1982
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Pierre Bachelet (1944-2005), compositeur et chanteur français est né à Paris. Après un début de carrière consacré à l'écriture de musiques de publicités et de films, il se lance dans la chanson à la fin des années 1970. Le succès viendra avec son troisième album. Dans celui-ci, Pierre Bachelet, qui a passé son enfance à Calais, a voulu rendre hommage au Pays noir dans une chanson intitulée Les Corons (1982). Il en a écrit la musique et s'en est fait l'interprète, mais les paroles ont été confiées à son parolier habituel, Jean-Pierre Lang. Ce titre devient un tube comme il est courant de le dire à propos d'une chanson très populaire, il sera n°1 au Hit parade en juillet 1982, avant de devenir, au fil des années le véritable hymne de toute une région.

Le texte évoque, à la fois, les joies et les peines de la vie au sein de la communauté des mineurs. Il décrit le bonheur rassurant des maisons du coron, où règnent les mères de famille et la buée des lessiveuses, si importantes tant les vêtements noircis sont difficiles à laver. Le chauffage de l'eau chaude a longtemps été l'une des tâches quotidiennes les plus dures pour les femmes de mineurs qui devaient préparer le bain que leur mari, et leurs fils, prenaient au retour de la fosse, afin de se débarrasser des poussières de charbon qui les recouvraient de la tête aux pieds. Parmi les autres moments heureux de cette vie dans le bassin minier, Bachelet chante les kermesses, souvent appelées "ducasses", au cours desquelles les "gueules noires" oublient, l'espace d'une journée, les chevalements, la houille, la fosse et les terrils, pour se distraire avec les leurs.

L'accident et la maladie professionnelle ne sont pourtant jamais très loin, ils hantent l'existence même d'une vie de houilleur. Le chanteur rappelle, donc, logiquement l'omniprésence du danger qui règne au fond, celui du grisou, ce gaz qui envahit parfois les galeries, comme à "Courrières" le 10 mars 1906, un jour funeste au cours duquel quelques 1 100 travailleurs furent tués, ou, plus près de nous, Fouquières-les-Lens en 1970 évoqué dans ce reportage, et enfin, décembre 1974 à la fosse 3 bis à Liévin, où une explosion se solda par 21 morts alors que la mine n'allait pas tarder à cesser sa production. Bachelet souligne, à juste titre, les ravages causés par la silicose, un mal qui ne fut reconnu officiellement comme maladie professionnelle, qu'en août 1945, alors que les travailleurs en souffraient de plus en plus avec l'utilisation des marteaux-piqueurs qui augmentent la quantité de poussière dégagée lors de l'extraction du minerai. Les syndicats sont montés au créneau dès leur fondation au début des années 1880, Jean Jaurès en tête – n'était-il pas député de Carmaux, ville minière ? – pour défendre la corporation et obtenir des compagnies et des pouvoirs publics une protection digne du labeur que fournissait les "gueules noires" et des dangers qu'ils couraient. De toute cette histoire, Pierre Bachelet s'est fait le conteur.

Petit à petit, la population du Bassin minier s'est approprié la mélodie et les paroles pour en faire un hymne chanté dans les fêtes et les grandes occasions. Au lendemain du décès de Pierre Bachelet, pour lui rendre hommage, les supporters du RC Lens ont chanté Les Corons qui sont depuis ce moment là chantés à chaque match (1).

Pourquoi un tel engouement de la part de générations qui n'ont pas connu la période de l'exploitation minière ? C'est que cette chanson, écrite déjà au passé en 1982, alors que la dernière mine ne fermera qu'à la fin 1990, évoque avec nostalgie, le travail certes fait de larmes et de sang, mais aussi, de façon idéalisée, un monde révolu fait d'entraide et de solidarité.

(1) Les Corons interprétée avec les supporters du RC Lens a été enregistrée sur l'album posthume Essaye.

Diana Cooper-Richet

Transcription

parole
[Chanson] Au nord, c'était les corons.
Intervenante 1
Pourquoi vous écrivez plus particulièrement sur les corons, ça vous avait frappé ?
Pierre Bachelet
Il y avait longtemps que j’avais envie de faire une chanson sur le nord et puis elle a été un peu plus axée sur les mines, mais, ça au départ, c’était une envie de faire une chanson sur le nord. Parce que d’ailleurs, même dans la chanson, moi, je la ressens très, sur une enfance du Nord. Là il s’agit de mines, il s’agit de la mine mais le propos c’est quand même ; c’est quelqu’un qui a eu une enfance quand même assez particulière, parce que ce pays, il est particulier.
(Silence)
Pierre Bachelet
[Chanson] Et c'était mon enfance et elle était heureuse, Dans la buée des lessiveuses, Et j'avais les terrils à défaut de montagne, D'en haut je voyais la campagne. Mon père était gueule noire comme l'étaient ses parents, Ma mère avait des cheveux blancs, Ils étaient de la fosse comme on est d'un pays, Grâce à eux je sais qui je suis. Au nord c'était les corons, La terre c'était le charbon, Le ciel c'était l'horizon, Les hommes des mineurs de fond
Intervenante 1
Et quand on a abattu le chevalet-là, et bien il y a eu beaucoup de mineurs qui ont eu les larmes aux yeux. Toute ma jeunesse est passée dans les corons et je me souviens, quand on livrait le charbon, on voit tous ces tas de charbons alignés aux portes, parce qu’on livrait tout le coron en même temps. Et dans votre chanson c’est un petit ça quoi ! Les corons, le charbon, et c’est vrai, c’est bien ça.
Pierre Bachelet
Ce matin en parlant avec des gens j’étais étonné car en parlant de leur maison, ils ne disaient pas ma maison, ils disaient le coron.
Intervenant 1
Ah oui, il était temps de faire votre chanson quand même parce que les corons, petit à petit…
Intervenante 1
Ils s’en vont.
Pierre Bachelet
Ils vont commencer à disparaître oui.
Intervenante 1
C’est vrai !
Pierre Bachelet
[Chanson] Il y avait à la mairie le jour de la kermesse, Une photo de Jean Jaurès, Et chaque verre de vin était un diamant rose, Posé sur fond de silicose, Ils parlaient de 36 et des coups de grisou, Des accidents du fond du trou.
Intervenant
Ca, le coup de grisou, c’est le drame, c’est le drame et ça me met en souvenir.
Pierre Bachelet
Vous en avez vécu un non ?
Intervenant
J’en ai vécu un justement, celui-ci qui s’est passé le 2 février 1970 au 6 de Fouquières, ici, derrière chez nous là. Et vous savez, c’est...c'est attroce Ça, il vaut mieux ne pas en parler parce que c’est des mauvais souvenirs.
Pierre Bachelet
Oui c’est dur.
Intervenant
C’est vraiment trop dur !