Solidarité des commerçants pour les mineurs grévistes

21 mars 1963
35s
Réf. 00110

Notice

Résumé :

Ce document muet montre la solidarité des commerçants des villes du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, alors que la grève des mineurs dure depuis trois semaines. Ils ont organisé des opérations villes mortes ; on voit différents plans de magasins fermés et d'affiches indiquant la solidarité et l'entre-aide aux mineurs.

Date de diffusion :
21 mars 1963
Source :
ORTF (Collection: JT 13H )

Éclairage

La grève des mineurs du 1er mars au 8 avril 1963 suscite un puissant mouvement d'opinion. Un sondage publié peu après son déclenchement montre qu'elle reçoit l'approbation de 79 % des personnes interrogées. Il n'est donc guère étonnant que beaucoup de Français aident les “gueules noires” à tenir la quarantaine de jours du conflit. Cet élan de solidarité dépasse les frontières nationales. En effet, des pays communistes d'Europe orientale et d'Asie (URSS, RDA, Chine, etc.), des mineurs et des syndicats d'Europe occidentale ou d'Amérique du Nord les soutiennent.

Toute la panoplie des formes de secours est présente. D'abord la solidarité financière. Des collectes sont organisées un peu partout en France. Les municipalités minières, communistes et socialistes, fournissent des fonds. Des rencontres sportives (Red Star-RC Lens) et des spectacles de soutien sont organisés, des artistes versent leur cachet (Richard Anthony, Luis Mariano, Johnny Hallyday...). Enfin, fait remarquable, dans le Nord-Pas-de-Calais, les ingénieurs décident de verser une partie de leur traitement à la caisse de grève.

Les aides en nature sont également pléthore : des vivres et des vêtements sont distribués, des bons d'achat sont fournis par les bureaux d'aide sociale. Et comme lors de la grève de 1948, 23 000 enfants des bassins miniers sont accueillis dans des familles de la région parisienne pendant les vacances de Pâques.

Sur fond d'exploitations désertées et de wagons vides, le document souligne les efforts déployés par les organisations syndicales. Les affiches de FO, ou de la CGT qui en appelle à l'intensification de la solidarité démontrée par la "population minière" en attestent. Au cours des Trente Glorieuses, les grèves aussi longues sont devenues rares. Celle de 1963 remet au premier plan une activité syndicale classique dans les conflits du travail : la recherche des secours.

Surtout, la caméra s'attarde sur des vitrines de magasins fermés, suggérant ainsi la participation active des commerçants aux actions de solidarité. Ceux-ci, particulièrement dans les bassins miniers, viennent régulièrement en aide aux grévistes. Cet univers homogène favorise cette expression classique d'esprit fraternel envers des familles que l'on côtoie quotidiennement et qui font parfois partie de la clientèle. 1963 ne déroge pas à cette habitude, comme le souligne Achille Blondeau, secrétaire de la Fédération du Sous-Sol CGT : "Les commerçants des bassins houillers participent à ce mouvement par des dons, mais aussi en baissant les rideaux lors des manifestations" (1).

L'ensemble des secours distribués par les syndicats est estimé jusqu'à 3 milliards de francs. Plus de la moitié bénéficie au bassin du Nord-Pas-de-Calais. Cela paraît naturel compte tenu de son importance numérique. Mais rapportée à chaque gréviste, la somme perçue se serait élevée à 16 500 francs, soit l'une des plus faibles moyennes au plan national. Les mineurs des petits bassins auraient par exemple disposé de subsides plus conséquents, jusqu'à plus du double pour ceux de l'Hérault ou de l'Aveyron. Pour contribuer à réduire ces écarts, la solidarité au sein même de la profession n'a pas été inexistante : plusieurs dizaines de millions de francs ont en effet été reversés par les petits bassins au profit des plus gros.

Quoi qu'il en soit, dans l'histoire sociale française, ce conflit est singulier. La solidarité atteint des niveaux inégalés. Dans un pays où les caisses de grève syndicales sont habituellement peu remplies, les mineurs, loin de recevoir des sommes couvrant l'intégralité de leur perte de rémunération, ont bénéficié d'un salaire de remplacement non négligeable.

(1) Achille Blondeau, 1963. Quand toute la mine se lève, Paris, Messidor, 1991, p. 67.

Stéphane Sirot

Transcription

(Silence)