La situation tendue entre la CGT et le gouvernement en 1948

novembre 1948
01m 33s
Réf. 00134

Notice

Résumé :

Le climat social en 1948 est mauvais. Les rapports entre le gouvernement et le PCF d'un côté et la CGT de l'autre ne cessent de se détériorer. Différentes coupures de presse confirme ce climat. Les responsables de la CGT sont évincés des postes de responsabilité dans les entreprises nationalisées. Léon Delfosse, administrateur des Charbonnages de France, témoigne de cette situation : il y a un désaccord avec le gouvernement "puisqu'il avait abandonné le bataille du charbon", les produits de première nécessité augmentent, la situation est mauvaise et les ouvriers demandent des augmentations de salaire.

Type de média :
Date de diffusion :
28 novembre 1966
Date d'événement :
novembre 1948
Personnalité(s) :

Éclairage

Une vingtaine d'années après les événements, Léon Delfosse, dirigeant syndical des mineurs du Nord-Pas-de-Calais au moment de la grève des "gueules noires" d'octobre-novembre 1948, offre des causes de cette dernière une interprétation diamétralement opposée à celle proposée par le ministre de l'Intérieur Jules Moch.

Le contexte de tensions politiques de l'après-guerre est souligné. Après avoir participé aux gouvernements de coalition (SFIO-MRP-PCF) depuis la Libération, les communistes n'y sont plus depuis le 5 mai. La Guerre froide entre les États-Unis et l'URSS est déclarée et, en France, l'opposition entre le PCF et le pouvoir est devenue résolue, particulièrement depuis la vague de grèves et événements en France et dans le Nord-Pas-de-Calais de la fin de l'automne 1947.

Cette situation connaît des répercussions au sein des Charbonnages de France. En novembre 1947, Léon Delfosse est relevé de ses fonctions d'administrateur des Charbonnages de France et de directeur général adjoint des Houillères du Nord-Pas-de-Calais. Le mois suivant, le dirigeant de la puissante Fédération CGT du Sous-Sol, Victorin Duguet, démissionne de ses fonctions de Président des Charbonnages de France pour protester contre la politique du gouvernement. L'année 1948 exacerbe encore les contentieux entre ce dernier et la CGT. Le 18 septembre, trois décrets du ministre de la Production Industrielle Robert Lacoste mettent à mal de récents acquis de la profession : le premier prévoit une réduction de 10 % du personnel de surface et des employés administratifs ; le deuxième, qui veut lutter contre l'absentéisme, apporte des modifications au Statut de 1946, en prévoyant le licenciement de travailleurs non présents au travail 6 jours de suite sans justification ou comptant 12 jours d'absence injustifiée, tandis que les mises à pied prononcées par l'exploitant sont rendues immédiatement applicables et non subordonnées à l'accord d'une Commission paritaire ; le troisième remet aux Houillères la gestion du risque "accidents du travail et maladies professionnelles", que le décret du 27 novembre 1946 instituant la Sécurité sociale minière avait confié aux Sociétés de secours minières majoritairement gérées par les élus des salariés (1). Cela s'ajoute à deux récentes circulaires rédigées par le même ministre : celle du 13 septembre 1947 destinée à supprimer le salaire garanti et celle du 13 février 1948 restreignant le droit syndical et les possibilités d'action des délégués-mineurs. En somme, ces décisions sont perçues comme "un retour aux conditions de travail d'avant 1936 et sous l'occupation boche" (2). En outre, l'environnement général est à la hausse des prix et des loyers, à un rythme qui pèse sur le pouvoir d'achat. Bref, les ingrédients suscitant le mécontentement de la profession qui mène depuis la Libération la "bataille du charbon" sont indiscutables.

Avant d'engager l'épreuve de force, la Fédération CGT organise un référendum pour savoir si les mineurs sont prêts à cesser le travail pour obtenir des augmentations de salaire et l'abrogation des décrets Lacoste. Le "oui" l'emporte largement, même si la réalité des résultats est contestée tant par des organes de presse, comme Le Monde, que par le syndicat FO né de la scission de la CGT en décembre 1947. Au-delà de ces polémiques, le débat est au fond tranché par les mineurs eux-mêmes qui, dans tous les bassins, s'engagent le 4 octobre dans leur quasi-totalité dans une longue et âpre grève qui s'achève sur un échec le 29 novembre.

(1) 4 octobre-29 novembre 1948. Grève générale dans les Houillères, Les Cahiers de l'Institut d'Histoire Sociale Minière, n° 15, septembre 1998.

(2) Joël Michel, La mine dévoreuse d'hommes, Paris, Gallimard, 1993, p. 88.

Stéphane Sirot

Transcription

Journaliste
Les rapports entre le gouvernement d’une part, et la CGT et le parti communiste de l’autre ne cessent de se détériorer. Chacun fait à l’autre des procès d’intention. Le gouvernement accuse ses adversaires d’être aux ordres de Moscou. Ceux-ci accusent le gouvernement de s’être vendu aux Américains. Une série de mesure consomme la rupture. Les dirigeants de la CGT, par exemple, sont évincés des postes de responsabilité qu’ils occupaient dans certaines entreprises nationalisées. Monsieur Léon Delfosse.
Léon Delfosse
C’est ainsi que Duguet a été évincé des charbonnages de France ; et que moi-même j’ai été évincé de mon poste d’administrateur de ces mêmes charbonnages de France ; parce que j’étais alors administrateur aux charbonnages de France et administrateur aux Houillères du Nord-Pas-de-Calais ; sous le prétexte que nous étions en désaccord avec la politique du gouvernement, ce qui était vrai. Parce que le gouvernement d’alors avait abandonné justement cette bataille de charbon que nous avions déjà gagné, et que nous voulions encore améliorer.
(Musique)
Journaliste
D’autre part, la situation sociale est mauvaise.
(Musique)
Journaliste
Des ouvriers demandent des revalorisations de salaire.