Visite du Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas dans le Bassin minier

mars 1972
03m 42s
Réf. 00187

Notice

Résumé :

Le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas s'est rendu dans le Bassin minier pour rassurer les mineurs. Interviewé à la fin de sa journée de visite, il annonce la création de 1 000 emplois industriels et assure qu'en 1975 les 6 000 emplois nécessaires seront acquis. Il insiste également sur la nécessaire formation professionnelle des employés des Houillères et le développement de l'industrie chimique.

Date de diffusion :
02 mars 1972
Date d'événement :
mars 1972
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Éclairage

La visite du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas permet d'évoquer la reconversion du bassin minier dans toute sa complexité puisqu'il est question de quatre thèmes : la création d'emplois, la formation professionnelle, le développement des infrastructures et le rôle des collectivités locales.

Le déclin charbonnier est déjà très avancé au début des années soixante-dix, en raison du coût de revient trop élevé de la houille locale. La production régionale est passée d'un maximum après-guerre de 29 millions de tonnes à 9 millions en 1974, tandis que le nombre de mineurs employés par les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais (HBNPC), supérieur à 200 000 en 1947, est tombé à 40 000 en 1974. Il s'agit donc de trouver des emplois pour compenser le déclin charbonnier. Le problème est toutefois atténué par le contexte général de prospérité des Trente Glorieuses, qui durent jusqu'à la crise économique fin 1973. La France connaît alors des taux de croissance supérieurs à 5% par an et un chômage très faible. Le Premier ministre évoque tout d'abord la création d'emplois dans l'ouest du Bassin minier (Béthune, Gosnay, Auchel) car c'est la première zone touchée par les fermetures de puits. C'est là en effet que l'exploitation est la plus difficile et la moins rentable. Dès 1959, l'État encourage l'implantation de nouvelles activités économiques en l'érigeant au statut de "zone spéciale de conversion". Dès la fin de cette année, le manufacturier de pneumatiques américain Firestone décide de s'implanter à Béthune.

Jacques Chaban-Delmas évoque enfin le développement de l'industrie chimique, deuxième pilier de la reconversion après l'automobile. Contrairement à ce dernier secteur, il s'agit d'une activité implantée depuis longtemps dans la région, du fait de la mise en valeur des résidus de l'exploitation charbonnière. L'usine de Mazingarbe (entre Lens et Béthune) qu'il évoque a été ouverte à la fin du XIXe siècle. La synthèse de l'ammoniac à partir de l'hydrogène fourni par les Houillères y a été réalisée dès 1922. Il s'agit donc de renforcer cette activité, et de la diversifier vers d'autres domaines, notamment la plasturgie ou la "chimie organique" évoquée directement par le Premier ministre à travers l'exemple du chlorure de polyvinyle, qui est en fait le PVC (polychlorure de vinyl), un matériau léger, peu cher et résistant. Elle est ouverte en 1976, et complète ainsi la production d'engrais du site. Jacques Chaban-Delmas évoque également les emplois tertiaires, qui se développent plus rapidement que ceux de l'industrie.

Outre l'emploi, la formation professionnelle fait l'objet d'un développement en raison du niveau de scolarisation de la population du Bassin minier est faible car la disponibilité de nombreux emplois non qualifiés n'incitait pas à investir dans l'école. Plus généralement, la formation professionnelle est l'une des priorités du gouvernement Chaban-Delmas, conseillé sur cette question par Jacques Delors. La première loi importante sur la formation professionnelle est d'ailleurs votée en 1971.

Enfin, la question des infrastructures est développée, en relation avec celle des collectivités locales. Les HBNPC gèrent en effet un patrimoine considérable constitué de 113 000 logements, de 1 100 km de voiries, de 22 000 ha de terrains, de 55 églises, d'écoles, d'hôpitaux, de salles des fêtes, ainsi que d'équipements sportifs et culturels. Or, dans le cadre du déclin de l'activité charbonnière, l'enjeu est de transférer aux communes du bassin minier ce patrimoine considérable. Avec la reconversion, elles doivent assumer ces missions de services publics autrefois prises en charge par les Houillères. Selon l'expression du préfet André Chadeau, elles doivent "intégrer progressivement cette partie d'elles-mêmes" en opérant une véritable reconquête de leur territoire. Ces communes sont en effet sous-dimensionnées par rapport aux grandes compagnies minières (privées puis publiques avec les HBNPC) qui opèrent sur leur sol. Hormis un petit nombre de villes anciennes (Béthune, Douai, Valenciennes), elles n'étaient que des villages ou des bourgs avant l'industrialisation du XIXe, et ont donc dû faire face à une urbanisation anarchique, guidée par les seuls besoins de l'exploitation minière. L'enjeu évoqué par le Premier Ministre est de leur transférer progressivement tout ce patrimoine des Houillères. Le principe en a été décidé lors d'un comité interministériel tenu le 10 février 1971. Mais l'État accepte en parallèle de le mettre à niveau par un vaste programme de rénovation des logements de mineurs et d'amélioration de la voirie (transport mais aussi réseaux d'épuration des eaux). Ce travail se réalise en concertation avec les collectivités locales, appelées à jouer un rôle croissant dans la reconversion. La thématique de la décentralisation commence d'ailleurs à être discutée sérieusement en France, alors que le général de Gaulle a quitté le pouvoir en avril 1969 après un référendum qui proposait la création de collectivités territoriales régionales.

Laurent Warlouzet

Transcription

Jacques Chaban Delmas
Bien, sur les emplois, j’ai pu annoncer ce matin la création de 1000 nouveaux emplois industriels entre Béthune, Auchel et Gosnay et qui vont s’ajouter à ceux qui sont dès à présent acquis. Ce qui fait que d’ici 1975, j’ai la certitude que les 6000 emplois industriels nécessaires seront certainement acquis, et c’est une première chose. Deuxièmement, sous l’angle de l’équipement, et précisément pour faciliter l’implantation de nouvelles industries qui entraîneront des activités tertiaires ; qui fourniront aussi beaucoup d’emplois et même probablement plus d’emplois mêmes que l’industrie, comme c’est le mouvement général des mutations économiques modernes ; j’ai annoncé que j’avais décidé d’anticiper de plusieurs années puisque ce n’était pas inscrit au sixième plan la réalisation de la portion d’autoroute de 30 kilomètres environ entre Aix Noulette et Lillers. Ce qui va permettre de désenclaver complètement la région et de venir jusqu’ici depuis Paris en 76 par autoroute. Et c’est pourquoi je disais à l’instant que ça devait faciliter les implantations industrielles et pas seulement pour Auchel, Bruay et Béthune. Enfin, du point de vue de la formation, un très grand effort est engagé et va être développé de telle manière que les jeunes, assurément, puissent arriver au poste de travail. Alors, ce matin, nous avons travaillé avec les syndicats des mineurs d’abord, avec les syndicats des chimistes ensuite ; et j’ai également pu annoncer que le gouvernement était décidé non seulement à soutenir la chimie mais à la développer. C’est ainsi que le tube de synthèse d’ammoniac qui a explosé le mois dernier à Mazingarbe va être remplacé, et d’autre part, que l’on va s’engager dans le domaine de la chimie organique par la création d’une première unité de production de 70 000 tonnes/an de chlorure de polyvinyle. Ce qui évidemment ouvre des perspectives tout à fait nouvelles à la chimie dans la région et des perspectives qui, dans l’avenir, peuvent être très importantes. Voilà en fait le principal de ce qui a été fait sur le plan industrie, emploi, formation. Et puis alors, j’ai également eu des entretiens avec le Président du Conseil général et son bureau, Conseil général du Pas-de-Calais, ont portés sur les problèmes concernant le département ; et également à l’instant avec l’association des communes minières qui joue sur l’ensemble du bassin et de la région. Et nous avons étudié comment nous préparer à résoudre des problèmes aussi importants que le passage des voies et réseaux des Houillères aux municipalités dans l’avenir, aux villes et communes ; et aussi le sort du patrimoine immobilier des Houillères qu’il faut, comme les réseaux et voiries, commencer par remettre en état complètement et moderniser avant de les passer à de nouveaux organismes municipaux ou paramunicipaux et avec tous les problèmes financiers que cela pose. Mais là, nous sommes, nous avons déjà bien commencé à travailler, la concertation est bien établie. Et d’une manière générale, je dois dire que j’ai trouvé ici dans le Nord, je le savais d’ailleurs ça ne m’a rien appris, mais une manière sérieuse de travailler et une concertation qui est déjà très développée dans tous les domaines que je viens d’indiquer. Autrement dit, c’est une matinée qui a été très chargée en travail mais très heureusement.