Edmond Hervé en visite dans le Bassin minier

17 novembre 1981
04m 17s
Réf. 00192

Notice

Résumé :

Au terme d'une journée de travail dans le Bassin minier, Edmond Hervé, ministre chargé des problèmes énergétiques a expliqué qu'il fallait arrêter le déclin de l'activité charbonnière puis relancer l'activité. Sur la question des réserves de charbon, Edmond Hervé répond que des chiffres très différents sont présentés, il propose donc que syndicats, élus, représentants du gouvernement se mettent autour d'une même table et analysent les estimations. Il donne ensuite sa position quant au surcoût à la thermie. Le matin, le ministre est descendu à la fosse 3 de Méricourt à la taille Edmond. Puis il a rencontré entre autres les organisations syndicales : réactions de Jean Pruvost pour la CFDT sur la relance et de Claude Bouin pour la CGT sur le changement en cours.

Date de diffusion :
17 novembre 1981
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Éclairage

L'arrivée au pouvoir de François Mitterrand en mai 1981 s'est traduite par de multiples réformes dans le domaine des mœurs (abolition de la peine de mort, remboursement de l'interruption volontaire de grossesse par la sécurité sociale, dépénalisation de l'homosexualité), des conditions de travail (39h, cinquième semaine de congés payés, lois Auroux) et des structures économiques (nationalisations des principales banques et de nombreuses entreprises industrielles). Devant l'immensité de la tâche, le gouvernement dirigé par Pierre Mauroy a mis en œuvre ces mesures progressivement entre 1981 et 1982.

Le dossier de l'exploitation charbonnière commence a être traité à la fin de 1981 par le gouvernement. Edmond Hervé est le ministre délégué à l'énergie auprès du ministre de l'industrie, Pierre Dreyfus. Il est chargé de porter la bonne parole : celle d'une relance de l'activité charbonnière, en rupture avec la politique de déclin de l'extraction inaugurée par le plan Jeanneney de 1960, et constamment réaffirmée depuis. Il annonce l'affectation de 10 millions de francs à cette politique et l'embauche de 1 000 personnes, soit un programme encore modeste. En effet, les effectifs des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais sont passés d'un maximum après-guerre de 220 000 en 1947 à 40 000 en 1974.

Pour justifier ce changement de politique, Edmond Hervé répond aux questions des journalistes dans le cadre de l'école des Mines de Douai. Deux questions lui sont posées, celle des réserves de charbon et celle du coût d'exploitation. Sur la première, il adopte l'attitude traditionnelle des opposants à la régression charbonnière (avancée notamment par Marcel Barrois en 1969), en demandant une table-ronde pour tirer au clair cette question. Les services des mines n'ont toutefois pas attendu cette exigence rhétorique pour établir les limites géologiques du gisement du Nord-Pas-de-Calais, constitué de couches minces et faillées. Il est moins facile à exploiter que celui de la Ruhr ou même de la Lorraine, où le rendement est plus de deux fois supérieur (4 à 5 tonnes par poste et par jour contre moins de 2 dans le Nord). C'est d'ailleurs à cette époque qu'est décidé de relancer les investissements techniques dans ce bassin de l'Est, où une productivité supérieure à 6 tonnes par poste et par jour sera atteinte dans les années 1990. La seconde question, qui résulte naturellement de ces handicaps géologiques, est celle du coût de revient. Elle est éludée par l'impératif de l'emploi, réaffirmé par le ministre. Effectivement, le taux de chômage, qui était resté longtemps inférieur à 3% jusqu'en 1974, monte régulièrement depuis la crise pétrolière pour atteindre 7% en 1981 et 8% en 1982. Naturellement les deux syndicalistes interrogés après les déclarations du ministre insistent sur ce problème de l'emploi et soulignent les insuffisances des engagements financiers gouvernementaux, même s'ils considèrent que la dynamique est positive. Les travailleurs des mines profitent d'ailleurs des réformes sociales, avec une réduction du temps de travail et une augmentation des congés payés. Le réformisme gouvernemental s'accentue en 1982 avec la nomination d'un communiste, Georges Valbon, à la tête des Charbonnages de France au mois de février de cette même année, et la relance de l'exploitation dans quelques puits. Le déclin charbonnier est ainsi repoussé.

Laurent Warlouzet

Transcription

Edmond Hervé
Vous savez que le gouvernement a proposé au parlement et plus spécialement à l’Assemblée nationale un projet de loi en indépendance énergétique….
Marc Drouet
Douai, à l’école des mines, il y a un peu plus d’une heure. Au terme d’une journée de travail dans le Bassin minier, le ministre chargé des problèmes énergétiques rencontre les journalistes. Avant le jeu des questions réponses, le propos du ministre est clair. Il explique qu'en matière charbonnière, le problème essentiel du moment est d’inverser la tendance, et cela en deux temps. Tout d'abord, arrêter le déclin, puis relancer l’activité, et d’ajouter quelques chiffres à son propos, crédit d’inventaire 1981 - 0 franc, 1982 - 10 millions de francs. Embauche prévue pour 1982 sur le bassin du Nord-Pas-de-Calais - 0, nouvel objectif - 1 000 emplois. Mais cette nouvelle politique charbonnière suscite quelques questions, notamment celle sur les réserves de charbon et leur importance sur le Nord-Pas-de-Calais.
Edmond Hervé
Et nous devons tirer le profit de tout ça. Combien de charbon y a-t-il dans notre sous-sol ? Les différentes organisations syndicales, établissements publics et responsables avancent des chiffres très différents au niveau national et bien évidemment au niveau régional. Dans cette région par exemple, il y a des chiffres très différents qui sont avancés par les uns et les autres. Alors, notre proposition, elle est très simple, c’est que les uns et les autres : organisations syndicales, élus, représentants du gouvernement se mettent autour d’une même table et analysent les documents, les estimations ; pour qu’il y ait si possible un accord pour savoir ce qui existe dans notre sous-sol, ce qui peut être humainement et économiquement exploitable, voilà.
Marc Drouet
Bon alors, autre problème, celui du surcoût, surcoût à la tonne ou surcoût à la thermie. Alors, le gouvernement a dit 2,5 centimes à la thermie. Ici, tout le monde sait qu’on est déjà largement au-dessus de 2,5 centimes dans la plupart des sièges d’extraction. Alors, qu’est-ce qui va en être 2,5 centimes ? Par exemple, ce matin où vous y étiez à Méricourt, on est, je crois, déjà à 3,2 centimes.
Edmond Hervé
Alors, c’est vrai que nous avons pris une référence moyenne qui constitue aujourd’hui un objet de négociation avec Charbonnages de France. Et il faut savoir comment cette technique du surcoût sera appliquée, soit au niveau national, soit au niveau des bassins locaux. Ce que je peux vous assurer, c’est que dans les négociations et les conclusions que nous tirerons, l’objectif et l’impératif emploi joueront un rôle déterminant.
Marc Drouet
La journée du ministre a débuté ce matin à la fosse 3 de Méricourt. Descente juste après l’équipe du matin, de 7 heures à 10 heures, le ministre va parcourir la taille Edmond 21 par moins 760 m de profondeur. A la montée, il fait part de ses observations notamment sur les conditions de travail difficiles qu’il a pu observer au fond. La fin de matinée et le début d’après midi vont être consacrés à deux réunions. D’une part, le ministre chargé des problèmes énergétiques va rencontrer le conseil d’administration des Houillères du Nord-Pas-de-Calais. D’autre part, il va recevoir les organisations syndicales des mineurs, FO, CFTC, CGC, CFDT et CGT.
Edmond Hervé
Cette région est une région qui est riche, qui est riche de son expérience.
Jean Pruvost
Je pense pouvoir dire que l’ensemble des organisations syndicales a pu exprimer au ministre d’une part, la nécessité d’une certaine relance ; en soulignant toutefois que les objectifs étaient différents. Puisque nous, par exemple, en ce qui nous concerne, nous pensons qu’à l’horizon 90, la production peut se situer aux alentours de quatre à cinq millions de tonnes. Les syndicats ont également demandé des moyens. La relance de la production charbonnière dans la région du Nord-Pas-de-Calais ne peut se faire sans moyens. Et également, nous avons insisté pour que les conditions de cette relance ne se fassent pas non plus n’importe comment.
Claude Bouin
Sans aucun doute, il y a eu des choses nouvelles. Le ministre nous a fait remarquer qu’il y avait un changement par rapport à la politique antérieure. Nous mesurons ce changement sans aucun doute, il y aura mille emplois supplémentaires qui seront créés dans le bassin du Nord-Pas-de-Calais. Mais nous considérons que cela est insuffisant pour relancer l’économie de la région, pour relancer la production charbonnière ; et surtout pour créer tous les emplois qu’il est nécessaire de créer dans cette région.