La cokerie de Drocourt transformée en société anonyme

18 avril 1990
02m 11s
Réf. 00200

Notice

Résumé :

La cokerie de Drocourt est vieille d'un siècle et ses 200 fours produisent sans discontinuer de la coke. Désormais le charbon vient des États-Unis. Elle se sépare désormais de la tutelle de Charbonnages de France en devenant une société anonyme "Cokes de Drocourt SA". Jack Verlaine, président des Houillères : "l'extraction du charbon est terminée, il reste des activités qui peuvent être maintenues très longtemps, il faut donc les mettre en sociétés anonymes". Ce transfert n'est pas sans conséquences pour les ouvriers qui vont devoir abandonner le statut du mineur. Un accord d'entreprise a été signé par tous les syndicats à l'exception de la CGT. Jack Verlaine affirme que l'emploi sera maintenu.

Date de diffusion :
18 avril 1990
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Éclairage

La cokerie de Drocourt (près d'Hénin-Beaumont), ouverte à la fin du XIXe, illustre l'ancienneté de la diversification des activités industrielles dans le Bassin minier. Une cokerie sert à fabriquer du coke, tiré du chauffage à haute température (1 000°C) du charbon en l'absence d'air. Il s'agit donc en fait de charbon dépossédé de certaines de ses matières volatiles. Le coke est indispensable pour l'industrie sidérurgique. Mélangé au minerai de fer dans un haut-fourneau, il permet de produire de la fonte ou de l'acier. Par rapport à l'exploitation charbonnière, il s'agit donc d'une activité d'aval, au même titre que l'usine chimique de Mazingarbe par exemple.

Mais la fin de l'extraction charbonnière dans le Nord-Pas-de-Calais oblige la cokerie à s'adapter à un nouvel environnement économique. En effet, le prix de revient trop élevé du charbon du bassin septentrional a entraîné une baisse rapide de la production. Le maximum de 29 millions de tonnes atteint à la fin des années cinquante est divisé par trois en 1974, avec 9 millions de tonnes. Cette année-là, le gisement lorrain, dont les veines sont plus facilement exploitables, dépasse le bassin du Nord-Pas-de-Calais. La fermeture des mines est alors prévue pour 1983. Entre la fin de 1981 et le début de 1983, une courte relance charbonnière est mise en œuvre mais elle ne fait que repousser l'échéance de quelques années. A l'époque de l'émission, il ne reste que six mois d'activités au dernier puits du Nord, à l'Escarpelle et huit mois pour Oignies, la dernière fosse à fermer, en décembre 1990. La cokerie doit alors importer du charbon de l'étranger, en l'occurrence des États-Unis.

Cette mutation industrielle s'accompagne d'une transformation juridique. L'entreprise-mère, les Charbonnages de France (CdF), filialise la cokerie en la transformant en société anonyme à capitaux publics. L'objectif est, à terme, de la vendre à des investisseurs privés. Comme l'explique Jack Verlaine (1) : "l'extraction du charbon est terminée, il reste des activités qui peuvent être maintenues très longtemps, il faut donc les mettre en sociétés anonymes".

Sur le plan social, ce transfert n'a pas de conséquences à court terme en termes d'emplois car la cokerie avait déjà été très largement restructurée auparavant. Mais les employés doivent abandonner le statut du mineur, obtenu en 1946 après de nombreuses luttes sociales, d'où l'opposition de la CGT à ce transfert.

Le dernier enjeu est celui de la pérennité d'une activité de cokerie à Drocourt, alors que l'entreprise est loin de ses sources d'approvisionnement (mines de charbon) comme de ses débouchés principaux (sidérurgie) avec la fermeture de nombreuses usines dans la région. Il reste certes Usinor à Dunkerque mais cette usine a été établie dans un port justement pour faciliter ses importations de matière première de l'étranger. La cokerie ferme finalement en 2003, ce qui entraîne un plan social pour 400 personnes. D'autres perspectives de développement des activités des Houillères sont cependant mentionnées dans le reportage comme la vente de remblais pour le futur TGV Nord. Cette ligne, mise en service en 1993 et prolongée au-delà de Lille vers la Grande-Bretagne, le Benelux et l'Allemagne, symbolise la nouvelle vocation du Nord-Pas-de-Calais comme carrefour européen, une autre piste pour la reconversion économique de la région.

(1) Jack Verlaine est le dernier directeur général des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, de 1984 à la fin de 1992, deux années après la fin de l'exploitation charbonnière.

Laurent Warlouzet

Transcription

Benoît Gadrey
Du charbon en fusion à plus de 1 000 degrés, on appelle cela le saumon, c’est en fait du coke. Un produit qui sert principalement à la fabrication de la fonte, mais aussi à la confection d’autres matériaux, comme la laine de roche. La cokerie de Drocourt existe depuis la fin de XIXème siècle. Ces 200 fours ne connaissent pas de répit, puisque la production exige le maintien de la température. Le charbon qui est utilisé ici vient des Etats-Unis. En France, on ne trouve plus de charbon de coke. Longtemps sous l’emprise des Houillères du Nord-Pas-de-Calais, société d’Etat, la cokerie prend aujourd’hui le large. Forte de ses résultats positifs, elle devient une entreprise à part entière ; une société anonyme, pour l’instant à capitaux publics, mais avec l’idée d’attirer à terme des investisseurs privés.
Jack Verlaine
L’extraction du charbon, c’est terminé, puisque le gisement a été épuisé. Il reste des activités qui peuvent être maintenues très longtemps. Et il faut donc les mettre en société anonyme et les sortir de l’établissement public qui a été créé, rappelons-le, pour extraire du charbon.
Benoît Gadrey
Ce transfert juridique n’est pas sans conséquence pour les 600 ouvriers de la cokerie. Ils vont devoir abandonner le statut très protégé du mineur pour adhérer à une convention collective classique. Cela fait l’objet d’un accord d’entreprise, signé par tous les syndicats à l’exception de la CGT.
Jack Verlaine
L’effectif de la cokerie sera maintenu. L’effort de restructuration a été fait dans les deux ou trois dernières années lorsque nous avons abandonné la production de coke au fourneau. Actuellement, nous sommes sur un régime de croisière au niveau de l’effectif.
Benoît Gadrey
Avec cette filialisation de la cokerie, l’Etat se désengage un peu plus dans l’industrie minière. Prochaine étape, les terrils utilisés comme remblais notamment pour le TGV Nord avec la création d’une nouvelle société anonyme.
(Bruit)