La conversion industrielle : l'exemple de l'usine Renault de Douai

12 juillet 1974
02m 45s
Réf. 00208

Notice

Résumé :

Une nouvelle usine Renault est en construction à côté de Douai, complétant l'unité ouverte en 1971. M Christian Beullac, directeur général de Renault pense que la crise de l'automobile sera éphémère avec la reprise économique. L'industrie automobile est un facteur important de la conversion de la région.

Date de diffusion :
12 juillet 1974
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Éclairage

L'origine de l'implantation de l'automobile dans la région est bien la baisse des effectifs employés aux Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais. Ils passent d'un maximum de 220 000 employés en 1947 à 62 000 en 1972. Comme les autres activités traditionnelles de la région (agriculture, sidérurgie, textile) perdent également des emplois, dans une proportion cependant inférieure aux mines pour le moment, il paraît nécessaire de trouver de nouvelles activités. L'automobile paraît toute indiquée. Il s'agit d'une industrie fortement demandeuse de main d'œuvre et qui est alors en plein essor. Le taux d'équipement des ménages en automobile est ainsi passé de 24% en 1954 à plus de 53% en 1968.

Certes, le contexte économique se dégrade en 1974. La crise pétrolière s'est déclenchée quelques mois plus tôt, à l'automne 1973. Cependant, en juillet 1974, on croit encore que les difficultés seront passagères, et que la reprise sera rapide. C'est l'opinion de Christian Beullac, directeur général adjoint de Renault, interviewé dans ce reportage, et c'est celle de nombreux responsables politiques et économiques, convaincus que le rythme de croissance de ce qu'on appela par la suite les "Trente Glorieuses" peut être poursuivi. Le chômage reste encore faible, même s'il commence une montée inexorable. Il paraît donc tout à fait réaliste de trouver de nouveaux relais de croissance à l'activité minière par le développement de la filière automobile même si des "esprits chagrins" évoquent son déclin. Christian Beullac fait ici certainement référence aux premiers écologistes et aux tenants des "limites à la croissance", du nom du célèbre rapport de 1972 pour le Club de Rome, qui soulignait les failles du modèle productiviste. Il est certain que le secteur automobile a vu son expansion entravée par la crise pétrolière, mais il reste dynamique, notamment en se réorientant vers des petits modèles peu gourmands en carburant comme la Renault 5, évoquée ici.

Les raisons techniques qui ont poussé Renault à choisir Douai comme lieu d'implantation sont multiples. Tout d'abord, les salaires sont moins élevés qu'en région parisienne et la main d'œuvre est habituée au travail industriel. Ensuite, la situation géographique est favorable alors que les droits de douane ont disparu entre la France et les cinq autres pays du Marché commun (Allemagne de l'Ouest, Belgique, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) dès juillet 1968. Le processus touche même la Grande-Bretagne depuis 1973. Entre une Île-de-France toujours prospère et une Europe du Nord-Ouest dense et dynamique, le Nord-Pas-de-Calais apparaît idéalement placé. Renault suit d'ailleurs l'exemple donné par Opel, qui s'est installé dans le bassin minier de la Ruhr, à Bochum, quelques années auparavant. Une autre raison est l'action des acteurs locaux. Les Houillères et les communes mettent à disposition des entreprises des terrains aménagés. C'est le cas de la ville de Douai qui, avec les communes voisines, transforme des terrains agricoles en zone industrielle. C'est là, et non pas sur des anciennes zones minières, que s'installera Renault.

Le gouvernement français associe la politique industrielle de soutien au secteur automobile avec les objectifs d'aménagement du territoire : les nouvelles usines devront être construites dans des régions sous-industrialisées ou en reconversion, comme le Nord-Pas-de-Calais. Cela explique que s'installent en quelques années, entre 1969 et 1972, Renault à Douai, la Française de mécanique (issue d'un partenariat entre Peugeot et Renault) à Douvrin (entre Lens et Béthune), la Société des transmissions automatiques à Ruitz (près de Béthune) et Simca (à l'époque possédé par Chrysler) à Hordain (entre Valenciennes et Douai). Par la suite viendront s'ajouter deux sites proches de Valenciennes, l'usine Peugeot Sevelnord en 1993, et l'usine Toyota en 1998. Dans les années 1970, la répartition géographique de ces usines permet à leurs différents bassins de recrutement de ne pas trop se chevaucher. Tout le Bassin minier est concerné, alors que c'était surtout l'ouest qui connaissait un déclin de son activité charbonnière au début des années 1960, avec d'ailleurs une première implantation liée au secteur automobile incarné par Firestone à Béthune.

Les résultats de cette implantation industrielle sont assez concluants. L'entreprise emploie alors 7 000 personnes, et occupera jusqu'à 8 300 employés en 1983, ce qui est cohérent avec les déclarations de Christian Beullac. Toutefois, les embauches d'anciens mineurs de fond sont relativement faibles, surtout s'ils ont passés de nombreuses années au fond. L'entreprise ne veut pas s'encombrer de salariés susceptibles de développer de lourdes maladies professionnelles. Enfin, le réseau de sous-traitants de Renault reste largement national, même si l'implantation de cette usine a pu générer un certain effet d'entraînement local. L'usine de la Régie Renault de Douai reste le symbole de la reconversion par l'automobile, qui marque durablement le paysage économique local.

Laurent Warlouzet

Transcription

(Silence)