Le régime minier

23 janvier 2003
03m 20s
Réf. 00277

Notice

Résumé :

Les employés des Charbonnages bénéficiaient du régime minier crée en 1946. Ce régime de retraite est une spécificité régionale qui permet aux mineurs retraités de disposaient du logement, du chauffage et des soins médicaux gratuits. Aujourd'hui, le régime de retraite est largement déficitaire faute de cotisants. Ses gestionnaires attendent qu'il disparaisse, lorsqu'il n'y aura plus d'ayants-droits. Reportage chez Claude Bouin, mineur retraité. Au syndicat des mineurs CGT à Grenay, Raymond Frackowiak fait remarquer que sans la corporation minière à la Libération, la France aurait eu du mal à se redresser. On estime que la dernière veuve de mineur recevra la dernière pension en 2045.

Type de média :
Date de diffusion :
23 janvier 2003
Personnalité(s) :

Éclairage

Lorsqu'à la Libération, les mineurs se retrouvent en situation de force, étant donnés les besoins en charbon du pays, leurs organisations syndicales obtiennent plusieurs choses. Il s'agit d'une part de la grande convention collective nationale que constitue le Statut du mineur, décrété le 14 juin 1946 et qui comprend, entre autres, certains avantages en nature (logement et chauffage gratuits). D'autre part, dans la lignée de la particularité affirmée par le Statut, ces organisations obtiennent la pérennisation d'un régime spécial au sein de la nouvelle Sécurité sociale (octobre 1945). Ce régime, qui naît avec le décret du 27 novembre 1946, est adossé à un certain nombre de dispositions antérieures (1) : la loi de 1894 qui organise la prise en charge de la vieillesse et de la maladie au sein de la corporation minière, la loi de 1914 qui crée une Caisse de retraite autonome pour les ouvriers mineurs. Le décret de 1946 reprend ce modèle et donne naissance à une Caisse autonome de Sécurité sociale dans les mines (CANSSM). Celle-ci gère les retraites : l'âge de départ et le calcul des pensions tiennent compte des spécificités de la profession ; les retraités continuent de surcroît à bénéficier, comme les actifs, des avantages prévus par le Statut du mineur. La CANSSM supervise par ailleurs le réseau des sociétés de secours minières, dont la genèse remonte au XIXe siècle. Ce sont ces sociétés de secours qui, au niveau local et régional, couvrent le risque maladie, gèrent les médecins salariés par elles et toute une série d'infrastructures sanitaires (pharmacies, centres de soin). Le régime de la Sécurité sociale minière et le Statut du mineur sont en théorie deux éléments différents. Cependant ils se confondent la plupart du temps aux yeux de la population minière et de l'extérieur : tous deux symbolisent la reconnaissance par la collectivité de la singularité des mineurs et de leur rôle dans la prospérité du pays.

Mais la disparition progressive de la profession fragilise peu à peu cet ensemble. Le principal problème rencontré par le régime minier est la dégradation constante du rapport entre actifs, c'est-à-dire cotisants, et bénéficiaires des prestations. En 2011, le régime compte 330 000 retraités et plus de 172 000 affiliés maladie pour seulement 10 000 cotisants, un nombre qui se réduit sans cesse (2). Dans ces conditions, les 1,7 milliards d'euros versés au titre des retraites (1,6 milliards pour la maladie) sont essentiellement financés par l'État et le régime général de la Sécurité sociale (3). A ce déséquilibre irréversible s'ajoutent d'autres questionnements touchant à l'avenir de l'offre de soin dispensé auparavant par les sociétés de secours ou encore à la pérennité des avantages en nature que le Statut du mineur prévoit pour les retraités. Les pouvoirs publics tentent autour des années 2000 de trouver des solutions de transition, ainsi avec la création en 2004 de l'ANGDM (Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs), qui reprend les anciennes obligations de l'employeur. Mais la tendance plus générale est à l'effacement de la particularité du régime social minier et à la prise en charge des missions qui lui sont encore dévolues pour quelques décennies par d'autres institutions : la Caisse des dépôts et consignations pour les retraites, le régime général de la Sécurité sociale pour la maladie.

(1) Diana Cooper-Richet, Santé et retraite des mineurs, Montreuil, VO Éditions, 1995.

(2) Le Monde, 19 octobre 2011.

(3) Cour des Comptes, La fin des activités minières : rapport au président de la République, Paris, Direction des Journaux officiels, décembre 2000, p. 73-76.

Marion Fontaine

Transcription

Cédric Faiche
Justement aux mineurs, on va s’intéresser à ce régime spécial. Il est né en 1894 et il disparaîtra à la mort du dernier mineur retraité. Ils bénéficient de nombreux avantages en nature dont on va parler, et ils se battent pour les conserver. Christelle Sabarots et Cécile Montpellier.
Claude Bouin
Voilà, ici vous êtes dans le jardin, et vous avez le puits de mine qui est juste là. Le puits 11 qui est en métal et à côté la tour d’extraction du 19 de Lens. Et c’est là que j’ai passé une partie de ma carrière à la mine donc….
Christelle Sabarots
C’était quand ?
Claude Bouin
Je suis resté à côté. Ben, j’ai commencé à la mine en 1953 et j’y suis resté jusqu’à 1988.
Christelle Sabarots
Après 34 ans au fond, Claude a pu prendre sa retraite à 50 ans. 14 ans plus tard, il bénéficie toujours des avantages du régime minier, gratuité du logement, du chauffage et des soins médicaux. La retraite minière fait donc partie d’un tout, le statut du mineur instauré en 1946. C’est cette particularité que Claude défend en tant que syndicaliste.
Claude Bouin
Il y a les acquis qu'y a autour, mais il y a l’esprit mine aussi qui compte. Je veux dire, on est mineur, donc on est attaché à tout ce qui est à la mine. Même ma retraite, si elle était la moitié de ce qu’elle est, j’y serais attaché quand même. Bon, j’espère bien que ce ne sera pas le cas demain. Il faut continuer à se battre pour maintenir et avoir des retraites dignes de notre époque et du travail qu’on a fait quand même. Mais on restera très attaché à notre statut des mineurs, quoi, hein!
Christelle Sabarots
La retraite minière est créée en 1894, et petit à petit, des caisses de secours prennent en charge les soins. La caisse autonome est créée dès 1914, des avancées sociales liées à la pénibilité du travail et à la nécessaire pérennité de l’activité. Après la Seconde Guerre mondiale, la Bataille du charbon doit relever la France. Les mineurs assument la mission, mais demandent des compensations.
Claude Bouin
Ces acquis, ce n’est pas quelque chose qu’on a donné volontairement aux mineurs. Les mineurs ont décroché ça par l’action, par la prise de conscience. Et c’est quelque chose qui leur était, de toute façon, dû ; mais ils ont dû se battre pour l’obtenir. Alors ça, c’est à défendre.
(Musique)
Christelle Sabarots
La fermeture des puits met en péril le régime minier. Aujourd’hui, on compte 5 % d’actifs pour 95 % de retraités. La caisse autonome est donc presque totalement financée par d’autres régimes. A la permanence, CGT de Grenay, Raymond Franckowiak aide les anciens mineurs à constituer leurs dossiers de retraite. Il n’est pas certain que le régime échappe à une réforme, il le sent même menacé.
Raymond Franckowiak
Quand on n’est plus en capacité d’avoir un rapport de force, le politique ne se gêne pas pour s’attaquer aux acquis. Mais j’espère qu’ils auront au moins la décence de reconnaître que la corporation minière a quand même eu un métier très difficile ; et que sans cette corporation minière après la Deuxième Guerre mondiale, la France aurait eu du mal à se redresser, puisque tout reposait sur le charbon.
Christelle Sabarots
6 % des mineurs disparaissent chaque année, le régime s’éteindra donc lentement. On sait déjà que c’est une veuve qui percevra la dernière pension, ce sera en 2045.