Dossier sur la silicose

06 octobre 2006
03m 11s
Réf. 00282

Notice

Résumé :

La silicose tue encore et les anciens mineurs comme Claude Beauchamp doivent supporter des traitements très lourds. La clientèle de Denis Voisin, médecin généraliste est encore constituée pour un quart de mineurs touchés. Progressive et irréversible, la silicose s'évalue grâce aux radiographies des poumons ou aux tests respiratoires. C'est à partir de là qu'on définit le taux de la maladie, souvent contesté par les malades, et qui sert de barème d'indemnisation pour les mineurs ou leurs épouses. C'est la Sécurité sociale minière qui gère ces dossiers comme l'explique le docteur Jean Poiret de l'Union régionale des sociétés de secours minières.

Date de diffusion :
06 octobre 2006

Éclairage

Les effets de la silicose ne cessent pas avec la fin de l'exploitation minière. Le traitement social et institutionnel de la maladie s'exerce cependant à partir des années 1980 dans un cadre sensiblement différent de celui qui prévalait auparavant (1). L'effacement progressif des Houillères met fin pour commencer à un type de gestion exceptionnel et très contesté. Sans doute la silicose est-elle reconnue comme maladie professionnelle par l'ordonnance du 2 août 1945. Mais, dès 1948 (décrets Lacoste) la gestion du risque maladie du travail/accident professionnel (et donc celle de la reconnaissance des taux d'invalidité dus à la silicose) est en grande partie dévolue aux Houillères et à leurs représentants. Il faut attendre le décret du 27 mars 1987 pour que la reconnaissance et la mesure de la silicose soient confiées à la Sécurité sociale minière, via les Union régionales des sociétés de secours minières (URSSM) et leurs médecins affiliés. La gestion de la maladie se fait plus ouverte ; elle est marquée en même temps par une nouvelle pluralité (rôle croissant de la médecine privée). Pourtant la mesure de la gravité et de l'évolution de la silicose demeure une affaire complexe et les discordances perdurent entre les taux d'invalidité (et les barèmes d'indemnisations afférents) mesurés par l'institution et ceux qui sont ressentis et revendiqués par les individus.

Ces discordances, et les négociations ou les conflits qui en découlent, jouent toutefois dans un contexte radicalement modifié. Après la fermeture, les trajectoires des silicosés sont d'abord celles des retraités. La silicose n'est plus un paramètre dans la gestion économique d'une main d'œuvre active ; elle devient un élément dans la gestion sociale d'une population sortie de l'emploi (les anciens mineurs et leurs ayant-droits, les femmes en particulier) et devenue dépendante des prestations collectives. Dans ces circonstances, les débats liés à la maladie se transforment. Les questions ne tiennent plus guère à l'évolution des carrières ou à la dénonciation de l'arbitraire de l'institution minière. Elles portent sur la reconnaissance a posteriori de la maladie, notamment pour des populations "oubliées", tels que les mineurs marocains. Elles relèvent aussi de problèmes plus généraux touchant au déséquilibre croissant du régime minier et à la dépendance d'une population fragilisée à l'égard des prestations sociales (ainsi le stéréotype de la veuve de mineur aidant enfants et petits-enfants grâce aux indemnités qu'elle perçoit pour la silicose de son défunt mari).

Au-delà de cela, et même si son souvenir commence à s'estomper dans les mémoires, la silicose, qui fut sans doute la plus grande maladie du travail dans la France du XXe siècle, conserve un statut symbolique particulier. Incarnation du martyr du mineur et des dommages causés par le travail du fond, elle demeure la maladie professionnelle par excellence, seule l'amiante soutenant avec elle la comparaison en matière de mortalité et de coût pour la collectivité. Par maints aspects d'ailleurs, le traitement institutionnel et social de la silicose a constitué la matrice de celui qui a été ensuite appliqué à l'amiante. Pour l'année 2004 on comptait encore 480 reconnaissances de silicose, et presque autant de décès imputables.

(1) Paul-André Rosental, Jean-Claude Devinck, "Statistique et mort industrielle. La fabrication du nombre de victimes de la silicose dans les Houillères en France de 1946 à nos jours", Vingtième Siècle. Revue d'histoire, n°95, 2007, p. 75-91.

Marion Fontaine

Transcription

Chistelle Massin
Une maladie malheureusement indissociable de l’histoire minière de la région, on parle bien sur de la Silicose. Vendredi à Billy-Montigny, la CGT a organisé des assisses sur ce thème, l’heure est aux revendications. Il faut savoir que la maladie tue encore dans la région. Des années après, les anciens mineurs doivent supporter des traitements très lourds. Maladie professionnelle par excellence, le parallèle s’impose évidemment avec l’amiante, la silicose qui fait l’objet de réparations financières. Les soins, les pensions versées ont un coût souvent important. Une maladie qui pourrait ensuite tomber dans l’oubli. Elle s’éteindra dans quelques années avec la disparition des anciens mineurs. Joël Picon et Marie Candisse Delouvrié et Jean-Stéphane Maurice.
Journaliste
Jusqu’à quatre fois par jour, la même manipulation, quelques minutes d’oxygène pour soulager le cœur de Claude. Comme son père, mineur avant lui, il est silicosé à 35 %. Un taux qui n’a pas bougé depuis presque 10 ans, mais lui il considère que sa maladie s’est aggravée.
Claude Beauchamp
Il m’en faut au moins, je ne sais pas 10, ou bien 20 %.
Marie Candice Delouvrié
Vous estimez que vous êtes silicosé à combien aujourd’hui ?
Claude Beauchamp
A plusà au moins à 60, on le sent bien surtout à l’effort ; même au repos hein! Ah oui, même au repos je suis souvent essoufflé.
Journaliste
Claude est descendu au fond à l’âge de 16 ans. Déboiseur, il a été particulièrement exposé aux poussières de silice des machines d’extraction. Le Nord-Pas-de-Calais concentre la majorité d’anciens mineurs touchés en France. Plus de 8 000 l’an passé. Selon les prévisions, ils seront encore un millier d’ici 2019.
Denis Voisin
La respiration, comment ça va en ce moment ?
Journaliste
La clientèle de ce médecin généraliste est encore constituée, pour un quart de mineurs touchés. Progressive et irréversible, la silicose s’évalue grâce aux radios des poumons ou aux tests respiratoires.
Denis Voisin
On voit souvent des patients silicosés à un taux environ de 40 % par exemple qui sont bloqués au fond de leur cuisine à ne pas pouvoir respirer au moindre effort. Alors que d’autres, qui sont silicosés à 90 % font du vélo. Alors, on a des discordances considérables entre le handicap fonctionnel et le handicap avéré par la radio.
Journaliste
Le problème, c’est que ce taux sert de barème d’indemnisation pour les mineurs et leurs épouses. A titre d’exemple, la veuve d’un mineur silicosé à 80 % perçoit aujourd’hui 1 500 € par mois en plus de la demi-retraite de son mari, soit 2 000 € au total. Et ce n’est pas le médecin traitant qui fixe cette somme, mais la Sécurité Sociale Minière qui gère des milliers de dossiers.
Jean Poiret
Ce n'est pas lié finalement au prorata du travail qu’ils ont effectué. De toute façon, c’est lié évidemment à leur atteinte médicale. Et je crois qu’effectivement, tout mineur qui a travaillé à la mine a énormément donné de sa personne.
Claude Beauchamp
On a donné beaucoup de nous pour notre métier de mineur. Le mineur a donné énormément beaucoup tout ça. On a relevé le pays et puis tout ce qui s’en suit.
Journaliste
Lors de ses exercices quotidiens, Claude pense souvent à ce lourd tribut et à sa juste reconnaissance. L’an passé, la silicose a encore tué 300 mineurs dans la région.