La Première Guerre mondiale et la reconstruction dans le Bassin minier

19 janvier 1973
02m 18s
Réf. 00319

Notice

Résumé :

Après une évocation à base d'archives des années précédant les destructions de la Première Guerre mondiale dans les mines du Nord-Pas-de-Calais, Augustin Viseux raconte comment il a commencé à travailler à cette époque à la fosse 9 de Lens. Le bassin minier est alors en grande partie détruit, et il faudra sept ans pour sa reconstruction.

Type de média :
Date de diffusion :
19 janvier 1973
Personnalité(s) :

Éclairage

Champ de bataille dès l'automne 1914, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais n'était plus qu'un champ de ruines à l'automne 1918. L'artillerie, surtout celle des Anglais, a rasé puits et cités. L'occupant a procédé à une dévastation systématique, déporté la population, démonté ce qui pouvait être envoyé en Allemagne, fait sauter les plus beaux puits du Pas-de-Calais par peur de communications souterraines avec les lignes anglaises, s'est acharné sur ceux du Nord lors de sa retraite. A la fin des hostilités, la moitié des logements ouvriers sont détruits , les chevalements sont engloutis dans des entonnoirs de trente mètres de diamètres, il n'y a plus de voies de chemin de fer et l'eau a envahi les travaux.

Or la France a besoin de charbon. L'ouest du bassin, autour de Bruay, jamais occupé, est épuisé par l'effort fourni. Vient le temps de la reconstruction. Elle s'effectue avec une rapidité surprenante, au vu de l'ampleur des destructions. C'est une œuvre collective, menée dans une sorte de ferveur qui prolonge l'union sacrée, par une population qui déploie une énergie formidable à relever les ruines et par des dirigeants politiques et industriels dévoués corps et âme à la mine. Ainsi, le plus prestigieux d'entre eux sans doute, Élie Reumaux, agent général des mines de Lens depuis 1898 était resté dans sa ville aussi longtemps qu'il l'avait pu, assistant au dynamitage du puits qui portait son nom. Évacué vers la Belgique, il rentra en France par la Suisse et en profita pour y commander au passage les pompes qui permettraient de dénoyer au plus vite les mines de Lens. Ce dénoyage n'est terminé qu'en 1927, mais deux ans auparavant, le Bassin a retrouvé son niveau de production de 1913.

Et cette reconstruction ne se fait pas à l'identique. Les machines neuves sont plus puissantes, d'audacieux chevalements métalliques, les "belles de fer" proclament la fierté du bassin. Les installations annexes, limitées avant la guerre, se multiplient : les compagnies développent la production de coke, valorisent les dérivés de la houille et du goudron, construisent des centrales thermiques et de vastes usines carbochimiques. Le progrès se manifeste aussi dans l'urbanisme. Les corons détruits font place, surtout dans le Pas-de-Calais, aux cités pavillonnaires qui donnent au bassin sa physionomie définitive. Près de 80 000 logements, soit 30 000 de plus qu'avant la guerre, abritent désormais la majorité des mineurs.

En faisant table rase du passé, la guerre a permis à la mine de renaître plus forte. Un dynamisme nouveau s'empare de l'industrie, un sang neuf vient l'irriguer : à côté des vielles familles qui poursuivent la tradition minière, les immigrants polonais, de la Ruhr ou de campagnes lointaines, lui donnent un autre visage.

Joël Michel

Transcription

Journaliste 1
Au fond des puits, les générations se succèdent, les fils vont rejoindre leurs pères. En 1923, 30 ans après son père, le galibot Augustin Viseux va descendre à son tour de la mine mais une rude tâche l’attend. La guerre de 1914-1918 a fait du Bassin un champ de ruines après en avoir fait un champ de bataille.
(Musique)
Journaliste 2
Bon c’est ici Monsieur Viseux qu’a commencé votre carrière alors ?
Augustin Viseux
Oui, c’est ici à la fosse 9 de Lens. Quand nous sommes revenus en 1919 au mois de mars, tout ça n’était qu’un champ de ruines, de ferrailles, vous avez vu d’ailleurs les photos.
Journaliste 1
Les obus se sont acharnés sur les chevalements, les ateliers et les corons. Dans la partie qu’ils occupaient, les Allemands en retraite ont parachevé les destructions. La guerre terminée, le bilan est le suivant. 103 fosses détruites, galeries inondées sur des milliers de kilomètres, mille milliers de mètres cubes d’eau, soit le débit de la Seine à Paris durant les trois mois d’été. De 27 millions de tonnes de charbons en 1914, la production n’est plus que de 8 millions en 1918. Il faudra 7 années d’immenses efforts pour reconstruire la région dévastée.
Augustin Viseux
La vie en temps-là était difficile, nous vivions dans les caves ou dans les baraques plus ou moins bien installés. Et on a commencé à remonter du charbon vers 1921-1922. En ce temps-là je travaillais dans une entreprise, j’avais 12 ans, et je suis venus ici à 14 ans.
Journaliste 2
Et votre premier travail c’était quoi ?
Augustin Viseux
Et bien, mon premier travail, c’était déballeur au pied d’un plan incliné. Bien sûr, pour ça, il avait fallu que je récite mon règlement à mon porion, à mon chef de coupe, pour voir si j’étais capable sans danger de tenir ce poste-là. Ça consistait à décrocher des berlines pleines et d’y raccrocher des berlines vides que l' camarade faisaient monter.