La Libération dans le Bassin minier

août 1944
03m 36s
Réf. 00321

Notice

Résumé :

Dans cet extrait des "Mémoires de la Mine," trois témoins évoquent la Libération. Jean Wroblewski raconte comment s'est déroulée la libération du Bassin minier avec l'aide de la Résistance. Le travail a pu reprendre. Jean-Bart Pierrot explique que les mineurs ont eu espoir d'avoir, après la Libération, à manger et des vêtements. Robert Ledoux explique que le travail a changé après la Libération, notamment en ce qui concerne le commandement.

Type de média :
Date de diffusion :
02 décembre 1981
Date d'événement :
août 1944
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

La Libération du Nord-Pas-de-Calais fut une dure épreuve pour les ports, où les Allemands avaient massé des troupes, surtout dans la poche de Dunkerque. Elle prit presque par surprise le bassin minier. Certes, depuis le débarquement du 6 juin 1944, les Forces françaises de l'intérieur (FFI) s'étaient mobilisés, ainsi que les Francs-tireurs et partisans (FTP) également présents partout. Un mot d'ordre de grève générale insurrectionnelle courait à la fin d'août. Mais les armées alliées, Britanniques et Canadiens en tête franchirent la Somme le 1er septembre 1944, poursuivirent leur élan jusqu'à Arras et déferlèrent en quelques jours sur le Bassin, sur les talons des unités allemandes en retraite. Les Résistants locaux leur prêtèrent un précieux appui.

Mais les mineurs avaient déjà mené leur propre guerre, quelques années plus tôt et en avaient payé le prix. Après la défaite de 1940, les compagnies, désireuses de prendre leur revanche sur 1936, revinrent sur les conventions collectives, et rétablirent par exemple le chronométrage dans les tailles, avant même de subir la tutelle exigeante des autorités allemandes. C'est dans ce contexte que les mineurs osent cesser le travail du 27 mai au 9 juin 1941. Cette grève patriotique, exaltée par les communistes qui en assumèrent l'organisation, mobilise 100 000 mineurs, pour des revendications matérielles autant que par sentiment anti-allemand. L'occupant la considère comme un acte de guerre et entreprend de la briser, mais commissariats et sociétés houillères se mettent à son service et lui fournissent les listes de meneurs. Pour les mineurs, il est clair que les compagnies collaborent avec l'ennemi et la lutte sociale se confond alors avec la lutte nationale.

C'est pourquoi à l'automne 1944, révolution sociale et libération nationale sont intimement mêlées. Le patronat minier, accusé d'avoir poussé à la production pour Hitler, est complétement discrédité et les directions en place sont suspendues le 11 octobre 1944, bien avant la création de Charbonnages de France. L'encadrement, dont certains membres ont pourtant participé à la Résistance, souffre du même rejet. Des incidents sanglants éclatent quand ingénieurs et porions se présentent, il règne dans certains puits un climat insurrectionnel. Or la France a un immense besoin de se chauffer, de faire rouler ses locomotives. Les sacrifices des mineurs, qui souffrent du rationnement comme le reste de la population, ne trouveront pas récompense immédiate : il leur faut d'abord se consacrer à la bataille de la production, pour redresser le pays. Et faute de pouvoir investir, augmenter le rendement signifie demander plus d'efforts aux ouvriers. Seul le parti communiste est capable de le faire accepter aux mineurs, au prix de leur santé. Mais les compensations, importantes, viendront ensuite, avec le vote en février 1946 du statut du mineur qui en fait "le premier ouvrier de France" puis, en juillet, la nationalisation des mines.

Joël Michel

Transcription

Jean Wroblewski
Finalement, il y a eu quand même quelques contacts. Et bon, l’action, elle s’est amplifiée, il y a eu quand même des actes de sabotage faits à droite et à gauche et puis finalement, il y a eu le débarquement ; et les Allemands qui commençaient à fuir d’un côté et d’autre ; et c’est à ce moment-là qu’on nous a demandé de passer à l’action. C’est-à-dire, d’essayer de les faire prisonniers, de les désarmer, pour tout au moins, pour récupérer des armes parce qu’on n'avait absolument rien et comment faire quelque chose si on n’avait même pas d’armes ? Et bien sûr, arriva le moment où, véritablement, les troupes alliées commençaient à avancer. Ils arrivaient du côté de Saint Paul sur Auchel et Marles. Et pratiquement, les armées alliées n’ont pas eu de travail à faire dans le secteur puisque c’est nous, les FFI, qui avons nettoyé toute la région. Il y avait tous ceux qui faisaient partie de la résistance armée. On était armé, on avait quand même un certain nombre de missions à accomplir, c’est-à-dire de nettoyer un petit peu les zones telles que les bois tout ça, il fallait aller dedans et faire des recherches. Donc, on nous a quand même confié un certain nombre de missions, de travail à effectuer et les autres, huit jours après, ont commencé à redescendre à la mine petit à petit parce que les quartiers, il faut dire que tout a été abandonné. On a eu du mal à remettre la mine en route correctement. Et nous, nous sommes restés comme ça à peu près un mois. Après, on a reçu un ordre en nous demandant soit ceux qui voulaient, disons, s’enrôler ou plutôt être recrutés pour continuer la guerre, et de la poursuite de la guerre jusqu’en Allemagne, et ceux qui voulaient pouvaient se retirer et puis reprendre le boulot. Alors les circonstances ont voulu que je reprenne le travail à ce moment là.
Jean-Bart Pierrot
Avec la Libération, automatiquement, bon, il n’y avait plus de bombardements et on avait espoir d’avoir enfin à manger. Bien que ça a duré quand même encore plus d’un an et il y a eu une période de transition où il y a eu même des, plusieurs grèves parce qu’on n’avait pas à manger mais enfin, sur le coup, on disait, on pensait, nous sommes libérés. Automatiquement, on va avoir à manger et on va avoir des vêtements ! Et en plus, il y avait aussi la perspective de voir la guerre bientôt terminée et voir rentrer des membres de notre famille qui étaient prisonniers depuis plus de quatre ans en Allemagne. Alors donc, ça a été vraiment une explosion de joie, c’était indescriptible ! Celui qui n’a pas connu ça, il ne peut pas voir, ben, il ne peut pas voir, il ne peut pas comprendre ce que ça pouvait être.
René Ledoux
Et puis au point de vue travail, ça a changé aussi parce qu’il y a eu des sanctions sur, il y a eu des agents de maîtrise qui, pendant la Guerre, avaient fait trop de zèles, ont été mis à l’écart. Donc, tout a changé au point de vue commandement, on l’a resenti nettement. Depuis les ingénieurs jusqu’aux agents de maîtrise et cetera, ça a changé aussitôt après la Libération. Puis en 45, quand ça a changé de gouvernement, quand il y a eu des, disons, des ministres communistes et cetera, donc ça a changé à l’époque. Il y a pas mal de choses qui ont changé. Mais ça a changé dans un autre sens aussi, il y a eu la période où il fallait produire pour remonter le pays et l’époque où il a fallu refaire de nouveaux efforts pour arriver.