Discours à Boé, Lot et Garonne

11 octobre 1984
02m 10s
Réf. 00107

Notice

Résumé :
A Boé, François Mitterrand a rencontré des responsables des organisations professionnelles agricoles dans la perspective de l'élargissement de la CEE a l'Espagne et au Portugal.
Date de diffusion :
11 octobre 1984
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

La perspective d'un élargissement de la CEE à l'Espagne et au Portugal prend de l'épaisseur à la fin des années 1970. En effet, à quelques mois d'intervalle, la Révolution des œillets met fin au Portugal à la dictature de Salazar et instaure un régime républicain avant que la mort de Franco, en Espagne, ne transforme le régime en une monarchie constitutionnelle. Cette transition démocratique conduit ces deux Etats à se tourner vers la CEE et à entamer, dès le printemps 1977, des négociations d'adhésion.

Néanmoins, outre les problèmes institutionnels induits par le passage à douze États membres que représenteraient leur adhésion, l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans le Marché commun industriel et agricole suscite l'inquiétude des agriculteurs français. Ils craignent en effet à la fois la concurrence de pays aux coûts de production plus faibles capables de proposer des prix inférieurs à ceux des exploitants français, et la baisse des subventions accordées aux agriculteurs français dans le cadre de la PAC (politique agricole commune) du fait des nombreux financements dont auront besoin l'Espagne et le Portugal pour moderniser leur agriculture.

Ces pays représentaient notamment une concurrence pour les productions de fruits et légumes et de vin, susceptibles d’intéresser les pays du Nord de l'Europe car moins chers que les produits équivalents en provenance de France ou d'Italie. Toutefois, cette hausse de l'offre était en partie compensée par une hausse de la demande de viandes ou de produits laitiers, dont ils seraient importateurs nets.

Si l'adhésion de l'Espagne et du Portugal à la CEE sera validée en 1985 pour une entrée effective au 1er janvier 1986, leur participation au Marché commun sera toutefois assortie de mesures transitoires, comme évoqué par le président de la République lors de sa rencontre avec les organisations professionnelles agricoles à Boé.
Vincent Duchaussoy

Transcription

Présentateur
Effectivement, il y avait cette étape de Boé, en Lot-et-Garonne, où François Mitterrand, comme vous venez de le dire, Jérôme, était accompagné de Michel Rocard. Il a rencontré les responsables des organisations professionnelles agricoles. C’était une rencontre attendue dans la perspective de l’élargissement de la Communauté Européenne à l’Espagne et au Portugal. On retrouve Jean-Pierre Dinand.
Jean-Pierre Dinand
Au centre de cette rencontre de Boé, près d’Agen, le vin, les fruits et légumes mais surtout l’incidence de la future entrée de l’Espagne dans le marché commun. En fait, on ne peut pas l’éviter selon le Président. De très longs développements prudents mais fermes, ouverts sur l’avenir dans un discours complexe, confidentiel, presque un long monologue intérieur ; un monologue de penseur solitaire parmi les hommes torturés de notre siècle, de notre région avec des états d’âme, beaucoup d’états âmes.
François Mitterrand
L’élargissement, l’Espagne, alors avec toutes ses compétences à l’intérieur de la communauté, d’ici 10 ans puisqu’on parle de 10 ans, est-ce que, est-ce qu’on aura eu le temps d’opérer toutes les étapes intermédiaires ? Et l’un d’entre vous me disait tout à l’heure, est-ce que vous êtes bien assurés de pouvoir passer d’une étape à l’autre, dans le cadre des obligations souscrites par les uns et les autres. Bref, vous ne tenez pas la clé, vous n’avez pas de clé dans les mains. Après tout, si ce n’est pas respecté dans 5 ans, qu’est ce qui vous garantit que ça le sera dans 10 ans ? Mais dans 5 ans, vous serez suffisamment engagés pour ne plus pouvoir reculer. Donc, dans 10 ans, ça risque d’être un échec, observation raisonnable. C’est pourquoi nous observons un processus inverse à celui qui a été, euh, adopté en 1972, nous essayons de faire que le maximum de conventions, d’obligations mutuelles, contractuelles soient prises avant décision d’élargissement.
Jean-Pierre Dinand
Alors que penserez-vous de tout cela, dit le Président ? Je sais que je serai contesté, commenté, discuté mais je me serais confié à vous. Entendez bien, la réponse est pour demain, pour après-demain, le dialogue est ouvert.