François Mitterrand au débat "Choisir la cause des femmes"

29 avril 1981
02m 17s
Réf. 00143

Notice

Résumé :
François Mitterrand est l'invité du mouvement "Choisir la cause des femmes" présidé par Gisèle Halimi. Le colloque s'intitule "Quel président pour les femmes?" et est organisé sous la forme d'échanges entre le candidat socialiste et sept journalistes femmes.
Date de diffusion :
29 avril 1981
Source :

Éclairage

Le 26 avril 1981 a lieu le premier tour des élections présidentielles. François Mitterrand est deuxième du premier tour avec 25,85% des voix derrière Valéry Giscard d'Estaing qui totalise 28,32% des suffrages.

Le mardi 28 avril, François Mitterrand poursuit sa campagne afin d'obtenir le maximum de report de voix pour le second tour. Il accepte donc de se rendre au colloque du mouvement "Choisir la cause des femmes" au Palais des Congrès à Paris. Ce mouvement, généralement abrégé en "Choisir", a été fondé en juillet 1971 par des femmes afin de lutter contre la loi de 1920 qui pénalise l'avortement. Le manifeste des 343 publié en avril 1971 est l'acte fondateur de ce mouvement. Simone de Beauvoir puis Gisèle Halimi sont les présidentes emblématiques de cette ONG.

Ce rassemblement pose la question suivante "Quel président pour les femmes ?...". Les deux candidats au second tour sont invités, mais seul le candidat socialiste répond à l'invitation. François Mitterrand s'exprime alors face à sept personnalités féminines : Gisèle Halimi (avocate), Martine Allain-Regnault (Antenne 2), Hélène Mathieu (Marie Claire), Françoise Parturier (écrivaine), Christine Ockrent (Europe 1), Ménie Grégoire (RTL), Josyane Savigneau (Le Monde).

Les journalistes l'interrogent sur des thèmes variés : la place des femmes dans l'économie, la place des femmes en politique, l'évolution des mœurs, l'avortement, l'homosexualité. Ce débat permet à François Mitterrand de présenter les points 64 à 70 des 110 propositions pour la France, le programme du Parti socialiste. La proposition 65 propose l'égalité de salaire entre hommes et femmes. La proposition 68 prévoit la création de 300 000 places en crèche afin de favoriser l'insertion des femmes sur le marché du travail. La proposition 47 doit permettre d’accroître la participation des femmes à la vie politique : désormais les listes devront comporter 30% de candidates. François Mitterrand s'engage même au delà de son programme et annonce que l'homosexualité cessera d'être un délit.

Au terme de trois heures d'échanges, Mitterrand conclut "Voilà ce que je veux vous dire". Gisèle Halimi garde alors pour elle le mot de la fin et lui répond : "si demain c'est vous, si vous êtes élu, comptez bien que Choisir vous rappellera que vous avez promis un peu, sur certains chemins, d'unir dans le progrès, le changement, les deux moitiés du ciel".

Le 2 juin 1981, un compte rendu des débats, intitulé "Quel président pour la France ? Réponses de François Mitterrand", est publié dans la collection Idées de Gallimard, afin de marquer noir sur blanc les promesses du nouvel élu.
Félix Paties

Transcription

Présentateur
Je vous propose de rester dans la soirée d’hier soir, car François Mitterrand était, lui, l’invité du mouvement Choisir. Il répondait ainsi à l’invitation de Gisèle Halimi, et durant un peu plus d’une heure et demie, le candidat socialiste a répondu à des questions qui concernent toutes les femmes.
Journaliste
Une salle archicomble, un public attentif, sept consoeurs pour interroger pendant près de deux heures le candidat François Mitterrand sur son programme, bien sûr, mais aussi sur un grand nombre de problèmes sociaux et de vie quotidienne des femmes : la femme au travail, dans la vie politique, la violence, les moeurs, l’avortement, l’homosexualité. Le travail à temps partiel, ce qu’il faut organiser en fait, c’est la lutte contre le chômage. Le salaire de la femme au foyer, ce n’est pas une bonne approche de la place de la femme dans la vie du travail.
François Mitterrand
Et le salaire de la femme au foyer est généralement mal abordé. On peut très bien admettre, que dis-je, on doit recommander qu’une femme qui attend un enfant, qui a un enfant, qui doit s’occuper de son éducation, ou un homme, et on peut très bien admettre qu’il lui faille du temps pour cela, et donc qu’il y ait une rémunération pour cela. Mais la notion du salaire de la femme au foyer est une notion qui me paraît dangereuse, dans la mesure où elle isole la femme de la société dans laquelle elle vit, dans laquelle, au fond c’est un moyen - car je n’imagine pas que cette rémunération serait considérable - c’est un moyen de se débarrasser à bon marché de l’arrivée des femmes sur le marché du travail.
(Bruit)
Journaliste
Le congé parental alterné entre le père et la mère, oui, mais sans obligation. Plus de femmes au Gouvernement et dans les Assemblées, le Parti socialiste est déjà en avance sur les autres, mais les moeurs françaises sont longues à évoluer. Avec quelle mode de scrutin ? La proportionnelle, mais je n’aurai pas le temps, dit François Mitterrand, de faire changer le mode de scrutin par l’Assemblée actuelle avant de la dissoudre. À la fois détendu et grave, Monsieur Mitterrand a fréquemment déridé son auditoire avec un humour qui visait souvent son adversaire du deuxième tour. Donnez-moi des idées, demande le candidat socialiste à un certain moment. Autrement dit, je suis venu à votre rencontre pour expliquer ma politique, mais aussi pour vous écouter et en tirer un enseignement pour les mois et les années prochaines.
François Mitterrand
Qui se trouve disposé…